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mardi 31 décembre 2019

Bilan 2019 (Ariane)

Par Ariane

Aujourd'hui c'est le dernier jour de 2019 et c'est donc le moment idéal pour un petit bilan de mes lectures de l'année. 
J'ai lu 60 livres cette année. C'est peu par rapport à nombre de blogueurs et blogueuses, peu également en comparaison avec mon rythme de lecture des années antérieures (82 en 2017) mais mieux qu'en 2018 (45 seulement!). 
Mais la quantité n'est pas le critère essentiel, ce qui importe c'est la qualité des lectures. Et là, dans l'ensemble l'année a été plutôt bonne, avec plusieurs coups de cœur, de bonnes lectures et tout de même quelques déceptions. 

Mon top 5 de l'année (cliquez sur les couvertures pour lire l'article) :

Martin Eden de Jack London
Un chef d’œuvre absolu ! Il y a des livres qui nous marquent, des personnages qui s'installent définitivement dans notre mémoire, des histoires inoubliables. Martin Eden est de ceux là. 


http://tantquilyauradeslivres.blogspot.com/2019/12/martin-eden-jack-london.html
Le désert des Tartares de Dino Buzzatti
Chef d'oeuvre encore ! Un roman époustouflant, parfaitement maîtrisé et lui aussi inoubliable. 

http://tantquilyauradeslivres.blogspot.com/2019/11/le-desert-des-tartares-dino-buzzati.html
Borgo Vecchio de Giosué Calaciura
Passé quasiment inaperçu parmi les romans de la rentrée littéraire, c'est un très joli roman, poétique et particulier, qui m'a particulièrement séduite. 

https://tantquilyauradeslivres.blogspot.com/2019/10/borgo-vecchio-giosue-calaciura.html

Cent millions d'années et un jour de Jean-Baptiste André
Un roman parfait ! L'écriture, l'histoire, les personnages. Tout était parfait pour moi ! 

http://tantquilyauradeslivres.blogspot.com/2019/11/cent-millions-dannees-et-un-jour-jean.html

La blessure de Jean-Baptiste Naudet
Une de mes premières lectures de l'année, pourtant je garde toujours bien en mémoire l'intensité de cette histoire, son humanité et son universalité. 

https://tantquilyauradeslivres.blogspot.com/2019/01/la-blessure-jean-baptiste-naudet.html

Oserais-je parler des challenges ? Le point sur mes challenges de l'année va être très rapide : ça a été un bide total ! Même le challenge Petit bac d'Enna auquel je participe avec plaisir depuis plusieurs années a été un échec complet puisque je n'ai pas terminé une seule ligne... Je ne suis pas encore sûre de m'inscrire pour 2020.

J'avais aimé l'année dernière revenir sur mes lectures à l'aide de la liste "une année de livres", je ne l'ai pas tout à fait terminée alors ce sera dans quelques jours !

Et vous quel est votre bilan littéraire de cette année ? 

En attendant je vous souhaite un très bon réveillon !








lundi 30 décembre 2019

La porte des enfers - Laurent Gaudé

Par Daphné













Auteur : Laurent Gaudé
Titre : La porte des enfers
Genre : roman
Langue d’origine : français
Editeur : Babel
Nombre de pages : 272
Date de parution :  2010

Résumé de l'éditeur :

