Auteur :
Eric Vuillard
Titre :
Tristesse de la terre
Genre :
récit
Langue
d’origine : français
Editeur :
Actes sud
Nombre de
pages : 158p
Date de
parution : août 2014
Alors, le
rêve reprend. Des centaines de cavaliers galopent, soulevant des nuages de
poussière. On a bien arrosé la piste avec de l’eau, mais on n’y peut rien, le
soleil cogne. L’étonnement grandit, les cavaliers sont innombrables, on se
demande combien peuvent tenir dans l’arène. C’est qu’elle fait cent mètres de
long et cinquante de large ! Les spectateurs applaudissent et hurlent. La foule
regarde passer ce simulacre d’un régiment américain, les yeux sortis du crâne.
Les enfants poussent pour mieux voir. Le cœur bat. On va enfin connaître la
vérité.
Mon avis :
Décidément l’année 2015 commence bien. Le mois de janvier n’est
pas terminé et déjà un deuxième coup de cœur.
Ce livre aborde de nombreux thèmes avec beaucoup de pertinence.
Dans ce récit, Eric Vuillard s’attaque à un mythe. Buffalo Bill,
incarnation du héros américain dont la légende symbolise la naissance d’une
nation, tenait, finalement, plus du saltimbanque que du cowboy, du metteur en
scène que du pionnier. Avec son Wild West Show, il déconstruit l’histoire et
construit une légende : les massacres deviennent des batailles, les
victimes deviennent des agresseurs, les criminels deviennent des héros. Mais, Eric
Vuillard arrache les masques et gratte le vernis de la légende pour revenir sur
les faits, la réalité.
Il est fascinant de voir la portée qu’a pu avoir un
spectacle, une mise en scène. Combien des mises en scènes de Buffalo Bill
perdurent aujourd’hui encore dans l’imaginaire collectif ? Le chapeau des
cowboys, les coiffes des Indiens, le cri de guerre poussé au moment de l’attaque…
C’est effrayant en fait. Et cela nous interroge une fois de plus sur l’influence
des médias.
Au-delà de l’histoire, l’auteur nous invite également à une
réflexion sur le monde du spectacle. Le spectacle créé par Buffalo Bill fut l’un
des premiers divertissements de masse. Et pour le succès, pour l’argent,
Buffalo Bill et ses acolytes furent près à tout.
Et bien sûr cette illusion de réalité, cette victoire du
paraître nous renvoie forcément à notre société actuelle et à la profusion d’émissions
dans laquelle des êtres en mal de reconnaissance sont propulsés au devant de la
scène et renvoyés à l’oubli lorsque la foule des spectateurs demande autre
chose. Les êtres sont exploitables et exploités, le showbiz dès sa naissance n’a
été qu’une machine à broyer les êtres.
Et c’est avec une écriture agréable, teintée d’ironie voire
d’un brin de cynisme que l’auteur nous livre ses réflexions.
Lorsque je l'avais repéré en librairie j'avais été très attirée par la couverture et par le titre.
La photo de couverture est magnifique. Quant au titre il me plaît encore plus après lecture, je le trouve particulièrement bien adapté.
Une très belle et enrichissante lecture.
Extrait :
C’est une chose extravagante, la réalité, elle est partout
et nulle part ; et depuis quelques temps on dirait qu’elle fane, c’est
curieux, on ne sait pas l’expliquer, elle est toujours là, mais elle semble
avoir perdu de sa consistance. Tout ce sur quoi elle paraissait faire fond est
soudain bousculé, changé, meurtri, ouvert. On ne reconnaît plus rien ;
tout semble entraîné par la vitesse, l’argent, les échanges ! Et on ne
sait quelle image ancienne, rêvée, nous remplit de regrets. Mais que
regrette-t-on ? Quelle société ? Quel idéal ? Quelle
douceur ?
Les avis de Micmélo, Professeur Platypus, Papillon,
quel enthousiasme! comment résister?
RépondreSupprimerNe résiste pas c'est plus simple !
SupprimerAriane
Ce roman-là a tout pour me plaire. J'aime particulièrement les textes qui remettent en cause ce qu'on croit savoir, qui interrogent. Je lirai certainement ce roman même si j'ai entendu des critiques négatives sur le traitement des images à l'intérieur du livre qui seraient bien trop petites.
RépondreSupprimerSincèrement la taille des photos ne m'a pas du tout gênée. Je les ai trouvées petites c'est vrai mais bien choisies et claires. Elles constituaient une sorte d'introduction à chaque chapitre, chapitre qui venait décortiquer ce que l'on avait cru voir.
SupprimerAriane
J'ai manqué la séance de dédicaces chez Gwalarn en novembre ! C'est un livre qui est inscrit dans mon petit carnet rouge dans la liste des indispensables en 2015.
RépondreSupprimerJe crois qu'il était passé également à Mots et images à Guingamp. Je connais moins Gwalarn car je vais moins souvent sur Lannion.
SupprimerAriane