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samedi 25 janvier 2020

Rivage de la colère - Caroline Laurent

Par Ariane



Auteur : Caroline Laurent

Titre : Rivage de la colère

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : Les escales

Nombre de pages : 413p

Date de parution : janvier 2020

Mon avis :

Je ne sais pas vous, mais lorsque j’ai un coup de cœur pour un livre, même si j’attends avec impatience de relire l’auteur, j’ai tout de même la crainte d’être déçue. C’est donc avec une certaine fébrilité que j’ai commencé ma lecture de ce roman de Caroline Laurent, dont le premier livre Et soudain, la liberté, reste gravé en moi parmi mes plus belles lectures de ces dernières années.

L’histoire qu’elle nous raconte c’est d’abord une histoire d’amour. Les opposés s’attirent dit-on et c’est bien ce qui arrive à Gabriel, issu de de la bourgeoisie mauricienne, et Marie, chagossienne. Mais à travers ces personnages imaginaires, c’est l’histoire on ne peut plus réelle et tragique des chagossiens qu’elle nous raconte.

Mêler imaginaire et réalité n’est pas chose aisée, mais Caroline Laurent le fait avec subtilité et intelligence. J’ai suivi avec plaisir l’histoire de Gabriel et Marie, de Josephin, Josette et les autres. Elle a su donner une vraie personnalité à ses personnages, même secondaires. Avec eux on sourit, on pleure, on frémit, on brûle d’indignation.

L’indignation, c’est sans doute l’un des sentiments que Caroline Laurent a voulu susciter en nous parlant de l’histoire méconnue des Chagossiens. L’indifférence avec laquelle ce peuple a été littéralement vendu et l’hypocrisie des puissants se présentant comme des champions de la démocratie sont révoltantes. On ne peut qu’imaginer le désespoir des îlois obligés de quitter leur terre dans l’heure, d’abandonner leurs souvenirs et leurs biens, débarqués comme du bétail à Maurice et abandonnés à leur sort… Certaines scènes sont particulièrement marquantes, comme lorsque les militaires arrachent tous les chiens de l’île à leurs maîtres pour les tuer. Troublant notamment le passage du transfert des Chagossiens à Maurice, parqués dans les cales d’un bateau quand le bétail est sur le pont. La chaleur, la faim, la soif, la peur, la promiscuité… C’était en 1973 mais ça aurait pu être 1673.

Depuis les Chagossiens se battent pour retrouver leurs terres, réparer l’injustice dont ils ont été victimes. David contre Goliath. Caroline Laurent nous raconte ce combat, de ses débuts avec le personnage de Marie, jusqu’à l’époque actuelle à travers Josephin. En février 2019, la haute cour de justice internationale a rendu un avis favorable aux Chagossiens. Avis purement consultatif dont je doute qu’il soit suivi d’effets…

En effet, que vaut la souffrance d’un peuple face aux intérêts économiques et militaires des grandes puissances que sont l’Angleterre et les Etats-Unis ? Car si les Chagos sont toujours considérés comme territoire britannique, ce sont les américains qui y ont établi une base militaire. Certains Chagossiens ont eu la possiblité de retourner sur l’île pour une journée en 2006. Visite qui leur a crevé le cœur tant leur île paradisiaque a été défigurée. Finie la plage de sable blanc, disparues les cases, à l’abandon le cimetière, abattus les arbres…  Un paradis perdu.

Je craignais une déception, au contraire je reste saisie par l’écriture de Caroline Laurent, bouleversée par cette histoire. Sublime !



Extrait :

« Ma mère.

Je la revois sur le bord du chemin, la moitié du visage inondée de lumière, l’autre moitié plongée dans l’ombre. Ma géante aux pieds nus. Elle n’avait pas les mots et qu’importe : elle avait mieux puisqu’elle avait le regard. Debout, mon fils. Ne te rendors pas. Il faut faire face. Avec la foi, rien ne te sera impossible… La foi, son deuxième étendard. Trois lettres pour dire Dieu, et Dieu recouvrait sa colère, son feu, sa déchirure, la course éternelle de sa douleur. »


« Tout n'est pas à vendre. On n'achète pas la dignité. On n'achète pas un pays. On n'achète pas l'âme ou la foi. Certaines choses sont sacrées et doivent le rester. »


« Justice, dignité, liberté des peuples ! Ce que nous demandons à nos adversaires, qui ont inventé ces valeurs, c'est de se les appliquer à eux-mêmes. »


« La justice est la méchante sœur de l'espoir. Elle vous fait croire qu'elle vous sauvera, mais de quoi vous sauvera-t-elle puisqu'elle vient toujours après le malheur. Un verdict, ça ne répare rien. Ça ne console rien. Parfois tout de même, ça purge le cœur. »

L'avis d'Eva

9 commentaires:

  1. Encore une histoire honteuse et d'une injustice totale ! Je ne me souviens pas du tout de cet évènement, alors qu'en 73 j'étais déjà bien adulte. Les medias n'en ont peut-être pas beaucoup parlé à l'époque.

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    1. Cela ne me surprendrait pas que les médias n'aient pas du tout parlé de cette histoire !

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  2. Une auteure que je n'ai pas encore eu la chance de lire mais tu m'intrigues ... !

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  3. Oui une très belle réussite ce roman, j'en parle bientôt. Une voix forte, et une jolie veine romanesque pour porter haut les couleurs de cette cause et dénoncer l'injustice.

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  4. tes extraits sont beaux et tu sembles convaincue! Je ne connaissais pas du tout…

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  5. Tu es le second coup de coeur que je lis sur ce roman, alors j'espère qu'il croisera ma route.

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