Au lendemain d’une fusillade à Naples, Matteo voit s’effondrer toute raison d’être. Son petit garçon est mort. Sa femme, Giuliana, disparaît. Lui-même s’enfonce dans la solitude et, nuit après nuit, à bord de son taxi vide, parcourt sans raison les rues de la ville.
Mais, un soir, il laisse monter en voiture une cliente étrange qui, pour paiement de sa course, lui offre à boire dans un minuscule café. Matteo y fera la connaissance du patron, Garibaldo, de l’impénitent curé don Mazerotti, et surtout du professeur Provolone, personnage haut en couleur, aussi érudit que sulfureux, qui tient d’étranges discours sur la réalité des Enfers. Et qui prétend qu’on peut y descendre…
Ceux qui meurent emmènent dans l’Au-Delà un peu de notre vie, et nous désespérons de la recouvrer, tant pour eux-mêmes que pour apaiser notre douleur. C’est dans la conscience de tous les deuils – les siens, les nôtres – que Laurent Gaudé oppose à la mort un des mythes les plus forts de l’histoire de l’humanité. Solaire et ténébreux, captivant et haletant, son nouveau roman nous emporte dans un “voyage” où le temps et le destin sont détournés par la volonté d’arracher un être au néant.


Mon avis :

Après avoir lu plusieurs livres de Laurent Gaudé, je me suis dis que je pouvais presque piocher les yeux fermés l'un de ses livres sur les rayons de la bibliothèques sans crainte d’être déçue... mais me voilà obligée de nuancer quelque peu mes propos car je n'ai pas du tout aimé celui-ci !

Matteo a perdu son fils, Pippo, dans une fusillade. Sa femme Guiliana, le quitte après lui avoir demandé de lui ramener son enfant. Matteo rencontre alors un professeur qui lui explique que l'on peut descendre aux enfers et y voir ceux que nous avons perdus... A la manière d'Orphée, lui aussi va descendre aux enfers, chercher celui qu'il a perdu.

Voici donc l'histoire de la perte, du deuil impossible, de l'espoir de retrouver l'être aimé. A priori, cela pourrait être un belle histoire, un bel hommage à nos morts, un livre émouvant... Mais pour moi, cela n'a pas pris du tout. Il faut dire aussi que je l'ai lu dans un contexte un peu difficile mais je en pense pas que cela soit la seule raison. J'avais emprunté ce livre uniquement pour le nom de l'auteur mais sans doute aurais-je mieux fait de lire le résumé avant de l'ouvrir car nul doute sinon que j'aurais remis cette lecture à plus tard. Or, même plus tard, je ne suis pas sûre qu'elle m'aurait plu.

 Le chagrin de Matteo et la manière dont se déchire son couple est très bien décrite mais à partir du moment où l'on se retrouve plongé dans les enfers, j'ai complètement décroché. L'image du père prêt à pendre la place de son fils dans la mort afin que celui-ci vive est très belle, très juste... mais la description des enfers, tout simplement glaçante n'a pas été pour me faire aimer ce livre. Très honnêtement, même si c'est juste une histoire, je préfère ne pas imaginer les êtres que l'on perd dans un tel endroit! Trop de noirceur, trop de dureté, trop d’incrédibilité pour moi... bref, cette fois-ci, la "magie Laurent Gaudé" n'a pas pris!

Extrait :

"En disparaissant, les morts emportent un peu de nous-mêmes. Chaque deuil nous tue. Nous en avons tous fait l'expérience. Il y a une joie, une fraîcheur qui s'estompe au fur et à mesure que les deuils s'accumulent... Nous mourons chaque fois un peu plus en perdant ceux qui nous entourent..."


vendredi 27 décembre 2019

Le rire du grand blessé - Cécile Coulon

Par Daphné













Auteur : Cécile Coulon
Titre : Le rire du grand blessé
Genre : roman
Langue d’origine : français
Editeur : Viviane Hamy

Résumé de l'éditeur :

Seuls circulent les livres officiels. Le choix n'existe plus. Le " Grand ", à la tête du Service National, a mis au point les " Manifestations À Haut Risque ", lectures publiques qui ont lieu dans les stades afin de rassembler un maximum de consommateurs. Peuvent alors s'y déchaîner les passions des citoyens dociles. Des Agents de sécurité – impérativement analphabètes – sont engagés pour veiller au déroulement du spectacle et maîtriser les débordements qui troublent l'ordre public.

