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samedi 7 janvier 2023

Les raisins de la colère - John Steinbeck

Par Ariane


Auteur : John Steinbeck

Titre : les raisins de la colère

Genre : roman

Langue d’origine : anglais (Etats-Unis)

Traducteur : Marcel Duhamel

Editeur : Folio Gallimard

Nombre de pages : 640p

Date de parution : 2009 (1ère parution 1939)

 

Mon avis :

Il y a des livres qui m’intimident. Autour desquels je tourne pendant des années. Des livres qui sont de tels monuments littéraires, que je n’ose me lancer dans l’aventure. Parmi ces livres, il y a ce roman de John Steinbeck, considéré presque unanimement comme un chef d’œuvre, qui valut à son auteur le prix Pulitzer en 1940 et classé 10ème sur la liste des meilleurs romans de langue anglaise du XXème siècle, établie par la Modern Library. Ce n’est pas rien. Pourtant, John Steinbeck est un auteur particulièrement important pour moi. J’ai toujours aimé lire, mais c’est ma rencontre avec son roman Des souris et des hommes à l’adolescence qui m’a ouvert les portes de la littérature (je ne remercierai jamais assez l’enseignante de 4ème qui avait inscrit ce roman au programme des lectures imposées !).

Les éditions Gallimard ont récemment proposé une réédition du roman dans une nouvelle traduction. J’en ai feuilleté quelques pages à la librairie et après cela, je n’avais qu’une hâte, lire enfin ce roman ! Mais je l’ai lu dans la version poche (et donc dans l’ancienne traduction) qui patientait depuis des années dans ma PAL.

Dans les années 30, les répercussions de la crise économique conjuguées à une série de sécheresses et de tempêtes de poussière provoquées par la mécanisation de l’agriculture, poussent des milliers de métayers pauvres sur les routes. Ils prennent la direction de la Californie, à la recherche d’une vie meilleure.

Alors qu’il sort de prison, Tom Joad trouve sa famille sur le départ. Tous prennent place à bord d’un vieux camion transportant tout ce qu’ils ont pu emporter avec eux. Un long périple les attend, semé d’embuches, avant d’atteindre enfin leur destination finale et de tenter de trouver de quoi subvenir à leurs besoins.

Donc ça y est, je l’ai lu. Mais que dire maintenant ? Que dire qui n’ait pas déjà été dit ? Que dire qui soit à la hauteur de ce chef d’œuvre ? C’est une œuvre dramatique, bouleversante d’humanité, un cri de révolte et de désespoir, portée par une énergie universelle. Portée aussi par un personnage sublime. Man, le cœur de la famille, qui porte les siens à bout de bras, mue par une détermination sans faille à sauver ceux qu’elle aime. Un personnage solaire, puissant et profond. Evidemment, l’écriture de John Steinbeck est magnifique. Qu’il décrive les paysages ravagés de l’Oklahoma ou les terres fertiles de Californie, qu’il fasse parler ses personnages dans leur langage familier ou nous partage leurs pensées intimes, qu’il se livre à des réflexions philosophiques ou nous raconte une scène bouleversante. En parlant de scène bouleversante, la scène finale du roman est d’une beauté absolue !

Mais le roman a également une portée documentaire. L’histoire de la famille Joad est celle de milliers de fermiers américains et cet aspect est confirmé par la structure du livre. Les chapitres romanesques sont entrecoupés courts chapitres généraux consacrés aux aspects sociaux, économiques, historiques, …

Bref, je n’ai rien dit qui n’ai déjà été dit sur ce roman et il y a tant de choses que j’aurais pu dire encore... Comme des milliers d’autres lecteurs avant moi, je suis bouleversée par Les raisins de la colère.  

 

Extrait :

« Les femmes observaient les hommes, guettaient leurs réactions, se demandant si cette fois ils allaient flancher. Et lorsque les hommes s'attroupaient, la peur s'effaçait de leurs visages pour faire place à la colère. Alors les femmes poussaient un soupir de soulagement, car elles savaient que tout irait bien. Les hommes n'avaient pas flanché ; tant que leur peur pouvait se muer en colère, ils ne flancheraient pas. »

« D'accord, s'écriaient les métayers, mais c'est notre terre. C'est nous qui l'avons mesurée, qui l'avons défrichée. Nous y sommes nés, nous nous y sommes fait tuer, nous y sommes morts. Quand même elle ne serait plus bonne à rien, elle est toujours à nous. C'est ça qui fait qu'elle est à nous... d'y être nés, d'y avoir travaillé, d'y être enterrés. C'est ça qui donne le droit de propriété, non pas un papier avec des chiffres dessus. »

