Par Ariane
Auteur :
Caroline Laurent
Titre :
Rivage de la colère
Genre :
roman
Langue
d’origine : français
Editeur :
Les escales
Nombre de
pages : 413p
Date de
parution : janvier 2020
Mon avis :
Je ne sais pas vous, mais lorsque j’ai un coup de cœur pour
un livre, même si j’attends avec impatience de relire l’auteur, j’ai tout de
même la crainte d’être déçue. C’est donc avec une certaine fébrilité que j’ai
commencé ma lecture de ce roman de Caroline Laurent, dont le premier livre Et soudain, la liberté, reste gravé en
moi parmi mes plus belles lectures de ces dernières années.
L’histoire qu’elle nous raconte c’est d’abord une histoire d’amour.
Les opposés s’attirent dit-on et c’est bien ce qui arrive à Gabriel, issu de de
la bourgeoisie mauricienne, et Marie, chagossienne. Mais à
travers ces personnages imaginaires, c’est l’histoire on ne peut plus réelle et
tragique des chagossiens qu’elle nous raconte.
Mêler imaginaire et réalité n’est pas chose aisée, mais
Caroline Laurent le fait avec subtilité et intelligence. J’ai suivi avec
plaisir l’histoire de Gabriel et Marie, de Josephin, Josette et les autres. Elle
a su donner une vraie personnalité à ses personnages, même secondaires. Avec
eux on sourit, on pleure, on frémit, on brûle d’indignation.
L’indignation, c’est sans doute l’un des sentiments que
Caroline Laurent a voulu susciter en nous parlant de l’histoire méconnue des Chagossiens.
L’indifférence avec laquelle ce peuple a été littéralement vendu et l’hypocrisie
des puissants se présentant comme des champions de la démocratie sont
révoltantes. On ne peut qu’imaginer le désespoir des îlois obligés de quitter
leur terre dans l’heure, d’abandonner leurs souvenirs et leurs biens, débarqués
comme du bétail à Maurice et abandonnés à leur sort… Certaines scènes sont
particulièrement marquantes, comme lorsque les militaires arrachent tous les
chiens de l’île à leurs maîtres pour les tuer. Troublant notamment le passage
du transfert des Chagossiens à Maurice, parqués dans les cales d’un bateau
quand le bétail est sur le pont. La chaleur, la faim, la soif, la peur, la
promiscuité… C’était en 1973 mais ça aurait pu être 1673.
Depuis les Chagossiens se battent pour retrouver leurs
terres, réparer l’injustice dont ils ont été victimes. David contre Goliath. Caroline
Laurent nous raconte ce combat, de ses débuts avec le personnage de Marie,
jusqu’à l’époque actuelle à travers Josephin. En février 2019, la haute cour de
justice internationale a rendu un avis favorable aux Chagossiens. Avis purement
consultatif dont je doute qu’il soit suivi d’effets…
En effet, que vaut la souffrance d’un peuple face aux
intérêts économiques et militaires des grandes puissances que sont l’Angleterre
et les Etats-Unis ? Car si les Chagos sont toujours considérés comme
territoire britannique, ce sont les américains qui y ont établi une base
militaire. Certains Chagossiens ont eu la possiblité de retourner sur l’île pour
une journée en 2006. Visite qui leur a crevé le cœur tant leur île paradisiaque
a été défigurée. Finie la plage de sable blanc, disparues les cases, à l’abandon
le cimetière, abattus les arbres… Un
paradis perdu.
Je craignais une déception, au contraire je reste saisie par
l’écriture de Caroline Laurent, bouleversée par cette histoire. Sublime !
Extrait :
« Ma mère.
Je la revois sur le bord du chemin, la moitié du visage
inondée de lumière, l’autre moitié plongée dans l’ombre. Ma géante aux pieds
nus. Elle n’avait pas les mots et qu’importe : elle avait mieux puisqu’elle
avait le regard. Debout, mon fils. Ne te rendors pas. Il faut faire face. Avec
la foi, rien ne te sera impossible… La foi, son deuxième étendard. Trois
lettres pour dire Dieu, et Dieu recouvrait sa colère, son feu, sa déchirure, la
course éternelle de sa douleur. »
« Tout n'est pas à vendre. On n'achète pas la dignité.
On n'achète pas un pays. On n'achète pas l'âme ou la foi. Certaines choses sont
sacrées et doivent le rester. »
« Justice, dignité, liberté des peuples ! Ce que nous
demandons à nos adversaires, qui ont inventé ces valeurs, c'est de se les
appliquer à eux-mêmes. »
« La justice est la méchante sœur de l'espoir. Elle
vous fait croire qu'elle vous sauvera, mais de quoi vous sauvera-t-elle
puisqu'elle vient toujours après le malheur. Un verdict, ça ne répare rien. Ça
ne console rien. Parfois tout de même, ça purge le cœur. »
L'avis d'Eva,