1075, compétiteur exceptionnel, issu de nulle part et incapable de déchiffrer la moindre lettre, est parfait dans ce rôle. Il devint le meilleur numéro ; riche, craint et respecté. Jusqu'au jour où un molosse – monstre loué pour pallier les défaillances des Agents – le mord. À l'hôpital, où on le dorlote pourtant comme un bébé, sa vision bascule.


Mon avis :

Voici un livre qui ne peut que donner des frissons aux amoureux de la lecture ! L'agent 1075 vit dans un monde où la littérature est bannie et où seuls sont autorisés des livres sans âme et réglementés, lus uniquement dans de grandes manifestations afin d'assurer la soumission totale de la population. Les agents chargés de surveiller ces manifestations doivent être analphabètes et dépourvus d'une certaine sensibilité. 1075 est l'un d'eux. Un jour cependant, sa vie va basculer... car il va apprendre à lire.

Ce livre a de quoi nous faire réfléchir! Que serions-nous si nous perdions le libre arbitre de nos lectures ? La société totalitaire et dépersonnalisée que nous décrit là Cécile Coulon a de quoi glacer le sang. 

Comme d'habitude, l'auteure excelle à nous faire ressentir toute la violence de son histoire, violence qui prend sa source dans une manipulation terrifiante. Si j'aurais aimé que certains passages soient un peu plus développés, il n'en reste pas moins que j'admire décidément cette auteure qui parvient en si peu de pages à faire ressentir un tel vide, une telle violence, un tel contrôle.

A lire, encore une fois... mais je crois que c'est le cas pour tous les livres de Cécile Coulon !

Extrait :

"Nul résumé, pas de biographie, ni de préface, encore moins de photo. Un texte seul. Les Maisons de Mots ne perdaient pas de temps à inventer des phrases alléchantes : la mention de la sensation convoitée suffisait à assurer des ventes astronomiques."


lundi 23 décembre 2019

Le palais de glace - Tarjei Vesaas

Par Daphné















Auteur : Tarjei Vesaas
Titre : Le palais de glace
Genre : roman
Langue d’origine :norvégien
Traducteur : Jean-Baptiste Coursaud
Editeur : Flammarion

Résumé de l'éditeur :

Dans un paysage de légende façonné par le froid et la glace, au coeur de l'interminable automne norvégien, deux fillettes se découvrent et se reconnaissent. Siss et Unn, Unn et Siss. De caractère apparemment opposé, elles s'attirent et se troublent, jusqu'au soir où, les yeux plongés dans un même miroir, elles scellent un pacte, un lien aussi indéfectible qu'inexplicable, ténu comme un cristal de givre et puissant comme le palais de glace figé au pied de la cascade. Le lendemain, Unn disparaît... Le Palais de glace, chef-d'oeuvre intemporel plein de poésie et de sensualité, approche avec une rare acuité l'intensité bouleversante des secrets et le sérieux insondable des émotions enfantines.

Mon avis :

Pour commencer l'hiver, une lecture qui se passe dans le froid, la neige et la glace : Unn et Siss, onze ans,  vivent en Norvège, se connaissent depuis peu et sont irrésistiblement attirées l'une par l'autre. Le lendemain du jour où elles passent ensemble un moment prometteur d'une grande amitié, Unn décide de faire l'école buissonnière... et ne revient pas. 


Voici un roman très poétique, tout en descriptions. Descriptions d'un palais de glace sous une cascade, description du chagrin d'une enfant, description d’une renaissance. S'il traite du sujet le plus triste qui soit, il n'est pourtant pas écrit de manière triste mais douce, poétique, presque lyrique. Les descriptions du palais de glace formé sous la cascade sont magnifiques. En le visitant à travers les yeux de Unn qui s'y aventure, on pressent le drame, et pourtant, on savoure chaque description presque féérique, on croirait presque entendre le grondement de la rivière, voir les effets de lumière sur la glace et sentir le froid de plus en plus mordant. 

