Par Daphné
Auteur : Julie Otsuka
Titre :La ligne de nage
Genre :
roman
Langue
d’origine :anglais (Etats-Unis)
Traducteur: Carine Chichereau
Éditeur: Gallimard
Nombre de
pages :176
Date de
parution :2022Résumé :
Nageurs et nageuses de cette piscine que tous appellent "là en bas" ne
se connaissent qu'à travers leurs routines et petites manies, et les
longueurs, encore, encore. Ils y viennent à heure fixe pour se libérer
des fardeaux de "là-haut". Alice, tout spécialement, trouve un grand
réconfort dans sa ligne de nage. Et puis un jour, une fissure apparaît
au fond, dans le grand bain, en préfigurant d'autres, celles de son
cerveau. Pour elle, l'inéluctable fermeture résonne comme un clap de
fin. Remontent alors à la surface des souvenirs de jadis, de
l'internement dans un camp pour Nippo-Américains pendant la Seconde
Guerre mondiale, d'une enfant perdue très tôt, pourtant si parfaite...
Mais Alice oublie chaque jour un peu plus. Là où il faudra bien se
résoudre à l'enfermer, sa fille essaie de sauver quelques lambeaux du
paysage fracturé qu'est devenue leur relation lacunaire.
Mon avis :
J'ai lu des critiques plutôt négatives sur ce livre... mais pour ma part, je l'ai beaucoup aimé, peut-être parce qu'il m'a beaucoup rappelé les personnes que j'accompagne au quotidien dans mon travail.
Ce livre commence avec une piscine. Une piscine municipale, qui a ses habitués, ses propres règles, sa propre organisation. Pour les gens qui s'y baignent, ce n'est pas une simple piscine, c'est bien plus que cela, elle fait partie de leur vie. Et puis, un jour apparaît au fond de cette piscine une fissure. Puis une autre. Et encore une autre... Parmi les nageuses, il y a Alice. Alice qui va devoir faire face à ses propres fissures, celles de sa mémoire, cette mémoire qu'elle perd de jour en jour.
L'autrice a un style particulier. Très particulier que l'on pourrait qualifier de froid et qui pourtant immerge complètement le lecteur dans le texte avec l'emploi de la première personne du pluriel, puis de la deuxième. C'est étrange un livre dont la première partie est écrite avec le "nous" puis passe au "vous" dans la partie suivante. Cela peut paraitre déstabilisant mais cela va tout à fait avec l'histoire. Quoi de plus déstabilisant en effet de voir sa mémoire s'étioler, d'oublier un peu, beaucoup, puis tout ce qui a constitué son existence ? Et quoi de plus déstabilisant pour les proches qui assistent à cette dégringolade sans pouvoir rien y faire ?
Que ce soit la première partie consacrée à la piscine ou la deuxième consacrée à la vie au sein d'un EHPAD, d'abord du point de vue de l'institution, ensuite du point de vue de la famille, je les ai trouvées toutes deux très réussies. On nage dans la première, on coule dans la deuxième, on pourrait presque se croire dans deux livres différents tant le changement de ton et d'ambiance est brutal et c'est sans doute ce qui apporte à ce livre un véritable "plus".
Oui, on pourrait qualifier ce livre de froid et pourtant, j'y ai vu la sensibilité, la douleur, la fragilité, l'émotion. Ce n'est pas rien de perdre la mémoire, que ce soit pour la personne directement concernée ou pour ceux qui l'aiment. Non, ce n'est pas rien, et l'autrice a très bien su le retranscrire. Oui, il m' a plu, ce livre, il m'a beaucoup touchée, à la fois pour ses qualités d'écriture et pour son sujet. Un livre qui vaut la peine d'être lu.
Extrait :
"Et à chaque souvenir que vous oublierez, vous vous sentirez un peu plus
légère. Bientôt vous serez tout à fait vide, habitée d'absence et, pour
la première fois de votre vie, vous serez libre."