Par Ariane
Auteur : Jack London
Titre :
Martin Eden
Genre :
roman
Langue
d’origine : anglais
Traductrice :
Francis Kerline
Editeur :
Libretto
Nombre de
pages : 464p
Date de
parution : novembre 2010
Présentation de l’éditeur :
Martin
Eden,
le
plus autobiographique des romans de Jack London, est le récit
d’un écrivain né dans les bas-fonds, homme de rien basculé dans la bourgeoisie
qui croit tenir sa revanche sur la vie…
C’est aussi
la rencontre d’un homme et d’une femme ; l’occasion enfin de découvrir le
vrai visage de Jack London, une personnalité rare à la source de notre
modernité. Son œuvre, dont Martin Eden est le point d’orgue, a fasciné des
millions de lecteurs.
Mon avis :
Jack London m’avait déjà surprise il y a quelques années
avec La peste écarlate, roman bien éloigné de ses célèbres romans que l’on
cantonne, à tort, au rayon jeunesse. Le talent d’écrivain de London n’est pas
donc pas une découverte, mais ce roman me laisse éblouie.
Martin Eden débarque comme un éléphant dans un magasin de
porcelaine dans la demeure cossue de la famille Morse. Il faut dire d’un abîme
a priori infranchissable sépare le monde de Martin Eden, jeune marin né dans
les quartiers populaires d’Oakland, de celui de cette famille bourgeoise et
intellectuelle. Dès cette première visite, Martin tombe éperdument amoureux de Ruth,
la fille de la famille. Charmante, élégante et éduquée, elle semble une déesse
aux yeux de Martin. Pour la conquérir et se rendre digne d’elle, Martin est
prêt à tout. Travailleur acharné sur le pont d’un bateau, il mettra la même
ferveur à faire son éducation, dévorant livre sur livre, découvrant la
littérature, l’histoire, les sciences, la philosophie et la politique. Et
Martin se révèle brillant, perspicace et talentueux, bien plus que celle qu’il
aime et que ceux qu’il admirait tant.
Etrangement, il m’est souvent difficile de parler des livres
qui me touchent le plus. Comment exprimer toutes les émotions d’un livre qui m’a
fait vibrer ? Les réflexions qu’il a suscitées ? Difficile souvent de
trouver les mots. Peut-être n’est-ce pas si étrange après tout. Il m’est donc
difficile de parler de Martin Eden.
Ah Martin Eden ! Sublime personnage ! Un jeune
marin sans éducation que l’on pourrait prendre pour un rustre. Riche d’une
solide expérience de la vie, mais parfois étrangement candide. Rêveur idéaliste
en même temps qu’étrangement perspicace et réaliste. Brillant et talentueux. Sans
éducation, une toile vierge, un esprit libre de toute influence, qui se
développe et s’épanouit au gré de ses lectures. Un esprit brut, un talent pur
et un cœur tendre, tel est Martin Eden.
Quel contraste avec Ruth ! Si la jeune fille apparaît
telle une déesse de beauté, raffinée et intellectuelle à Martin, le lecteur
voit surtout qu’elle est tout ce que Martin n’est pas. Conventionnelle et sans
imagination, elle tente de l’aider à s’éduquer mais en l’enfermant dans le
carcan de son esprit étriqué.
Au travers de Martin Eden, Jack London nous parle du monde
qui l’entoure, dressant un portrait peu flatteur de ces bourgeois qui se
prennent pour des intellectuels mais n’ont aucune imagination, qui ne font que
répéter ce qu’ils ont entendu et ce qu’on leur a appris, sans avoir pris la
peine d’essayer de se faire une idée personnelle. Les classes populaires ne
sont pas mieux, abruties de dur labeur et d’alcool, incapables de penser, d’imaginer
ou de rêver, insensibles à la beauté. L’édition et le milieu littéraire, les
intellectuels et les universitaires, les politiques et les militants, tout le
monde en prend pour son grade.
L’amour, les rêves, les espoirs, tout n’apporte que
désillusion. Martin Eden s’est extirpé à la force de son esprit de la boue originelle,
il a atteint des sommets que peu d’autres hommes ont atteint, pour n’y trouver
que la solitude et la tristesse. Et c’est également avec un sentiment de
tristesse et de désillusion que l’on referme le livre. Mais impossible d’oublier
Martin Eden, d’oublier la force de ce personnage, la beauté de son histoire, l’image
de Jack London qui est Martin Eden.
Extrait :
« Avant, je ne savais pas que la beauté avait un sens.
Je l’acceptais comme telle, comme une réalité sans rime ni raison. J’étais dans
l’ignorance. A présent, je sais, ou plus exactement, je commence à savoir.
Cette herbe me paraît beaucoup plus belle maintenant que je sais pourquoi elle
est herbe, par quelle alchimie du soleil, de la pluie et de la terre elle est
devenue ce qu’elle est. »
« La masse de livres qu'il lut ne lui servit qu'à
stimuler son impatience. Chaque page de chaque volume n'entrebâillait qu'une
fenêtre minuscule du paradis intellectuel, et son appétit, aiguisé par la
lecture, augmentait à mesure. »
« Autrefois, il s’imaginait naïvement que tout ce qui
n’appartenait pas à la classe ouvrière, tous les gens bien mis avaient une
intelligence supérieure et le goût de la beauté ; la culture et l’élégance lui
semblaient devoir marcher forcément de pair et il avait commis l’erreur insigne
de confondre éducation et intelligence. »
« L'idée que cet homme venu de l'autre versant de la
montagne pût avoir des conceptions plus étendues et plus profondes que les
siennes ne l'effleurait même pas. Ses vues se limitaient à l'horizon qu'elle
connaissait - et les esprits limités ne voient que les limites des autres. »
« Sur les rayons des bibliothèques je vis un monde
surgir de l'horizon »