Ce livre est un livre triste pourtant. Un livre qui nous parle d'absence, de difficulté à se reconstruire après un drame, de promesse qu'on ne saurait trahir au point de s'y perdre soi même. C'est triste, oui, c'est cruel, mais c'est beau aussi... c'est très beau...

Extrait :

"Aux yeux d'Unn, un monde ensorcelé se révélait, composé de monticules, de voûtes, de coupoles givrées, de courbes harmonieuses et de dentelures complexes. Rien que de la glace, sur laquelle l'eau, éclaboussant sans cesse, continuait son oeuvre de construction. Les glaces, ayant barré certaines parties de la cascade, d'autres branches s'étaient créées, où se forgeaient de nouvelles improvisations. Malgré l'absence du soleil, c'était un éblouissement de couleurs, des jaillissements de bleus et de verts."

vendredi 20 décembre 2019

Femmes médiatrices et ambivalentes, mythes et imaginaire - sous la direction de Anna Caiozzo et Nathalie Ernoult

Par Daphné
















  • Auteur : sous la direction de Anna Caiozzo et Nathalie Ernoult
    Titre : Femmes médiatrices et ambivalentes, mythes et imaginaire
    Genre : recherches, mythes
    Langue d’origine : français
    Editeur : Armand Colin 
    Nombre de pages : 418
    Date de parution : 2012

Résumé de l'éditeur :

Lilith, Ishtar, Athéna, Déméter, Mélusine, Marie, Vis, Aglauros, Shirin, et bien d’autres, toutes sont femmes, tout comme sont aussi femmes ces créatures effrayantes, Lilith, Umm Sibyan , et autres démones, ogresses, sirènes ou amazones contre lesquelles les hommes et les femmes se protègent en consultant d’autres femmes, devineresses, prophétesses et autres vetules. Car toutes ces femmes, d’ici et d’ailleurs, issues du passé ou du présent, réelles ou imaginaires, offrent par-delà leurs différences apparentes un même visage, celui de l’ambiguïté et des questionnements relatifs à l’ontologie même de la féminité dans les imaginaires masculins. Les portraits de femmes présentés dans cet ouvrage tentent de cerner, en abordant différents types d’êtres féminins, le mystère de la féminité dans ce qu’il possède de plus complexe : le rapport au sacré stigmatisé par l’ambivalence et illustré par la médiation. 
Réelles ou mythiques, ces femmes présentent toutes, à l’instar de la déesse, de la fée ou de la sirène, des facettes de la femme fatale dont la seule évocation résume tout un imaginaire masculin relatif à la femme, mère et amante, pourvoyeuse de plaisir et de richesses, mais aussi potentiellement dangereuse. Et, en particulier, sont redoutées celles d’entre elles qui ont échoué dans leur fonction d’épouse et de mère, entités nuisibles aux autres femmes et à leur progéniture, voire aux hommes eux-mêmes. Si le mystère de la vie lie indéfectiblement les femmes avec l’au-delà, elles en tirent aussi des capacités occultes qui en font aussi des médiatrices pourvoyeuses de biens matériels. Mais leur médiation se limite parfois à une tâche autrement plus noble : aider l’homme à accomplir son destin.


Mon avis :

Voilà une lecture très intéressante sur la manière dont sont perçues les femmes dans les mythes. Ainsi que l'indique le titre, les femmes, dans les mythes, sont souvent perçues de manière ambivalente et semblent bien souvent servir de médiatrices entre l'homme et le divin. Souvent présentées comme maléfiques, elles se font sorcières ou démones, sirènes attirant les marins au fond des flots, marâtres ou ogresses. Maléfiques, vraiment ? Ne sont-elles pas tout simplement indispensables ? On les redoute pour leur rôle de messagère oud e devineresse. On les condamne pour leur sorcellerie, ou pour leur féminité même. On les voit très laides ou très belles, foncièrement bonnes détestablement maléfiques, mais où donc est l'entre deux ? Quel est leur rôle et qui sont-elles réellement ?

