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lundi 31 mai 2021

Paris, mille vies - Laurent Gaudé

 Par Daphné








Auteur : Laurent Gaudé

Titre : Paris, mille vies

Genre : roman
Langue d’origine : français
Editeur : Acte sud
Nombre de pages 80
Date de parution :  2020

Résumé de l'éditeur :

Un soir de juillet, sur l'esplanade de la gare Montparnasse, le narrateur est apostrophé par un homme agité qui répète plusieurs fois sa question : Qui es-tu, toi ?

Guidé par cette ombre errante, il déambule de nuit dans un Paris étrangement vide où les époques se mêlent. Tant de présences l'ont précédé dans cette ville qui l'a vu naître, et ce sont autant de fantômes qu'il faut dire, apaiser, écrire, avant de revenir au grand appétit de la vie.

Entre art poétique et récit fantastique, l'auteur célèbre sa ville et se souvient, à la fois sincère et discret, heureux d'être un parmi les hommes et de chanter, le temps d'une nuit, ces mille vies qui nous devancent, nous accompagnent, nous prolongeront.

Mon avis :

Une fois de plus, quel bon moment passé avec une livre de Laurent Gaudé. Un livre court mais qui fait mouche. Plus qu'une histoire, c'est une promenade au cœur de Paris que nous propose ici l'auteur. Que ce soit dans le pas de son père, dans ceux de Rimbaud ou Victor Hugo, ou dans ceux de ces milliers de gens anonymes qui chaque jour traversent la ville, nous voilà en train de déambuler dans Paris, poursuivi par la question posée au narrateur : "qui es-tu, toi ?"

Oui, qui es tu ?  Qui sont ils tous ces gens qui passent au même endroit sans se connaître, sans penser à tous ceux, célèbres, proches ou inconnus, qui ont déjà marché au même endroit ? avec une écriture poétique et méditative, Laurent Gaudé nous amène ici à ramener les morts à la vie, à leur rendre hommage, et à saluer Paris. 

Ce livre n'est peut-être pas mon préféré de l'auteur (un peu trop court peut-être pour moi ?) mais il n'en demeure pas moins une belle lecture, comme une pêle-mêle un peu nostalgique qui nous guide à travers les rues de la capitale.

Extrait :

"Paris se lève. Le jour qui est à vivre aura ton nom. Je vais le presser, le boire, le savourer tout entier. Les nuits de la ville ne vont plus tarder à monter. Déjà, les premiers véhicules apparaissent. Le brouhaha épais de la vie revient, ce bourdonnement d'existences qui fait tout éclore. Le temps, à nouveau, fait tourner les aiguilles. Tout passera si vite, comme avant. Je vais retrouver le vertige d'une existence qui file entre les doigts, mais tu es là. C'est vers toi que je reviens. Il y a cela qui nous réconcilie de tout : le pari que nous avons fait de l'amour. Pour qu'il s'étiole, une chose solide : ton regard et le mien. Cela suffit."

samedi 29 mai 2021

La face nord du coeur - Dolores Redondo

Par Ariane

Auteur : Dolores Redondo

Titre : La face nord du cœur

Genre : roman policier

Langue d’origine : espagnol

Traductrice : Anne Plantagenet

Editeur : Gallimard

Nombre de pages : 688p

Date de parution : novembre 2020

 

Mon avis :

Avec ce roman policier de Dolores Redondo, je termine avec regret mes lectures du prix des lectrices de Elle… Par la même occasion de découvre une autrice espagnole, bien installée dans le paysage de la littérature noire.

Amaia Salazar, inspectrice de la police espagnole, participe à une formation au siège du FBI en compagnie d’autres policiers européens. Son profil intéresse fortement l’agent Dupree qui décide de l’intégrer à son équipe sur les traces d’un tueur en série qui frappe des familles pendant des catastrophes climatiques. Alors que l’ouragan Katrina approche de la Nouvelles Orléans, il ne fait aucun doute que le tueur va frapper de nouveau…

Et je dois dire que Dolores Redondo nous offre une enquête riche en rebondissements, passionnante et portée par des personnages intéressants. Mais loin de se contenter d’une énième enquête policière tortueuse, l’autrice nous offre un récit riche et protéiforme. Car une seconde enquête vient se mêler progressivement à la première, le passé des deux protagonistes principaux rejoignant les évènements en cours, les croyances et légendes prennent corps tandis que la Nouvelle Orléans et ses habitants subissent de plein fouet la colère de la nature.

Alors apparemment le coup de cœur était assuré, mais… un grain de sable a tout fait capoter. Car à un point du récit l’autrice m’a perdue. Je n’ai pas du tout adhéré à la tournure que prenait la seconde intrigue et cela a impacté la suite de ma lecture.

Malgré ce bémol, j’ai beaucoup aimé cette dernière lecture qui est apparemment le préquel d’une trilogie que j’espère découvrir rapidement.

