Par Ariane
Auteur :
Alexandre Seurat
Titre :
La maladroite
Genre :
roman
Editeur :
éditions du Rouergue
Nombre de
pages : 112p
Date de
parution : août 2015
Présentation de l’éditeur :
Tout commence par un avis de recherche, diffusé à la suite
de la disparition d'une enfant de 8 ans. La photo est un choc pour une
institutrice qui a bien connu cette gamine. Pour elle, pas de doute : cette
Diana n'a pas été enlevée, elle est déjà morte, et ses parents sont coupables.
Remontant le temps, le roman égrène les témoignages de ceux l'ayant côtoyée,
enseignants, grand-mère et tante, médecins, assistants sociaux, gendarmes...
Témoins impuissants de la descente aux enfers d'une enfant martyrisée par ses
parents qui, malgré les incitations à parler de plusieurs adultes, refusera de
les dénoncer. Ce roman est inspiré par un fait divers récent largement
médiatisé car, en dépit de plusieurs signalements, l'enfant n'avait jamais
bénéficié de protection. Loin de tout sensationnalisme, l'auteur rend sa
dimension tragique à ce drame de la maltraitance.
Mon avis :
Comment parler de ce livre ? Pas facile de trouver les
mots pour parler d’une histoire qui fait si mal.
Comme tant d’autres, Alexandre
Seurat a été profondément bouleversé par le calvaire enduré par la petite
Marina, assassinée par ses parents après des années de sévices en 2009. Une
affaire qui au-delà de l’émotion suscitée par le drame vécu par l’enfant, avait
soulevé de nombreuses questions concernant la responsabilité des services
sociaux puisque le cas de la petite fille avait été signalé à plusieurs
reprises.
A mi-chemin entre le roman et le récit, La maladroite
raconte le parcours de la petite fille, prénommée ici Diana, dans une structure
chorale qui présente les différents acteurs qui sont intervenus ou pas pour lui
venir en aide. Pas de scènes de violences, mais la violence est omniprésente
dans les traces sur le corps de l’enfant.
Le récit s’inscrit dans la réalité de l’histoire de la
petite Marina, mais Alexandre Seurat s’inscrit dans la fiction en faisant
parler les différents protagonistes. Des personnages anonymes, désignés
uniquement par leur fonction (l’institutrice, la directrice, le policier,…) ou
leur place par rapport à l’enfant (la grand-mère, la tante). Des personnages
qui se fondent dans un certain anonymat. Des personnes traumatisées par leur
impuissance, hantés par le souvenir de Diana. Il y a ceux qui ont essayé d'aider l'enfant et les autres, ceux qui ne l'ont pas crue, qui l'ont ignorée.
Elle. Au centre de tout, Diana. Et pourtant insaisissable. On
ne la connaît pas. Parce qu’elle est enfermée en elle-même, par cette violence,
par sa peur, par sa souffrance, par son amour pour ses parents aussi. Et un
autre enfant. Arthur, le frère aîné. L’enfant tiraillé entre ce qu’il doit dire
et ce qu’il doit taire.
On lit vite. Le souffle coupé, avec un sentiment d’urgence,
on voudrait protéger, tendre la main, prendre l’enfant dans les bras, lui dire
que tout ira bien désormais, lui offrir une enfance, de la tendresse et des
rires. Urgence, on voudrait empêcher, mais on connait le destin de cette
enfant. L’inéluctable approche à grand bas, on se sent écrasé à l’avance par ce
qui va venir. Ça prend à la gorge, ça
noue le ventre. Tristesse, colère, dégoût, révolte.
Enorme paradoxe entre l’enchaînement inexorable des faits,
le destin de l’enfant qui s’approche à toute vitesse et la lenteur des services
sociaux qui tardent tant à se mettre en marche, freinés par la bureaucratie, les
procédures, la paperasserie. Que de colère face à cette inertie ! Prendre
des rendez-vous, discuter, d’autres rendez-vous et discuter encore. Mettre en
branle les procédures, les dossiers qui passent d’un service à l’autre, les
intervenants qui se succèdent. Au final on a surtout le sentiment d’une totale inefficacité.
Pas toujours peut-être, mais dans ce cas précis oui. Sans doute pas un cas
unique.
On dit souvent que la justice est imparfaite, mais c’est le
cas de toutes les institutions humaines. Parce que les humains ne sont que des
humains. Parce que les travailleurs sociaux sont surchargés de dossiers, parce
qu’ils se font berner par des explications convaincantes, par un père
sympathique et une mère charmante, par le tableau d’une famille unie et
normale, parce qu’ils ne voient pas tout, parce que certains aussi ne veulent
pas voir.
Beaucoup d’émotions mais pas de pathos, la relation directe
et précise des faits, car il n’y a rien à rajouter.
Une lecture prenante et violente, pour ne pas oublier
Marina, ni les autres.
Extrait :
« Entre eux et
moi, il y aura toujours elle. J’aimerais pouvoir dire que je l’aimais comme une
sœur – mais elle n’en était pas une pour moi, puisqu’elle n’était rien, puisqu’on
ne la voyait pas, qu’on n’avait pas le droit de jouer avec elle »