Pour répondre à ces questions, cet ouvrage interroge plus sieurs mythe, d'origines diverses. En passant par Demeter, la déesse grecque, les versions japonaises de Mélusine, les femmes bibliques, les prophétesses en Mésopotamie, ce livre nous dresse des portraits de femmes bien connues dans l'imaginaire collectif. 

Il en résulte n livre très intéressante qui m'a parfois surprise, notamment pour le chapitre concernant Morgane (personnage des légendes arthuriennes, bien connue -ou devrait on peut-être dire mal-connue car souvent jugée trop rapidement). Bien qu'ayant beaucoup lu sur Morgane et m'étant suffisamment intéressée à ce personnage pour faire quelques recherches à son sujet, je ne l'avait jamais perçue sous l'angle sous lequel la voit l'auteure de ce chapitre.

J'ai beaucoup aimé ce livre qui donne la place à des femmes très diverses dont les histoires sont toutes plus fascinantes les unes que les autres. 

Extrait :

"L'image d'une fée penchée au-dessus d'un berceau n'étonnera aucun jeune occidental. Pourtant, même si Laurence Harf-Lancner a clairement rappelé le caractère maternel de certaines figures féeriques médiévales dont les plus connues sont sans doute Mélusine ou la Dame du Lac, certaines belles dames ont davantage à voir avec des femmes fatales qu'avec des tendres mères. C'est le cas de Morgane, dont la réputation sulfureuse évoque luxure et maléfices. D’ailleurs, la maternité qu'on lui attribue parfois, celle de Mordret, est des plus inquiétantes qui soit. Mais nous choisirons de ne pas traiter ici de ce fils monstrueux et de sa sombre conception qui n'est d'ailleurs pas celle que propose le cycle Vulcate français qui fait de l'épouse du roi d'Orcanie la mère de l'assassin royal. Pour notre recherche, nous envisagerons Morgane comme figure maternelle de manière intertextuelle."

samedi 14 décembre 2019

Martin Eden - Jack London

Par Ariane
  


Auteur : Jack London
Titre : Martin Eden
Genre : roman
Langue d’origine : anglais
Traductrice : Francis Kerline
Editeur : Libretto
Nombre de pages : 464p
Date de parution : novembre 2010

Présentation de l’éditeur :
Martin Eden, le plus autobiographique des romans de Jack London, est le récit d’un écrivain né dans les bas-fonds, homme de rien basculé dans la bourgeoisie qui croit tenir sa revanche sur la vie…
C’est aussi la rencontre d’un homme et d’une femme ; l’occasion enfin de découvrir le vrai visage de Jack London, une personnalité rare à la source de notre modernité. Son œuvre, dont Martin Eden est le point d’orgue, a fasciné des millions de lecteurs.

