mardi 27 septembre 2022

Le colonel ne dort pas - Emilienne Malfatto

Par Ariane


Auteur : Emilienne Malfatto

Titre : Le colonel ne dort pas

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : éditions du sous-sol

Nombre de pages : 112p

Date de parution : août 2022

 

Mon avis :

Un décor comme une peinture impressionniste, flouté, tout en nuances de gris où ne subsistent que quelques touches rosées aux joues d’un jeune homme. Une ville inconnue, dans un pays inconnu. Le colonel est un spécialiste. Chaque jour, dans un sous-sol, il torture. Entre ses mains, des hommes deviennent des créatures monstrueuses dont on a du mal à croire qu’ils aient pu être humains. La nuit, le colonel ne dort pas. Ils viennent à lui, ces hommes qui ne ressemblent plus à des hommes. Le colonel s’efface, perd toute substance, un homme gris qui se fond dans le paysage, un fantôme encore en vie.

Le colonel, l’ordonnance, le général. En faisant le choix de ne pas les nommer, de ne pas les caractériser autrement que par leur fonction, Emilienne Malfatto, fait des personnages de son roman des figures universelles pour dénoncer ce que la guerre fait et fait faire aux hommes, pour dire l’horreur, l’absurdité et la folie de la guerre.

Mêlant prose et vers libres, ce texte court, mais étonnamment puissant, est de ceux qui laissent une empreinte indélébile, comme c’était déjà le cas pour Que sur toi se lamente le Tigre, premier roman de l’autrice. Emilienne Malfatto possède le singulier talent de faire du beau avec du laid. Une écriture poétique et subtile, alors même qu’elle explore la noirceur et les tréfonds de l’âme humaine.

Un roman singulier, étrange et terriblement beau.

 

Extrait :

« je regarde l'homme dans le cercle du lumière
dans cette lumière trop crue qui me brûle les yeux
à moi qui n'ai plus le droit à
la lumière
je regarde cet homme cette nouvelle recrue
cet homme qui va devenir mon ombre
qui va alourdir mon ombre sur les pas
c'est fou ce que c'est lourd une ombre
on ne le croirait pas
avez-vous déjà remarqué
quand le soleil tombe à l'horizon
cette ombre longue et lourde le long des murs
accrochée à vos pas
ce qu'elle est lourde à traîner
et quand vous vous retournez
vous ne la reconnaissez pas
c'est qu'elle vous montre la part que vous ne voulez
pas voir

la part d'ombre »

lundi 26 septembre 2022

Les sœurs aux yeux bleus - Marie Sizun

 Par Daphné








Autrice : Marie Sizun

Titre : Les sœurs aux yeux bleus

Genre : roman

Langue d’origine : français 

Editeur : Arlea

Nombre de pages : 396

Date de parution :  2019

Résumé de l'éditeur:

"La Gouvernante suédoise se terminait en 1877, à la mort tragique de Hulda, la jeune épouse suédoise de Léonard Sézeneau. Que va-t-il advenir de leurs cinq enfants, traumatisés par la mort de leur mère et la découverte du drame familial qui en est la cause? Si les garçons, envoyés en pension, trouvent leur voie, il n'en va pas de même pour les trois sœurs, que leur père entraîne avec lui dans le dernier parcours aventureux de sa vie. Échapperont-elles à l'autorité de ce père adoré mais abusif? Passant du XIXe siècle, qui les a vues naître, au XXe, les sœurs vont faire de façon souvent douloureuse mais magnifique l'apprentissage de la liberté. Étonnant roman, fertile en rebondissements, Les sœurs aux yeux bleus nous montre une société en pleine évolution et la dignité nouvelle trouvée par les femmes."-

Mon avis :

Ce roman est la suite de La gouvernante suédoise. On y découvre la vie des trois filles de Hulda Sézeneau après le décès de cette dernière. alors que leurs frères sont envoyés en pension, Louise, Eugénie et Alice, elles, restent avec leurs père, d'abord à St Pétersbourg où Livia continuent de veiller sur elle puis à Meudon, en France, sans Livia, où elles grandiront dans l'ennui et la tristesse. Trois sœurs, trois caractères bien différents, mais toutes se retrouvent prises au piège de la tyrannie de leur père. Un père qui les aime et qui pourtant les retient prisonnières, les empêchant de vivre la vie qui aurait due être la leur. Et à la fin du XIXème siècle, il est bien difficile pour des femmes d'échapper à l'autorité paternelle. 