 

Extraits :

« Pourquoi sont-ils prêts à mourir? Vous ne vous rendez pas compte, ce sont peut-être des maisons de merde, mais c'est tout ce qu'ils ont réussi à avoir dans leur vie. »

« Parce que je crois à la foi, à la force des croyances des autres. Au nom de ces croyances, on a bâti et détruit des empires »

 



 

vendredi 28 mai 2021

Le complexe de la sorcière - Isabelle Sorrente

 Par Daphné








Autrice : Isabelle Sorrente

Titre : Le complexe de la sorcière 

Genre : roman? Essai ? Autobiographie ? Je ne sais pas trop...

Langue d’origine : français

Editeur : Folio

Résumé de l'éditeur :

«  Les histoires que je lis sont celles de femmes accusées d’avoir passé un pacte avec le diable parce qu’un veau est tombé malade. Les histoires que je lis sont celles de femmes qui soignent alors qu’elles n’ont pas le droit d’exercer la médecine, celles de femmes soupçonnées de faire tomber la grêle ou de recracher une hostie à la sortie de la messe. Et moi, je revois le cartable que m’a acheté ma mère pour la rentrée de sixième, un beau cartable en cuir, alors que j’aurais voulu l’un de ces sacs en toile que les autres gosses portent sur une seule épaule, avec une désinvolture dont il me semble déjà que je ne serai jamais capable. Je revois mon père tenant ma mère par la taille un soir d’été, je le revois nous dire, à mon frère et à moi, ce soir, c’est le quatorze juillet, ça vous dirait d’aller voir le feu d’artifice  ? Cette contraction du temps qui se met à résonner, cet afflux de souvenirs que j’avais d’abord pris pour un phénomène passager, non seulement ne s’arrête pas, mais est en train de s’amplifier.  »

En trois siècles, en Europe, plusieurs dizaines de milliers de femmes ont été accusées, emprisonnées ou exécutées. C’est l’empreinte psychique des chasses aux sorcières, et avec elle, celle des secrets de famille, que l’auteure explore dans ce roman envoûtant sur la transmission et nos souvenirs impensables, magiques, enfouis.

Mon avis :

Voici un livre qui n'est pas vraiment ce à quoi je m'attendais. Je pensais en l'ouvrant qu'il nous conterait l'histoire d'une femme accusée de sorcellerie mais ce n'est pas vraiment le cas. Ce livre ne nous conte t-il pas plutôt l'histoire de l'autrice elle-même ? Il semble être à mi chemin entre l'autobiographie, la thèse et la fiction, et cela donne un texte intéressant mais plutôt déroutant. Intéressant par la recherche parcourue par l'autrice sur les chasses aux sorcières (un thème sur lequel j'ai fait un certain nombre de recherches aussi et qui me parle donc bien). Intéressant aussi par le parallèle entre ces chasses aux sorcières et la vie des femmes aujourd'hui, par le transgénérationnel suggéré tout au long des pages. Intéressant par le thème du harcèlement scolaire qui tient dans ce livre une grande place. Intéressant, oui... mais déroutant.

Déroutant par sa narration : la narratrice et l'autrice ne font-elles qu'une seule et même personne ? Il semblerait que oui. Cette manière de se mettre soi même en scène dans des récits hésitant entre fiction et autobiographie me fait toujours un drôle d'effet, peut-être parce que c'est un style d'écriture auquel je ne suis pas habituée. Déroutant par le fait que plusieurs histoires semblent ici se chevaucher sans se rejoindre vraiment. Déroutant par le fait que ce livre me semble incassable, ce qui n'est pas un mal en soi mais peut paraître un peu perturbant au premier abord. Déroutant par son côté un peu "développement personnel" qui n'est pas vraiment le style de lecture que j'affectionne le plus. 

Bref, une lecture que j'ai trouvé plutôt surprenante. Je ne parviens pas réellement à dire si elle m'a plu ou non. L'autrice explore très bien ses sujets. Sa recherche sur les chasses aux sorcières m'ont beaucoup plu, les passages sur le harcèlement scolaire beaucoup émue mais j'ai eu un peu de mal avec cette introspection et avec le style.

Un livre étrange...

Extrait :

"Le complexe de la sorcière serait ce soupçon permanent de soi instillé aux femmes torturées, ou aux femmes témoins de torture d'autres femmes de leur famille ou de leur entourage. L' interdit portant sur la vérité, qu'elles ne peuvent ni chercher ni dire, sous peine de torture."





mercredi 26 mai 2021

Mercredi, c'est le jour des petits - Résidence Beau Séjour - Gilles Bachelet

 Par Daphné









Auteur  : Gilles Bachelet

Titre Résidence Beau Séjour 
Editeur :Seuil Jeunesse

Résumé :

C'est officiel : le nouvel animal chéri des petites filles comme des petits garçons, c’est le groloviou à poils doux.
Fini les licornes ! On les adore mais on les a trop vues !
En attendant de retrouver leur gloire passée, elles vont goûter un repos bien mérité à la résidence Beau Séjour. Piscine, spa, cours de fitness, coiffeur, esthéticienne, salon de thé, spectacles et activités diverses, tout y est merveilleusement organisé pour fournir aux licornes et autres animaux en perte de popularité une vie de rêve…
… Enfin presque…

Mon avis :

Le nouveau grand coup de cœur de ma fille de 7 ans! Une chose est sûre : nous allons avoir beaucoup de mal à rendre cet album à la bibliothèque!

