Auteur :
Jean-Baptiste Andréa
Titre :
Cent millions d’années et un jour
Genre :
roman
Langue
d’origine : français
Editeur :
L’iconoclaste
Nombre de
pages : 320p
Date de
parution : août 2019
Présentation de l’éditeur :
1954. C’est dans un village perdu entre la France et
l’Italie que Stan, paléontologue en fin de carrière, convoque Umberto et Peter,
deux autres scientifiques. Car Stan a un projet. Ou plutôt un rêve. De ceux,
obsédants, qu’on ne peut ignorer. Il prend la forme, improbable, d’un
squelette. Apatosaure ? Brontosaure ? Il ne sait pas vraiment. Mais le monstre
dort forcément quelque part là-haut, dans la glace. S’il le découvre, ce sera
enfin la gloire, il en est convaincu. Alors l’ascension commence. Mais le
froid, l’altitude, la solitude, se resserrent comme un étau. Et entraînent
l’équipée là où nul n’aurait pensé aller.
Mon avis :
Il y a quelques jours, je lisais Le désert des Tartares, roman dans lequel Drogo aura passé sa vie à
attendre en vain la réalisation de son rêve. Après des années d’attente,
enfermé dans un petit bureau, Stan paléontologue d’une cinquantaine d’années décide
lui, d’aller au-devant de son rêve. Il faut dire qu’il a entendu une drôle d’histoire.
Celle que racontait un vieux concierge qui jurait être tombé nez à nez quand il
était enfant avec les restes d’un dragon dans ses montagnes. Hanté par cette
histoire, Stan se prend à rêver. Un dragon, certes ça n’existe pas, mais le
squelette d’un dinosaure, voilà ce que le jeune garçon avait peut-être trouvé. Accompagné
de deux autres paléontologues, son vieil ami Umberto et le jeune Peter, et de
Gio, guide qui connaît les montagnes par cœur, Stan part en quête de son
dragon, de ses rêves d’enfant et de reconnaissance professionnelle.
C’est un conte fabuleux que nous offre Jean-Baptiste Andréa.
Le récit d’une quête, des rêves d’enfant et de l’amitié. Il y a la réalité du
chantier de fouille en montagne, le travail incessant, les mains abîmées et la
fatigue, le danger permanent de l’accident et la menace de l’arrivée de l’hiver.
Il y a la solitude et l’isolement, l’amitié et les disputes. Il y a Peter, l’étudiant
fantasque, sui se sert d’une marionnette pour divertir et se révéler, Gio le
guide qui ne parle pas la langue mais comprend tout, Umberto l’ami de toujours,
le roc. Et il y a Stan. L’enfant solitaire, adoré de sa mère et méprisé par son
père, avec pour seul ami un chien. L’enfant passionné de fossiles qui a osé
contredire le père, rejeter la ferme et poursuivre son rêve. Stan,
paléontologue raté, qui a plus arpenté les bibliothèques que les chantiers de
fouilles, bien décidé à se faire un nom et à devenir enfin celui qu’il voulait
être.
J’ai tout aimé dans ce roman : l’histoire, les
personnages, le style de l’auteur. Au départ, ça commence comme le simple récit
d’une expédition scientifique. Une touche d’humour, les détails pratiques et c’est
parti. Mais l’histoire est plus riche, plus complexe que ça. Récit de plus en
plus introspectif, poétique, quasi mystique. C’est beau tout simplement !
Extrait :
«Il faut peu de chose pour tuer une étoile. Il suffit d’un
réverbère. »
« La prochaine fois que l’aube me secouera, je
n’ouvrirai pas les yeux. C’est un piège. L’aube ment à ceux qu’elle réveille, à
l’homme d’affaires, à l’amoureux, à l’étudiant, au condamné à mort et, oui, au
paléontologue aussi. Elle nous remplit d’espoir pour mieux nous décevoir. Le
crépuscule, plus vieux et plus sage d’une journée, m’a fait la leçon : j’ai été
bien naïf de la croire. »
« Qui dit que les montagnes n'ont pas de sentiments,
elles qui rougissent au lever du soleil ? »
« – Une montagne, tu ne sais jamais si tu la
retrouveras où tu l’as laissée.