Mon avis :
Jack London m’avait déjà surprise il y a quelques années avec La peste écarlate, roman bien éloigné de ses célèbres romans que l’on cantonne, à tort, au rayon jeunesse. Le talent d’écrivain de London n’est pas donc pas une découverte, mais ce roman me laisse éblouie.
Martin Eden débarque comme un éléphant dans un magasin de porcelaine dans la demeure cossue de la famille Morse. Il faut dire d’un abîme a priori infranchissable sépare le monde de Martin Eden, jeune marin né dans les quartiers populaires d’Oakland, de celui de cette famille bourgeoise et intellectuelle. Dès cette première visite, Martin tombe éperdument amoureux de Ruth, la fille de la famille. Charmante, élégante et éduquée, elle semble une déesse aux yeux de Martin. Pour la conquérir et se rendre digne d’elle, Martin est prêt à tout. Travailleur acharné sur le pont d’un bateau, il mettra la même ferveur à faire son éducation, dévorant livre sur livre, découvrant la littérature, l’histoire, les sciences, la philosophie et la politique. Et Martin se révèle brillant, perspicace et talentueux, bien plus que celle qu’il aime et que ceux qu’il admirait tant.
Etrangement, il m’est souvent difficile de parler des livres qui me touchent le plus. Comment exprimer toutes les émotions d’un livre qui m’a fait vibrer ? Les réflexions qu’il a suscitées ? Difficile souvent de trouver les mots. Peut-être n’est-ce pas si étrange après tout. Il m’est donc difficile de parler de Martin Eden.
Ah Martin Eden ! Sublime personnage ! Un jeune marin sans éducation que l’on pourrait prendre pour un rustre. Riche d’une solide expérience de la vie, mais parfois étrangement candide. Rêveur idéaliste en même temps qu’étrangement perspicace et réaliste. Brillant et talentueux. Sans éducation, une toile vierge, un esprit libre de toute influence, qui se développe et s’épanouit au gré de ses lectures. Un esprit brut, un talent pur et un cœur tendre, tel est Martin Eden.
Quel contraste avec Ruth ! Si la jeune fille apparaît telle une déesse de beauté, raffinée et intellectuelle à Martin, le lecteur voit surtout qu’elle est tout ce que Martin n’est pas. Conventionnelle et sans imagination, elle tente de l’aider à s’éduquer mais en l’enfermant dans le carcan de son esprit étriqué.
Au travers de Martin Eden, Jack London nous parle du monde qui l’entoure, dressant un portrait peu flatteur de ces bourgeois qui se prennent pour des intellectuels mais n’ont aucune imagination, qui ne font que répéter ce qu’ils ont entendu et ce qu’on leur a appris, sans avoir pris la peine d’essayer de se faire une idée personnelle. Les classes populaires ne sont pas mieux, abruties de dur labeur et d’alcool, incapables de penser, d’imaginer ou de rêver, insensibles à la beauté. L’édition et le milieu littéraire, les intellectuels et les universitaires, les politiques et les militants, tout le monde en prend pour son grade.
L’amour, les rêves, les espoirs, tout n’apporte que désillusion. Martin Eden s’est extirpé à la force de son esprit de la boue originelle, il a atteint des sommets que peu d’autres hommes ont atteint, pour n’y trouver que la solitude et la tristesse. Et c’est également avec un sentiment de tristesse et de désillusion que l’on referme le livre. Mais impossible d’oublier Martin Eden, d’oublier la force de ce personnage, la beauté de son histoire, l’image de Jack London qui est Martin Eden.

Extrait :
« Avant, je ne savais pas que la beauté avait un sens. Je l’acceptais comme telle, comme une réalité sans rime ni raison. J’étais dans l’ignorance. A présent, je sais, ou plus exactement, je commence à savoir. Cette herbe me paraît beaucoup plus belle maintenant que je sais pourquoi elle est herbe, par quelle alchimie du soleil, de la pluie et de la terre elle est devenue ce qu’elle est. »

« La masse de livres qu'il lut ne lui servit qu'à stimuler son impatience. Chaque page de chaque volume n'entrebâillait qu'une fenêtre minuscule du paradis intellectuel, et son appétit, aiguisé par la lecture, augmentait à mesure. »

« Autrefois, il s’imaginait naïvement que tout ce qui n’appartenait pas à la classe ouvrière, tous les gens bien mis avaient une intelligence supérieure et le goût de la beauté ; la culture et l’élégance lui semblaient devoir marcher forcément de pair et il avait commis l’erreur insigne de confondre éducation et intelligence. »

« L'idée que cet homme venu de l'autre versant de la montagne pût avoir des conceptions plus étendues et plus profondes que les siennes ne l'effleurait même pas. Ses vues se limitaient à l'horizon qu'elle connaissait - et les esprits limités ne voient que les limites des autres. »

