mardi 18 avril 2023

Le petit roi - Mathieu Belezi

Par Ariane

Auteur : Mathieu Belezi

Titre : Le petit roi

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : Le Tripode

Nombre de pages : 128p

Date de parution : mars 2023

 

Mon avis :

Après la lecture de son dernier roman, qui me laisse encore maintenant un souvenir ébloui et bouleversé, je m’étais promis de relire rapidement Mathieu Belezi. Je ne m’attendais pas à trouver un roman récemment paru, si peu de temps après le précédent. Mais il s’agit en fait de la réédition de son premier roman, paru en 1998.  

Alors que Mathieu ne désire rien d’autre que rester à ses côtés, sa mère l’abandonne pour une durée indéterminée aux bons soins de son Papé, paysan taiseux et bienveillant. Dans cette ferme isolée au cœur de la Provence, au rythme des saisons, l’enfant étouffe de rage, de solitude et de tristesse.

Empêtré dans les pensées du jeune Mathieu, le lecteur se confronte à sa douleur d’enfant blessé, abandonné, aux réminiscences des scènes violentes entre ses parents dont il fut le spectateur impuissant, à sa colère qui se déchaîne toujours plus violemment, et se retrouve ainsi partagé entre empathie pour cet enfant en souffrance et répulsion devant sa cruauté. Mieux vaut que le lecteur soit prévenu, Mathieu évacue sa colère et sa frustration par des actes de violence envers des animaux ou un jeune garçon de sa classe. Certaines scènes prennent aux tripes et sont difficilement soutenables.

Ce sombre récit d’enfance est illuminé par la beauté et la douceur de quelques scènes. Il suffit d’un chocolat chaud, d’un cadeau de Noël inattendu, d’un moment partagé avec son Papé, pour voir ressurgir l’enfant derrière la brute et nous faire ressentir avec plus d’acuité l’ampleur de sa douleur, que rien ne peut combler.

La couverture, douce et délicate, est un leurre pourtant en harmonie avec la beauté et la poésie de l’écriture de Mathieu Belezi. Comme Baudelaire, il se fait alchimiste et transforme la laideur en beauté et nous offre un récit aussi sombre que sublime.  

Apparemment les éditions Le Tripode entreprennent de rééditer toute l’œuvre de l’auteur. Je me réjouis de cette nouvelle et serais au rendez-vous pour le prochain !

 

Extrait :

« La saillie des os de ce vieux visage, qui n'a jamais été jeune et dans mes convictions enfantes doit survivre cent ans, la tendresse de ces yeux lavés, de ces mains qui tremblent, comblent jour après jour le vide laissé par ceux qui m'oublient. »

« Le soleil me tourne autour, découpe sur les labours une ombre qui n’est pas mienne, que je viens d’inventer pour le besoin de me faire du mal. Les corbeaux posent un œil méfiant sur mes hardes, sautent sur leurs pattes, croassent, déploient de lourdes ailes pour retomber mollement un peu plus loin. Noirs sans nuance, dans le miroir de ce jour que la terre et le ciel illuminent, ils sont l’expression d’une douleur que je ne peux pas nommer. »

« Et je lutte une heure durant contre moi-même, chassant ce que je ne veux pas voir et encore moins entendre, et qui pourtant m'assaille et me torture, les mains de mon père et celles de ma mère, leurs bouches qui se haïssent au-dessus de moi, leurs corps qui ne s'aiment plus, tout ça, et le reste qui n'est pas plus drôle , leurs façons de m'amadouer, de me couvrir de cadeaux pour que je choisisse mon camp, pour que je dise oui à l'un et non à l'autre, alors que leurs sales manies de me laisser seul au milieu de l'arène ont conduit mes pas mal assurés d'enfant à l'abîme. »

 

 

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