Les deux hommes continuent d’avancer du même air grave. Je viens de bénéficier de la sibylline sagesse des Dolomites. Ou alors, ces rudes créatures ont un sens de l’humour que je ne soupçonnais pas. »
Les deux hommes continuent d’avancer du même air grave. Je viens de bénéficier de la sibylline sagesse des Dolomites. Ou alors, ces rudes créatures ont un sens de l’humour que je ne soupçonnais pas. »
« Si nous ne sommes pas capables de croire à une
histoire juste parce qu'elle est belle, à quoi bon faire ce métier ? »
« (…) ma tristesse vient de plus loin. Elle vient du
gamin qui, un jour, décida de devenir paléontologue. Pas par goût de l’aventure.
Pas pour la célébrité, ou la gloire – même si ces dernières feraient bien les
affaires. Pas davantage pour la reconnaissance de ses pairs ou l’enrichissement,
ça non ! Non, on devient paléontologue parce qu’on aime les histoires.
Pour en raconter, à soi et aux autres. J’ai vraiment cru que celle-ci méritait
de l’être. »
« J’en veux à tout ce blanc, ce blanc de neige qui nous
rend fous et égare tout, hommes et bêtes. J’ai beau savoir qu’un prisme
révélerait les couleurs qui s’y terrent, j’ai beau me répéter que ce blanc est
une larve d’arc-en-ciel, décidément, je ne peux pas lui pardonner. Je suis
coupable, oui, coupable de nous être crus capables de lui tenir tête. »
« Appelez-moi neige : je ne suis plus rien d’autre.
Elle est partout. Sur les montagnes et dans les creux, en équilibre sur les
crêtes. Dans mon col, dans mes chaussures, dans mes gants. Dans mes poumons,
dans ma bouche et dans mes yeux. Sur mes cils, dans ma barbe, dans ma tente. Je
ne suis que neige »
« Maintenant je sais. Je sais à quoi ressemble l'hiver
dans ces montagnes. C'est une locomotive. Une machine furieuse, un délire
d'étincelles qui danse sur ses rails, un rire d'acier à l'horizon. Elle hurle,
elle se cabre, elle tire en bondissant son cargo de fonte. Je parle bien sûr de
l'hiver pur, pas de la saison câline qui effleure chaque année nos existences
de plaines et de villes. Je parle d'un dieu vorace dont la colère rabote les
cimes et ponce les crêtes. Il donne de l'audace aux glaciers et souffle, perché
sur ses montagnes, son mépris pour la vie. Il est destruction. Il est beauté à
couper le souffle. »
« Personne ne les a pleurés parce qu'l n'y a eu
personne pendant longtemps, parce qu'il a fallu attendre cent quarante millions
d'années pour que quelqu'un ait enfin l'idée de pleurer.
Alors je reste à leur chevet, longuement, je veille sur leur sommeil dans cette nuit sans aube, sur leur amour immense, leur amour de géants.
Dormez, bientôt, je partirai sans vous réveiller, car de se réveiller il n'est plus question depuis longtemps. »
Alors je reste à leur chevet, longuement, je veille sur leur sommeil dans cette nuit sans aube, sur leur amour immense, leur amour de géants.
Dormez, bientôt, je partirai sans vous réveiller, car de se réveiller il n'est plus question depuis longtemps. »
Je l'ai réservé à la bibliothèque mais il faut que j'attende mon tour, il est très demandé.
RépondreSupprimerIl mérite ce succès !
SupprimerComme toi, j'ai tout aimé dans ce roman ! (que pourtant je n'étais pas du tout sûre d'aimer)
RépondreSupprimerVisiblement il plaît beaucoup.
SupprimerEt bien quel enthousiasme ! Il doit sûrement se trouver à la bibliothèque, peut-être le lirai-je donc un jour ?
RépondreSupprimerOuiiiii !
SupprimerSon précédent roman Ma reine, m'avait déçu. Un goût de trop peu. Malgré ton coup de coeur, j'hésite à le lire.
RépondreSupprimerJe ne suis pas sûre de lire ce premier roman dont le sujet ne m'attire pas autant.
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