Auteur : Jon Kalman Stefansson
Titre : D’ailleurs, les poissons n’ont pas de piedsGenre : roman
Langue d’origine : islandais
Traducteur : Eric Boury
Editeur : Gallimard
Nombre de pages : 442
Date de parution : 2015
Résumé de l'éditeur:
Elle est plus belle que tout ce qu’il a pu voir et rêver jusque-là, à cet instant, il ne se souvient de rien qui puisse soutenir la comparaison, sans doute devrait-il couper court à tout ça, faire preuve d’un peu de courage et de virilité, pourtant il ne fait rien, comme s’il se débattait avec un ennemi plus grand que lui, plus fort aussi, c’est insupportable, il serre à nouveau les poings, récitant inconsciemment son poème d’amour. Elle s’en rend compte et lui dit, si je dénoue mes cheveux, alors tu sauras que je suis nue sous ma robe, alors tu sauras que je t'aime.»
Ari regarde le diplôme d’honneur décerné à son grand-père, le célèbre capitaine et armateur Oddur, alors que son avion entame sa descente vers l’aéroport de Keflavík. Son père lui a fait parvenir un colis plein de souvenirs qui le poussent à quitter sa maison d'édition danoise pour rentrer en Islande. Mais s’il ne le sait pas encore, c’est vers sa mémoire qu’Ari se dirige, la mémoire de ses grands-parents et de leur vie de pêcheurs du Norðfjörður, de son enfance à Keflavík, dans cette ville «qui n’existe pas», et vers le souvenir de sa mère décédée.
Jón Kalman Stefánsson entremêle trois époques et trois générations qui condensent un siècle d’histoire islandaise. Lorsque Ari atterrit, il foule la terre de ses ancêtres mais aussi de ses propres enfants, une terre que Stefánsson peuple de personnages merveilleux, de figures marquées par le sel marin autant que par la lyre. Ari l’ancien poète bien sûr, mais aussi sa grand-mère Margrét, que certains déclareront démente au moment où d’autres céderont devant ses cheveux dénoués. Et c’est précisément à ce croisement de la folie et de l’érotisme que la plume de Jón Kalman Stefánsson nous saisit, avec simplicité, de toute sa beauté.
Mon avis:
Tout d'abord, merci à Ariane qui m'a prêté ce livre et
m'a ainsi permis de passer un très beau moment de lecture.
Certaines écritures sont si belles, si puissantes
qu'elles priment sur le contenu de l'histoire. Certaines écritures sont si
belles que j'en oublierait presque ce que qu'elles racontent. C'est
le cas de l'écriture de Jon Kalman Stefansson. durant toute la durée de ma
lecture, il ne s'est guère passé plus de quelques pages sans que je ne repère
une magnifique citation. Tout au long de ce
livre, je me suis laissée bercer par la plume à la fois poétique et
philosophique de l'auteur.
Le narrateur alterne
ici l'histoire de trois époques, de trois générations. A travers
l'histoire d'une famille, on se retrouve plongé en plein cœur de
l'Islande. Une Islande empreinte de mélancolie, rude et sauvage.
Ce livre nous parle de
la dureté de la vie et du temps qui passe : "Question : Qu'est-ce qui voyage plus vite que la
lumière ? Réponse : le temps
lui-même. Il nous traverse comme une
flèche. Sa pointe acérée fend la chair, les organes et les os, c'est la vie,
l'instant d'après, cette pointe ressort en empruntant le même chemin, c'est la
mort. Plus vite que la lumière. Il
suffit qu'il pleuve pour que passent dix années. Un battement de paupières et
vous vieillissez, la nuit de la mort surplombe les montagnes. Le temps va si
vite, mais parfois si lentement que, presque, nous suffoquons. Nous sommes à la
fois la tortue et le lièvre, arrivons à la fois premier et bon dernier, c'est à
n'y rien comprendre. Alors nous disons simplement : Elle a ôté sa robe."
Il nous parle de la vie, de la mort, des paysages islandais,
de la pêche, de la situation économique et politique en Islande tout au long
d'un siècle. Il nous parle aussi de musique et de rêves.
C'est un très beau livre dont j'ai savouré chaque phrase, me
laissant emporter dans l'âpreté des paysages islandais et dans la mélancolie du
temps qui passe.
Extrait: (je ne résiste pas à mettre une longue -sans doute trop longue!- citation afin de vous faire découvrir cette si belle écriture!)
"C'est la réponse que Dieu a trouvée à la mort, voyant qu'il avait échoué à
sauver l'être humain de sa fin certaine, il lui a offert cette étrange lumière,
cette flamme qui depuis réchauffe les mains de l'homme et le réduit en cendres,
change les taudis en palais célestes, les palais grandioses en minables ruines,
les réjouissances en solitude. Nous la nommons amour, faute d'avoir trouvé
mieux.
L'Histoire de l'homme, de l'humanité tout entière a
depuis lors consisté plus ou moins clairement à trouver l'amour, à le goûter, à
le haïr, à le désirer, à le fuir, même si c'est sans espoir car cette fuite
nous rend amers, nous désespère, nous transforme en pauvres types qui boivent,
en vagabonds éternels, en suicidés. La réponse que Dieu a trouvée à la mort. La
flamme qui réchauffe les mains, réduit les vies en cendres, ce cadeau qui, à
l'aube des temps, fut répandu sur le monde . Fragile et insolent. Il ne vous
demande ni votre adresse, ni où vous êtes, à quel endroit du monde ; il fait fi
d'être à raison, se fiche d'être à tort, ne s'embarrasse ni de votre situation, ni de votre réputation, ni de vos
victoires ou de vos humiliations, tous sont égaux devant lui, il n'en fait qu'à
sa tête, nulle part vous n'êtes à l'abri, vous êtes désarmé, vulnérable, rien
ne saurait vous protéger, ni la raison, ni les religions, ni toute la
philosophie des trois siècles passés, ni l'expérience de vos années, ni les épaisses
parois d'un abri atomique, ni l'oubli absolu que procure la boisson. Il
n'épargne personne, s'empare aussi aisément d'une jeune fille de seize ans dont
le cœur bondit comme celui d'une biche que d'un nonagénaire cacochyme dont le
cœur ressemble à celui d'un rhinocéros. Etoile filante et corde de violoncelle,
il change le meilleur en pire et le pire en meilleur sans même vous demander si
vous êtes marié, si vous êtes heureuse, si votre vie affiche un équilibre
enviable et beau ; il peut s'en prendre à vous comme un sauvage, comme un
barbare - comme une éruption solaire qui ravage votre vie, et rend les déserts
habitables."
Lu dans le cadre du petit bac 2016, catégorie ponctuation
Lu dans le cadre du petit bac 2016, catégorie ponctuation
C'est vrai que cet auteur a une magnifique écriture !
RépondreSupprimerJe suis vraiment contente qu'il t'ait plu. Pour moi ce fut un coup de cœur. Quelle écriture magnifique en effet !
RépondreSupprimerAriane
J'hésitais à lire ce livre mais tu viens de me convaincre !
RépondreSupprimerun coup de cœur entier!
RépondreSupprimerUn très beau livre outil, comme tous ceux de ce fabuleux écrivain.
RépondreSupprimerJe vois que ce livre a rencontré beaucoup de succès et que je ne suis pas la seule à l'avoir aimé! J'en suis très contente!
RépondreSupprimerDaphné