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lundi 31 octobre 2022

Les amandes amères - Laurence Cossé

 Par Daphné








Autrice : Laurence Cossé

Titre : Les amandes amères

Genre : roman 

Langue d’origine : français

Editeur : Gallimard

Nombre de pages : 224

Date de parution :  2011

Résumé de l'éditeur :

Découvrant que Fadila ne sait ni lire ni écrire, Edith entrevoit à quel point la vie est compliquée pour un analphabète et combien c'est humiliant. Elle lui propose de lui apprendre à lire le français. Fadila n'est pas jeune. Edith n'est pas entraînée. L'apprentissage s'avère difficile. Ce qui semblait acquis un jour est oublié la semaine suivante. Si Fadila a tant de mal à progresser, c'est que sa vie entière est difficile.
Ce n'est pas une marginale. Elle a une famille, un toit, du travail. Mais la violence a marqué son rapport aux autres, depuis l'adolescence. Elle a de la rancœur contre son Maroc natal et, en France, elle ne se fait pas à la solitude. Elle vit dans une perpétuelle inquiétude. Edith, de son côté, se sent de plus en plus démunie dans cette aventure dont elle a pris la responsabilité et qui va l'entraîner beaucoup plus loin qu'elle n'aurait cru.
Une amitié singulière, rugueuse et douce, amère, cocasse.

Mon avis :

En ouvrant ce livre, j'étais presque sûre qu'il me plairait car le thème abordé m'intéressait beaucoup. Malheureusement, j'ai été un peu déçue. 

L'histoire m'a plu, c'est vrai. J'ai aimé la persévérance d'Edith et de Fadila, le lien qui peu à peu unit les deux femmes qui ont si peu en commun, la manière dont est décrite l'immense difficulté de ne pas savoir lire dans une société ou tout ou presque passe par l'écrit. Les difficultés de l'apprentissage de la lecture à l'âge adulte sont très bien décrites et on souffre au fil des pages pour Fadila, pour la violence qui a marqué sa vie et dont elle laisse échapper quelques brides de temps à autres, pour le mal qu'elle a à comprendre les lettres, à tel point qu'elle met des mois à reconnaître celles de son prénom. Les avancées de Fadila en matière d'apprentissage sont savamment décortiquées, ces petites victoires comme ses grands échecs. Les processus d'apprentissage sont minutieusement analysés et on s'interroge avec Edith sur la manière de procéder, sur la rudesse de l'échec, sur la manière dont on peut vivre sans savoir lire. Oui, totu cela est très bien décrit, très bien analysé mais...

... Mais peut-être un peu trop justement car on se retrouve avec un roman qui semble presque être documentaire sans en être un.  Ce livre est au final davantage un descriptif des difficultés des processus d'apprentissage qu'une véritable histoire. Non qu'il n'y ait pas d'histoire car il en existe vraiment une mais elle se retrouve noyée sous toutes les étapes ponctuant le difficile et douloureux apprentissage de Fadila. J'avoue que ce n'est pas exactement ce à quoi je m'attendais.

Fadila n'a pas une vie facile et on souffre pour elle de son présent comme de son passé. Et puis on se retrouve à la fin du livre et... et là, j'aurais vraiment voulu en inventer une autre. Evidemment, tous le livres ne peuvent pas finir par des happy-end mais un tel pessimisme ne me paraissait pas indispensable. Cette fin m'a prise de court et m'a laissé un goût aussi amer que les amandes dont il est question dans le titre!

J'ai l'impression d'être passée un peu à côté de ce livre qui pourtant semblait bien parti pour bien me plaire.

