Par Daphné
Auteur :Tatiana Arfel
Titre :L'attente du soir
Genre : roman
Langue d’origine :français
Editeur :José Corti
Nombre de pages :352
Date de parution : 2009
Résumé de l'éditeur:
Ils sont trois à parler à tour de rôle, trois marginaux en bord de monde.
Il
y a d'abord Giacomo, vieux clown blanc, dresseur de caniches rusés et
compositeur de symphonies parfumées. Il court, aussi vite qu'il le peut,
sur ses jambes usées pour échapper à son grand diable noir, le Sort,
fauteur de troubles, de morts et de mélancolie.
Il y a la femme
grise sans nom, de celles qu'on ne remarque jamais, remisée dans son
appartement vide. Elle parle en ligne et en carrés, et récite des tables
de multiplications en comptant les fissures au plafond pour éloigner
l'angoisse.
Et puis il y a le môme, l'enfant sauvage qui s'élève
seul, sur un coin de terrain vague abandonné aux ordures. Le môme lutte
et survit. Il reste debout. Il apprendra les couleurs et la peinture
avant les mots, pour dire ce qu'il voit du monde.
Seuls, ces
trois-là n'avancent plus. Ils tournent en rond dans leur souffrance,
clos à eux-mêmes. Comment vivre ? En poussant les parois de notre
cachot, en créant, en peignant, en écrivant, en élargissant chaque jour
notre chemin intérieur, en le semant d'odeurs, de formes, de mots. Et,
finalement, en acceptant la rencontre nécessaire avec l'autre, celui qui
est de ma famille, celui qui, embarqué avec moi sur l'esquif ballotté
par les vents, est mon frère.
On ne cueille pas les coquelicots, si
on veut les garder vivants. On les regarde frémir avec ces vents,
dispenser leur rouge de velours, s'ouvrir et se fermer comme des cours
de soie. Giacomo, la femme grise, le môme, que d'autres ont voulu
arracher à eux-mêmes, trouveront chacun dans les deux autres la terre
riche, solide et lumineuse, qui leur donnera la force de continuer.
Mon avis:
Il y a des livres comme ça, qui vous happent du début à la fin, des livres où tant l'écriture que l'histoire et les personnages vous accrochent le cœur. Il y a des livres auxquels on s'attache, qu'on ne parvient pas à lâcher avant d'en avoir lu la dernière ligne, des livres que l'on voudrait recommencer sitôt qu'on les a fini. L'attente du soir, pour moi, fait partie de ces livres-là.
On y rencontre trois personnages, en marge de la société, trois personnages très différents et tous aussi touchants les uns que les autres, qui, en principe n'aurait jamais dû avoir de lien ente eux. Il y a Giacomo, le clown blanc, poursuivi par le Sort, qui aime voir fleurir les sourires des enfants sous le chapiteau de son cirque. Il y a Mademoiselle B., qui, faute d'avoir été regardée par ses parents, par son entourage, a appris à se rendre invisible. Et il y a le Môme, enfant abandonné sur un terrain vague qui voit le monde à travers les couleurs et qui, s'il lui manque les mots, s'exprime par la peinture. Trois personnages hors norme, trois personnages solitaires et malheureux qui pourtant, s'accrochent à la vie.
Il y en a de la souffrance dans ce livre, il y en a de la solitude. Et pourtant, c'est un livre empreint d'une grande beauté, un livre qui fait appel aux sens, un livre plein de poésie où des touches de lumière viennent percer la noirceur.
Je pourrais en parler pendant longtemps mais comme je ne veux pas trop en dire, je m'arrête là.
Un grand, grand coup de cœur!
Extrait :
"Il regarde la lumière naître peu à peu sur le deuxième tapis. C'est encore une autre couleur. C'est la couleur que prend la grande lumière ronde du ciel le soir. C'est une couleur qui fait aboyer de contentement quand on la regarde, comme le vert, mais pas pareil. Cette couleur-ci n'étanche pas la soif. On dirait qu'elle tire à elle le jour qu'elle brille plus que les autres. Elle est enveloppante et fait chaud à la peau, mais pas autant que le rouge. Le môme a du mal à s'en tirer sans comparer aux couleurs connues. Il essaie de se concentrer. Cette couleur fait quelque chose à son cœur, mais pas mal. Elle le gonfle, presque trop pour sa poitrine maigre, elle le fait respirer fort et plus loin que le terrain vague gris marron. Cette couleur donne autre chose que ce qui existe. Le môme découvre en même temps le jaune et l'espoir. L'espoir, c'est un mot piège et il ne l'aurait jamais employé. Moi qui survis au môme, moi qui l'abrite dans mon corps d'homme, je peux expliquer l'espoir. On peut manger des herbes et sucer des cailloux, on peut faire les poubelles et dormir sur la terre sale. On tient le coup, le corps tient le coup pour nous. Mais quand on fait tout ça, le cœur devient aussi gris marron que le carré de boue sur lequel on s'allonge. Quand le jaune est là, il dit qu'autre chose est possible."