« S'il a besoin d'un million d'arpents pour se sentir riche, à mon idée, c'est qu'il doit se sentir bougrement pauvre en dedans de lui, et s'il est pauvre en dedans, c'est pas avec un million d'arpents qu'il se sentira plus riche, et c'est p'têt' pour ça qu'il est déçu, c'est parce qu'il a beau faire, il n'arrive pas à se sentir plus riche...J'entends riche comme Madame Wilson, quand elle a donné sa tente pour Grand-Père qu'était en train de mourir. »

« Quelqu'un qui a un couple de chevaux et qui leur fait tirer la charrue ou la herse ou le rouleau, il ne lui viendrait pas à l'idée de les chasser et de les envoyer crever de faim parce qu'il n'a plus de travail pour eux.
Mais ça c'est des chevaux ; nous on est des hommes. »

« Je serai toujours là, partout, dans l'ombre. Partout où tu porteras les yeux. Partout où y aura une bagarre pour que les gens puissent avoir à manger, je serai là. Partout où il y aura un flic en train de passer un type à tabac, je serai là. Si c'est comme Casy le sentait, eh ben dans les cris des gens qui se mettent en colère parce qu'ils n'ont rien dans le ventre, je serai là, et dans les rires des mioches qui ont faim et qui savent que la soupe les attend, je serai là. Et quand les nôtres auront sur leurs tables ce qu'ils auront planté et récolté, quand ils habiteront dans les maisons qu'ils auront construites… eh ben, je serai là. Comprends-tu ? »

« Et quand un cheval a fini son travail et rentre dans son écurie il reste encore de la vie, de la vitalité. Il reste une respiration et une chaleur, des froissements de sabots dans la paille, des mâchoires broyant le foin, et les oreilles et les yeux sont vivants. Il y a la chaleur de la vie dans l’écurie, l’ardeur et l’odeur de la vie. Mais quand le moteur d’un tracteur cesse de tourner, il est aussi mort que le minerai dont il sort. La chaleur le quitte comme la chaleur animale quitte un cadavre. (…) Mais l’homme-machine qui conduit un tracteur mort sur une terre qu’il ne connait pas, qu’il n’aime pas, ne comprend que la chimie, et il méprise la terre et se méprise lui-même. »

« Le conducteur était assis sur son siège de fer et il était fier des lignes droites qu'il avait tracées sans que sa volonté fût intervenue, fier du tracteur qu'il ne possédait ni n'aimait, fier de cette puissance qu'il ne pouvait pas contrôler. Et quand cette récolte poussait et était moissonnée, nul homme n'avait écrasé entre ses paumes les mottes chaudes et n'en avait laissé couler la terre entre ses doigts. Personne n'avait touché la graine, ni imploré ardemment sa croissance. Les hommes mangeaient ce qu'ils n'avaient pas produit, rien ne les liait à leur pain. La terre accouchait avec les fers et mourrait peu à peu sous le fer; car elle n'était ni aimée, ni haïe, elle n'était l'objet ni de prières ni de malédictions. »

8 commentaires:

  1. Je l'ai lu il y a si longtemps qu'il faudrait que je le relise! J'en ai lu plein de l'auteur (et je te conseille de m'imiter ^_^) mais curieusement c'est des souris et es hommes qui me faisait hésiter (et j'ai fini par le lire)

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    1. J'ai déjà lu la plupart de ses romans et Des souris et des hommes est mon livre culte depuis l'âge de 13 ans ! Mais quel plaisir de retrouver l'écriture de ce grand écrivain !

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  2. Comme Keisha, je me promets de le relire depuis longtemps... ça viendra, j'ai déjà relu A l'Est d'Eden il y a 2 ans, avec le même émerveillement que la première fois !

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    1. A l'est d'Eden est fabuleux ! Je pense le relire prochainement... Lire ce roman que je n'avais pas lu m'a donné envie de relire ceux que j'avais déjà tant aimé !

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  3. Comme toi je suis intimidée par ce genre de livre... et je ne l'ai pas lu. Mais je le note et j'essaierai de lever ma gêne en 2023;

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    1. Il y en a plusieurs qui m'intimident de cette façon... Mais ça viendra !

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  4. Vous ne précisez pas si vous avez, ou non, vu le film que John Ford avait tiré du livre peu après sa publication?
    Si vous ne l'avez pas encore lu, je vous conseille, parmi mes Steinbeck préférés, "En un combat douteux" (peut-être le relirai-je cette année, pour le chroniquer dans le cadre du challenge "2023 sera classique" - quitte à attendre un "Mois américain"...!).
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

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