Extrait :

"En âge scolaire, c'est clair, Fadila n'a pas quatre ans mais deux. Elle ne sait pas ce que c'est qu'une ligne, ni aller de gauche à droite. Elle ne fait pas la différence entre une courbe et une droite. Elle n'a pas idée que les lettres doivent être identiques, séparées les unes des autres, et par des espaces semblables. Peut-être n'a-elle même jamais dessiné. Quand il apprend à lire à cinq ou six ans, le petit Français a derrière lui trois ou quatre ans de pré-apprentissage pendant lesquels il a passé des heures un crayon à la main, dessiné, relié des points, repéré des directions et tracé des bâtons, des ronds, des tirets, toujours de la même taille, toujours sur une ligne horizontale, toujours de gauche à droite et de haut en bas."


samedi 29 octobre 2022

Le voyant d'Etampes - Abel Quentin

Par Ariane


Auteur : Abel Quentin

Titre : Le voyant d’Etampes

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : éditions de l’Observatoire

Nombre de pages : 384p

Date de parution : août 2021

 

Mon avis :

Petit à petit je rattrape mon retard et il était temps que je parle de ce roman, sélectionné pour les 68 premières fois, avant d’en reparler dans mon bilan.

Après une carrière universitaire sans éclat, Jean Roscoff, retraité désabusé et porté sur la bouteille, se lance dans l’écriture d’un livre sur Robert Willow, poète et communiste américain. Roscoff prend un plaisir fou dans l’écriture de ce livre sur ce personnage dont le parcours et l’ouvrent le passionnent depuis des années. Rien ne laissait présager le tsunami qui se déclenche rapidement après la parution du livre. La polémique enfle, on en parle, on en débat, à la radio, à la télévision, dans les journaux. Les politiques s’emparent de la question. Les réseaux sociaux se déchaînent… Car si Roscoff a mis en avant l’engagement politique de Willow et son œuvre poétique, il a oublié un petit détail : Willow est noir. Roscoff est accusé de racisme, d’appropriation culturelle, harcelé sur les réseaux sociaux, insulté de toutes parts, défendu par le Front National. Un comble pour lui ancien militant à SOS racisme, qui a connu la marche des beurs et les valeurs de la génération Mitterrand.

Roscoff est un looser magnifique, on s’attache à ce pauvre vieux, qui veut bien faire mais semble constamment se prendre les pieds dans le tapis. Il ne comprend pas le monde qui l’entoure, n’en maîtrise pas les codes et semble aggraver la situation chaque fois qu’il ouvre la bouche…

Abel Quentin aborde ici, sous le couvert de cette histoire caustique, qui fait sourire autant qu’elle effraie, le choc des générations et l’émergence d’une pensée nouvelle qui remet en cause les certitudes des générations précédentes. Roscoff, sans nier la couleur de peau de Willow, n’en a pas parlé, car pour lui le racisme, c’est avant tout de désigner quelqu’un par sa couleur de peau. Dans sa vision universaliste, il s’intéresse à l’homme Robert Willow, au communiste, au poète. Mais ce faisant, ne relit-il pas son histoire à travers son propre regard d’homme blanc privilégié ?

On se régale à la lecture des malheurs de Jean Roscoff, mais on s’interroge en même temps sur cette culture émergente. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la plume d’Abel Quentin, avocat dans le civil, ne manque pas de verve. Pas une seconde d’ennui pour moi, jusqu’à la révélation finale, clin d’œil cynique qui nous prouve, une fois de plus, que ce pauvre Roscoff passe toujours à côté de ce qui est important…

mardi 25 octobre 2022

Les enfants véritables - Thibault Bérard

Par Ariane


Auteur : Thibault Bérard

Titre : Les enfants véritables

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : éditions de l’Observatoire

Nombre de pages : 288p

Date de parution : avril 2021

 

Mon avis :

Après Il est juste que les forts soient frappés lu lors de ma première participation aux 68 premières fois, j’ai découvert la suite pour ma nouvelle participation. Dans le premier roman de Thibault Bérard, Sarah une jeune femme décède d’un cancer, laissant derrière elle son mari et ses enfants. Ce second roman est une suite. Thibault Bérard nous raconte l’après. La vie après Sarah, la vie avec Cléo. Une nouvelle vie, une nouvelle famille, à construire, à réinventer. La tristesse et la perte, la joie et l’amour.

Encore une fois ce roman est un concentré d’émotions, d’humanité et de tendresse. Mon cœur de maman a bien sûr été particulièrement touché par Simon et Camille, qui bien trop jeunes, doivent apprendre à vivre sans leur maman.