« Sur les rayons des bibliothèques je vis un monde surgir de l'horizon »


vendredi 13 décembre 2019

Ouragan - Laurent Gaudé

Par Daphné













Auteur : Laurent Gaudé
Titre : Ouragan
Genre : roman
Langue d’origine : français
Editeur : babel

Résumé de l'éditeur :

A la Nouvelle-Orléans, alors qu'une terrible tempête est annoncée la plupart des habitant fuient la ville. Ceux qui n'ont pu partie devront subir la fureur du ciel. Rendue à sa violence primordiale, la nature se déchaîne et confronte chacun à sa vérité intime : que reste-il en effet d'un homme au milieu du chaos, quand tout repère social ou moral s'est dissout dans la peur ?
Seul dans sa voiture, Keanu vers les quartiers dévastés, au coeur de la tourmente, en quête de Rose, qu'il a laissé dernière lui six ans plus tôt et qu'il doit retrouver pour, peut-être, donner un sens à son existence...


Mon avis :

C'est officiel, j'aime vraiment les livres de Laurent Gaudé ! Il semblerait que quel qu'en soit le sujet, je les dévore littéralement . Tout dans ses livres me plaît : l'écriture, l'histoire, l'ambiance... Celui-ci ne fait pas exception.

Que sont les hommes face à un ouragan ? il y a ceux qui peuvent fuir, ceux qui n'ont d'autre choix que de l'affronter, ceux qui choisissent eux-même de rester, ceux qui foncent d'eux-mêmes dans le déferlement météorologique pour aller retrouver un être aimé... Ce sont ces personnages là, tous différents mais ayant tous en commun le fait qu'ils vont se retrouver face à l'ouragan, que nous présente ici Laurent Gaudé. 

Il y a l'ouragan tel qu'il est, qui détruit tout sur son passage, qui rase les maisons, qui détruit les villes et les vies. Et il y a l'ouragan qui se déchaîne en chacun des personnages, ouragan non moins destructeur dans certains cas, ouragan qui prône la survie avant tout dans d'autres. 

Ce sont de ces deux ouragans là dont nous parle Laurent Gaudé. Et il nous en parle bien, tellement bien. Chaque phrase, chaque personnage, l'ouragan y compris, est magnifiquement bien travaillé. Ouragan est un roman choral (comme je les aime!) terriblement humain, terriblement beau, terriblement dévastateur. La peur, la mort, la folie, le renoncement sont tellement bien décrits qu'on en sentirait presque l'odeur à travers les pages.

Je ne peux désormais que me jeter sur chaque livre de cet auteur que je trouverai sur les rayons de la bibliothèque!

Extrait :

"Les hommes ne sont rien mais l'ont oublié depuis si longtemps que chaque soubresaut de la terre leur semble être un cataclysme. Ce n'est qu'un mouvement de vie plus sourd, plus lointain que le leur. Quelque chose au regard duquel leur vie d'homme n'est rien et ne compte pas."

mardi 10 décembre 2019

L'âge de la lumière - Whitney Sharer

Par Ariane


Auteur : Whitney Sharer
Titre : L’âge de la lumière
Genre : roman
Langue d’origine : anglais
Traductrice : Sophie Bastide-Foltz
Editeur : L’observatoire
Nombre de pages : 448p
Date de parution : août 2019