 ça y est, la mode des licornes est passée chez les enfants! Place aux grolouvious, ce sont maintenant eux les stars de la mignonitude animale. Et voilà donc Poufy la licorne, pensionnaire à la résidence Beau Séjour où sont accueillis tous les animaux passés de mode. 

On connaissait déjà certains albums de Gilles Bachelet et on aimait bien mais celui-ci est vraiment un régal. Qu'il est drôle et fantaisiste ce livre! Fourmillant de détails tous plus savoureux les uns e-que les autres, on y trouve de nombreuses références qui ne parleront pas forcément de la même manière aux adultes qu'aux enfants mais où tout le monde trouvera son compte. Suspense et humour sont au rendez-vous et on ne s'en lasse pas. Bien que lu déjà un certain nombre de fois, ma fille et moi continuons de découvrir au fil des pages de nouveaux détails qui nous font toujours sourire!



mardi 25 mai 2021

A la folie - Joy Sorman

Par Ariane

Auteur : Joy Sorman

Titre : A la folie

Genre : document

Langue d’origine : français

Editeur : Flammarion

Nombre de pages : 288p

Date de parution : février 2021

 

Mon avis :

Ils s’appellent Maria, Franck, Adrienne, Barnabé, Robert, Jessica, Youcef, Sarah… Ils sont fous, aide-soignante, médecin ou infirmier. Pendant un an, Joy Sorman est partie à leur rencontre. Une immersion sans intervention, anthropologue d’un milieu fermé, effrayant et mystérieux pour la plupart des gens.

Une année d’observation qu’elle restitue en de courts portraits dans lesquels elle raconte les parcours de vie, le quotidien de l’hôpital, retranscrit les propos de ses interlocuteurs. Cette enquête et l’ouvrage qui en ressort sont l’occasion de mettre en avant les difficultés particulières de cet univers. La déshumanisation croissante de la relation soignant-soigné par des procédures toujours plus rigides et informatisées, le manque de moyens, de personnel, de réponse adaptée.

Au-delà de ces réflexions circonstancielles, Joy Sorman s’interroge plus généralement sur la folie, la place des fous dans la société, le rôle de l’hôpital psychiatrique. L’hôpital psychiatrique est un établissement particulier, à la fois lieu de soin et lieu d’enfermement. Affaires personnelles confisquées à leur arrivée, promenades sous surveillance et à heures fixes, sorties autorisées ou refusées, punitions (thérapeutiques ou non)… Quelle différence entre les malades mentaux et les prisonniers ? Peu assurément…

Malgré cela, Joy Sorman nous présente un lieu bruissant d’humanité, dans ce qu’elle peut connaître de plus beau (amitié, solidarité, joie) ou de pire (colère, violence, humiliation), et ce qu’elle nous dévoile n’est que le portrait de notre société.

J’ai passé un excellent moment en compagnie de Joy Sorman, des patients et du personnel du pavillon 4B. Le regard bienveillant de l’autrice, empathique mais sans complaisance, son écriture fluide et respectueuse des propos de ses interlocuteurs, m’ont aidée à me sentir bien aux côtés de ces inconnus, ceux dont on a l’habitude de détourner le regard. C’était passionnant.

 

Extraits :

« Certains disent de Franck et de tous les autres qu’ils perdent le réel, qu’ils perdent le contact, quand c’est l’inverse. Il y a plutôt excès de réel, ils en crèvent de ce réel trop proche, trop grand, qui leur colle aux basques et au cerveau. »

« On internera plus volontiers un homme qui hurle dans la rue et brise un Abribus à coups de barre de fer que celui qui parle à voix basse aux arbres, même si ce dernier souffre peut-être davantage. »

« Bien sûr celui qui est hospitalisé d’office est toujours reconnu malade, sinon c’est en garde à vue qu’on le conduirait ; il n’en reste pas moins qu’il est privé de liberté et de tout recours préalable, il ne saurait appeler un avocat pour se défendre car il n’est pas accusé, il ne saurait nier car in ne lui reproche rien, il ne saurait compter les jours qu’il lui reste à tirer car aucune sentence n’a été prononcée – le juge fixe une peine, convertie en durée de détention, quand le psychiatre ne peut jamais prévoir le temps qu’il faudra pour guérir. J’entre ici pour un mois ou pour un an ? »

« En entretien, la psychiatre lui reproche de fuir la réalité et Pauline, avec aplomb, sans hésiter : vous avez vu la gueule de la réalité docteur, ça donne pas envie. »