Au cœur de ce roman, la famille, celle de sang ou celle de cœur, et la maternité. Cléo qui apprend à devenir maman avec Simon et Camille, qui affronte leur tristesse et leur colère, avec amour et patience. J’ai particulièrement aimé le parcours de Cléo, son histoire familiale, sa relation avec son père et César, ce frère taiseux et solitaire.

Je suis complètement séduite par la plume de Thibault Bérard vive et douce, qui nous offre une histoire lumineuse et pleine de vie. Alors cette fois encore, j’ai refermé le livre avec les larmes aux yeux et le sourire aux lèvres.

samedi 22 octobre 2022

Il est juste que les forts soient frappés - Thibault Bérard

Par Ariane


Auteur : Thibault Bérard

Titre : Il est juste que les forts soient frappés

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : éditions de l’Observatoire

Nombre de pages : 304p

Date de parution : janvier 2020

 

Mon avis :

Sarah et Théo c’est l’amour fou, fantasque, joyeux. Un premier enfant, un deuxième à venir. La vie. Mais la vie joue parfois de sales tours. Cancer. Ce mot terrible, inconcevable, encore plus quand on est une jeune femme, une jeune maman, enceinte…

Cette histoire, son histoire, Sarah nous la raconte d’outre-tombe. Mais ce n’est pas la mort qu’elle nous raconte. Elle parle de la vie, de l’amour, de l’espoir. Son récit est bouillonnant d’humanité et de tendresse, qui nous porte entre rires et larmes, bourré d’humour malgré le poids des événements.

Ce qui aurait pu n’être qu’un très beau roman sur le thème d’un couple séparé par la maladie, façon Love story, prend une tournure inattendue avec l’arrivée d’un nouveau personnage : Cléo. Une rencontre qui vient bouleverser ce qu’on imaginait de la fin de ce roman, une rencontre qui vient aussi bousculer les convenances, car la vie n’attend pas, même quand la mort rôde.

J’ai pris beaucoup de retard dans la rédaction de mes billets de lecture (44 livres non chroniqués depuis plus d’un an… au moins si je rattrape mon retard je pourrais laisser tourner le blog tout seul pendant un moment !). Ce roman je l’ai lu en mai 2021 dans le cadre des 68 premières fois. Et en y repensant, l’émotion me revient aussitôt. Souvenirs vifs d’une lecture puissante, d’une écriture fluide et légère, de personnages beaux et attachants, des rivières de larmes versées… Un roman magnifique et bouleversant.

 

Extrait :

« J'imagine que vous serez d'accord : ce que tout le monde veut, dans la vie, c'est laisser une trace, non ? Résister à l'oubli éternel ?
Et bien le scoop, mes amis, le truc pas croyable que je vais vous annoncer ici, dans ces pages et même dès la première, c'est que le but ultime de tout le monde, dans la mort, c'est exactement l'inverse : se faire oublier des vivants. Couper le cordon une bonne fois avec l'avant, pour, enfin, accéder à cette absolue félicité, ce repos parfait des sens et de l'esprit dont on nous rebat les oreilles depuis les siècles des siècles.
Avouez que ça remet les choses en perspective. »

« Ce n’est pas parce qu’elle est vraie et dure par moments, ni même parce qu’elle finirait mal, que ce n’en est pas une ; toutes les vies sont des aventures extraordinaires, pour qui peut les voir dépliées devant soi. »

« C'est une chose dont personne n'aime trop parler, parce que ça donne l'impression d'être affreusement égoïste, mais il est sûr qu'avec la compagnie des autres - merde, autant le dire - avec l'amour des siens, le seul vrai truc valable qu'on sacrifie dans l'affaire, c'est ça : sa liberté. On la jette au feu des câlins du soir, des confidences échangées, des secrets tus et partagés, des chansons chuchotées, des étreintes ou des baisers. »

« Moi, je n'étais pas une de ces jeunes mamans branchées qui analysent chaque étape de leurs parcours prénatal tout en se confectionnant un petit cocon mignon... Moi, j'étais une mère évidence. J'étais méduse entièrement, et je l'ai été du premier au neuvième mois, jusqu'au jour de l'accouchement- que j'appréhendais par peur, non pas de la douleur, mais d'être séparée de ce petit bébé qui me faisait me sentir si bien dans mon corps, dans ma vie. Qui m'avait donné ma place. »