J'ai bien mieux aimé ce livre que le précédent. Il se dégageait de La gouvernante suédoise une grande mélancolie qui avait un peu "plombé" ma lecture. Cette mélancolie, bien que différente, se retrouve à travers les pages des sœurs aux yeux bleus mais de manière toute autre. En effet, l'ambiance y est tout aussi triste que dans le tome précédent mais il y a  autre chose. Il y a la révolte d'Alice, la gentillesse d'Eugénie, la colère de Louise à l'égard de Livia, la légèreté de la petite Lô... Il y a la solidarité et l'amour entre les trois sœurs, il  y a la lente émancipation des femmes, l'évolution des mentalités. Il y a les années qui défilent et qui pourtant, même si l'atmosphère, pensante, laisse à penser que rien ne changera jamais, il y a le changement. 

Ce livre, à l'instar de celui qui le précède, n'est pas un livre gai, non, il est tout aussi empreint de tristesse que le premier mais celle ci est beaucoup moins pesante car elle est, à sa manière, combattue. J'ai un peu hésité à me lancer dans cette suite mais il estc ertain que je ne le regrette pas.

Extrait :

"Ce qui était surtout effrayant pour les enfants, c'était l'inconsistance de l'atmosphère qui régnait autour d'eux. Rien ne semblait destiné à durer. Il allait sans doute se passer quelque chose, mais on ne savait quoi. Tous ces adultes étaient réunis pour ça, décider ce qui serait leur vie à eux, les enfants."


samedi 24 septembre 2022

Ce que nous désirons le plus - Caroline Laurent

Par Ariane


Auteur : Caroline Laurent

Titre : Ce que nous désirons le plus

Genre : récit

Langue d’origine : français

Editeur : Les Escales

Nombre de pages : 224p

Date de parution : août 2022

 

Mon avis :

Impossible de parler de ce livre, sans évoquer d’abord le premier livre de Caroline Laurent Et soudain, la liberté. Editrice, Caroline Laurent fait la rencontre d’Evelyne Pisier, pour travailler sur un projet d’autobiographie. Entre les deux femmes, c’est une vraie rencontre. Pendant les mois qui suivront, elles partageront une amitié intense. Après la mort d’Evelyne et avec l’accord de son mari, Caroline Laurent continuera d’écrire, seule. Le résultat fut magnifique. Un portrait de femme éblouissant, l’histoire d’une belle amitié et le cheminement d’une jeune femme qui se sent, enfin, autorisée à écrire. Ce livre fait partie de mes plus beaux souvenirs de lecture et je l’ai chaudement recommandé chaque fois que j’en ai eu l’occasion.

Mais il y eu un autre livre, une déflagration. Une jeune femme y dénonce les viols subis par son frère jumeau par leur beau-père, Olivier Duhamel, et le silence de leur mère, Evelyne Pisier. Si le choc est rude pour le public, le bouleversement est total pour Caroline Laurent. L’image idéalisée de l’amie et des instants partagés se brise, les interrogations se multiplient et le harcèlement médiatique n’arrange rien.

Caroline Laurent partage avec ses lecteurs les mois qui ont suivi la révélation du secret. Avec sincérité, elle se livre totalement, explore ses émotions, ses doutes et ses peurs. Elle plonge en elle-même, cherche à comprendre la souffrance de cette blessure d’amitié qui fait écho à des blessures plus anciennes. Pour se retrouver, il faudra les mots des autres, la solitude et l’éloignement. Et l’écriture…

 

Extrait :

« Le chagrin est un pays de silence. On le croit à tort bruyant et démonstratif, mais c'est la joie qui s'époumone partout où elle passe. Le chagrin, le vrai, commence après les larmes. Le chagrin commence quand on ne sait plus pleurer. »

« La seule interrogation valable, c’est comment. Comment écrire. Comment aimer. Comment vivre. »

« J’avais une amie, et je l’ai perdue deux fois. Ce que le cancer n’avait pas fait, le secret s’en chargerait. »

mercredi 14 septembre 2022

Mercredi, c'est le jour des petits - Corinne Dreyfuss

 Par Daphné








Autrice : Corinne Dreyfuss

Titre : Pomme pomme pomme

Editeur : Thierry Magnier

Résumé:

Pommier. Pomme. Poum ! Tombée. Croc ! Croquée… Ne reste alors que la graine qui, une fois arrosée, donnera à son tour un pommier… pour tout recommencer. Fondé sur le plaisir de prononcer avec gourmandise des mots simples et des onomatopées, ce tout-carton graphique raconte, pour les plus petits, le cycle de la vie d'une belle pomme rouge.