Présentation de l’éditeur :
Paris, 1929. Lee Miller, une jeune américaine, débarque à Paris.
Mannequin, belle comme le jour, elle rêve pourtant de passer derrière l’objectif, animée d’une seule passion, d’une unique obsession : la photographie.
Presque par hasard, Lee attire l’attention de May Ray, illustre photographe gravitant dans le Montparnasse  surréaliste de Dalí et sa bande d’extravagants artistes. Mais pour Man Ray, Lee demeure la muse par excellence. Entêtée, la jeune femme réussit le convaincre de lui donner sa chance. Elle deviendra l’assistante, l’élève, puis l’amante du grand photographe. Dans l’intimité de la chambre noire, leur art et, très vite, leurs corps se lient et s’unissent. Mais alors que Lee se révèle une artiste hors pair, Man, jaloux maladif et génie égocentrique, ne peut bientôt plus supporter l’ascension de celle à qui il a tout appris.
Des cabarets du Paris bohème aux champs de bataille d’une Europe déchirée par la Seconde Guerre mondiale, de la découverte de techniques de photographie révolutionnaires à l’immortalisation de la libération des camps de concentration, Lee Miller s’impose comme une artiste absolue, une femme hors du commun.

Mon avis :
Après Frida Kahlo et Diego Rivera, je découvre l’histoire singulière d’un autre couple d’artistes. Man Ray. Lee Miller. Ces noms font surgir quelques images dans mon esprit. La photo d’une femme dans une baignoire. Des yeux et des larmes comme des perles. Pas grand-chose en somme.
De l’arrivée de Lee Miller à Paris, jusqu’à la rupture avec Man Ray, Whitney Sharer s’est intéressée au couple formé par les deux artistes, leur association artistique et leur relation passionnelle. Mais de passionnelle, la relation de Man et Lee devient progressivement destructrice.
Au-delà de cette histoire d’amour c’est avant tout la personnalité de Lee Miller qu’elle nous raconte. Une belle femme, consciente de sa beauté, qui n’hésite pas à s’en servir au besoin. Mais surtout une femme bien décidée à ne pas être qu’une belle femme. Car Lee Miller est brillante, talentueuse et déterminée. La femme que nous présente Whitney Sharer n’est pas toujours sympathique, mais elle dégage un charme puissant et quelque chose de touchant.
Très beau portrait de femme, ce roman nous offre aussi une plongée dans le milieu artistique parisien des années 30. Ce n’est pas une période qui m’intéresse beaucoup et je ne suis pas fan du surréalisme. J’ai tout de même apprécié cette immersion qui m’a permis d’apprendre pas mal de choses sur le tout Paris artistique de l’époque.
Quand on lit deux romans sur des thèmes proches on ne peut s’empêcher de les comparer. Et celui-ci a souffert de la comparaison avec Rien n’est noir de Claire Berest. Cela tenait peut-être à la personnalité des artistes plus qu’à leur histoire ou qu’à l’écriture des autrices, mais il y avait une puissance et une fougue dans le roman de Claire Berest qui m’avaient particulièrement plu.

Extrait :
« Ce qu'elle cherche avant tout, c'est cet instant où l'évidence s'impose, où la décision doit être prise. Elle veut créer des moments et les saisir sur la pellicule, saisir l'expérience en train de se vivre, la sensation d'être vivant. »

«Les premières notes s'élèvent à peine que la scène est prise d'assaut par les danseurs. Cette fois encore, Lee est transportée. C'est la plus pure expression de l'émotion : des sentiments qui s'incarnent, comme inscrits dans les corps. Ah, ces corps ! Lee adorerait les photographier. Rien que les os, le tissu conjonctif visible sous la peau, comme si elle devait voir de quoi ils sont faits. Lee voudrait les prendre en photo devant les décors d'Antonio, les muscles apparaissant en relief sur les panneaux de soie. La fermeté de leurs corps la fascine et, quand ils se meuvent, Lee pense aux douleurs causées par la danse, aux pieds des ballerines, écrasés dans leurs chaussons et qui leur font si mal quand elles sont sur les pointes, aux mollets puissants des hommes entourés de bandages. Et à son propre corps, mou, en comparaison. A l'exception de ses mains, à la peau sèche, desquamée, qui se sont durcies dans la chambre noire. Elle souhaiterait épaissir, voir son corps devenir un cal à force de travailler. Lee voudrait être quelqu'un qui se dépense, qui essaie des choses. Elle ne veut pas être molle. »