Mon avis :

Voilà un album qui enchante  mon fils de 20 mois. Le cycle de la vie d'une pomme est raconté tout simplement, un peu comme une comptine faite essentiellement de mots très courts et d'onomatopées. Pomme, pomme pomme... pommier.... Poum poum poum.... tombée... On pourrait presque en chanter le texte. C'est court, simple, rythmé, percutant et les sons sont faciles à prononcer pour les tout-petits. Les illustrations quand à elles sont tout aussi simples et percutantes. 

Un album à croquer tout autant que la pomme, et qui tombe à pic pour l'arrivée de l'automne!

lundi 12 septembre 2022

La gouvernante suédoise - Marie Sizun

 Par Daphné








Autrice : Marie Sizun

Titre : La gouvernante suédoise

Genre : roman

Langue d’origine : français 

Editeur : Arlea

Nombre de pages : 306

Date de parution :  2016


Résumé de l'éditeur :

Quel rôle joue exactement Livia, la gouvernante suédoise engagée par Léonard Sézeneau, négociant français établi à Stockholm en cette fin du XIXe siècle, pour seconder sa jeune femme, Hulda, dans l’éducation de leurs quatre enfants ? Quel secret lie l’étrange jeune fille à cette famille qu’elle suivra dans son repli en France, à Meudon, dans cette maison si peu confortable et si loin de la lumière et de l’aisance de Stockholm ? Il semble que cette Livia soit bien plus qu’une domestique, les enfants l’adorent, trouvant auprès d’elle une stabilité qui manque à leur mère, le maître de maison dissimule autant qu’il peut leur complicité, et Hulda, l’épouse aimante, en fait peu à peu une amie, sa seule confidente. Rien ne permet de qualifier le singulier trio qui se forme alors. Que sait Hulda des relations établies entre son mari et la gouvernante ? Ferme-t-elle les yeux pour ne pas voir, ou accepte-t-elle l’étrange dépendance dans la quelle elle semble être tombée vis à vis de Livia ?
Dans ce récit maîtrisé et romanesque, Marie Sizun brosse le portrait tout en nuances de ses ancêtres franco-suédois, s’approchant au plus près du mystère qui les entoure. C’est bien une histoire d’amour et de mort qui va suivre la réussite fulgurante d’une famille, la sienne, trois générations plus tôt. Renouant les fils rompus, interrogeant sans cesse un passé occulté, redonnant vie aux disparus par son talent de romancière, Marie Sizun éclaire avec tendresse et pudeur les secrets de ces étonnants personnages.

Mon avis :

Après avoir lu -et beaucoup aimé!- Un jour par la forêt, j'avais hâte de découvrir cet autre roman de Marie Sizun. J'ai finalement moins aimé cet autre livre, bien que j'ai tout de même passé un bon moment à le lire.

On découvre ici, à la fin du 19ème siècle, une famille, un triangle amoureux, une histoire de famille, de secrets, d'amitié, d'amour et de trahison. 

L'autrice détricote un à un les fils d'un secret de famille, de sa propre famille,  mettant des mots sur un non dit tu depuis des années. Ce qu'elle ne sait pas, elle l'imagine, à partir de ce qu'on a pu lui raconter, de quelques photos, de suppositions, redonnant ainsi vie à des personnes qu'elle n'a pas connue, dont elle sait au final peu de choses mais dont l'histoire fait tout de même partie de la sienne.... 

Ce livre est tenté de mélancolie, de froideur, de mystère. On ressent l'ambiance imaginée par l'autrice, cette ambiance à la fois lourde et feutrée qui entoure cette famille. Plus que l'histoire, j'ai aimé la plume de son autrice, une plume à la fois discrète et délicate, une plume qui ne juge pas mais qui analyse. 

On ressent à chaque page la tristesse et la solitude qui se dégage des personnages, en particulier celui de Hulda. L'autrice nous entraîne véritablement par le ressenti de cette ambiance, dans la vie des personnages. Mais si j'ai aimé cette écriture, il s'en est justement dégagé trop de tristesse pour que le livre ne me séduise tout à fait.  Trop de mélancolie sans doute. J'ai aimé ce livre mais j'ai été loin d'avoir pour lui le même coup de cœur que pour Par la forêt. J'ai cependant hâte de découvrir d'autres livres de Marie Sizun car j'aime beaucoup le côté délicat et ciselé de son écriture.

Extrait :

"Il y a des histoires étranges dans les familles. Des secrets, des choses inavouables, sur lesquelles les adultes se taisent, comme si le silence pouvait étouffer la réalité, et, qui sait, la faire disparaître. Mais il arrive que, malgré tout, des mots s'échappent, parviennent aux oreilles des enfants distraits, et même à demi, ils les entendent. Un jour, ces mots prennent sens, et une histoire singulière se dessine. Pour moi, il n'aura fallu qu'un nom prononcé par inadvertance."