Auteur :
Ron Rash
Titre :
Serena
Genre :
roman
Langue
d’origine : anglais (américain)
Traducteur :
Béatrice Vierne
Editeur :
Le livre de poche
Nombre de
pages : 528p
Date de
parution :
Présentation de l’éditeur :
Années 1930, Smoky Mountains. George Pemberton, riche
exploitant forestier, et sa femme Serena forment un couple de prédateurs
mégalos, déterminés à couper tous les arbres à portée de main pour accroître
leur fortune. Mais le projet d'aménagement d'un parc national, pour lequel l'État
convoite leurs terres, menace leurs ambitions. Pemberton s'emploie à soudoyer
banquiers et politiciens. Sans états d'âme, Serena a d'autres arguments : le
fusil, le couteau, le poison, et un homme de main dévoué… Après Un pied au
paradis, Ron Rash nous propose un drame élisabéthain sur fond de Dépression
et de capitalisme sans foi ni foi. La nature, hostile et menacée, s’y mesure
âprement aux pires recoins de l’âme humaine.
Mon avis :
Bien que fervente admiratrice de l’œuvre de Ron Rash, j’abordais
ce roman avec une certaine inquiétude. Car sur les autres blogs, il n’a pas
vraiment séduit. Mais bien décidée à lire l’intégralité de l’œuvre de l’auteur
(en tout cas ce qui a été publié en français), je me suis lancée. Et à la
différence des autres bloggeuses j’ai eu un énorme coup de cœur !
Ron Rash situe ce roman dans les années 30, juste après la
Grande Dépression, dans l’état de Caroline du nord. Dans le décor majestueux
des Smoky Mountains, George Pemberton et sa femme Serena, dirigent une main de
fer. George Pemberton est un homme intelligent, homme d’affaire avisé et
ambitieux. C’est un personnage intéressant, car si l’homme semble au départ dur
et sans scrupules, on découvre au fil du récit une personnalité bien moins
marquée. Surtout en comparaison de sa femme !
Serena est un superbe personnage littéraire. Semblable à la
nature de l’aigle qui l’accompagne souvent elle est fascinante et magnifique,
mais aussi implacable et cruelle. Serena est une femme forte et indépendante,
aux antipodes de ce que la plupart des hommes attendent d’une épouse dans les
années 30. Loin de se cantonner à un rôle de femme au foyer, Serena s’implique
dans la gestion quotidienne de l’exploitation, faisant preuve d’un sens des
affaires plus affûté que celui de son époux. Serena est prête à tout pour
parvenir à ses fins. Elle a décidé de terminer coûte que coûte l’exploitation
de leurs terres malgré le projet de création d’un parc national et tandis que
son mari se contente de graisser la patte de quelques politiques, Serena n’hésitera
pas à aller jusqu’au meurtre. Elle fait preuve d’une froide détermination,
faisant exterminer un par un tous ceux qui osent se mettre en travers de sa
route. Ce n’est pas vraiment l’appât du gain qui la motive, mais le sentiment d’être
au-dessus des autres et le désir de vouloir dominer. Serena est plus proche de
l’animal que de la femme, dure, pure et sauvage. Un prédateur comme l'aigle qui l'accompagne, les serpents à sonnettes omniprésents dans la région ou le puma que son mari traque.
De nombreux autres personnages magnifiques sont présents
dans l’œuvre : le shérif MacDowell bien décidé à ne pas laisser les
Pemberton détruire ses montagnes ni leurs crimes restés impunis ; Galloway
le méchant par excellence, aussi laid que méchant, âme damnée et dévouée de
Serena ; l’équipe de Snipes sur laquelle je reviendrai un peu plus tard.
Et bien sûr Rachel, jeune fille tombée enceinte des œuvres de Pemberton avant
sa rencontre avec Serena.
Le récit se déroule dans les années 30, dans un climat
économique particulièrement éprouvé. La pauvreté et le chômage se font durement
sentir, et malgré les conditions de travail difficiles et dangereuses qu’offrent
les Pemberton, de nombreux hommes sont prêts à tout pour avoir une chance de
nourrir leurs familles. Ils sont des dizaines à attendre dans le camp, qu’un
accident libère un poste. Pendant ce temps-là, les Pemberton et leurs associés
font des profits grandissants. La critique d’un système qui broie les uns tout
en engraissant les autres est plus que jamais d’actualité.
Au-delà de cette dénonciation d’un capitalisme outrancier,
le plaidoyer pour la nature est vivace, comme toujours dans l’œuvre de Ron Rash.
L’aigle de Serena tue de nombreux serpents mais cela cause un déséquilibre car
les rats et autres rongeurs commencent à pulluler. L’exploitation des Pemberton
déboise des pans entiers de forêts, détruisant la faune et la flore. Ils
laissent derrière eux des versants à nu, dévastés, une eau polluée et un
silence de mort. Un carnage. Un massacre.
La présentation faisait référence à un drame élisabéthain, j’ai
aussi trouvé des accents de tragédie grecque dans ce roman. L’équipe de Snipes
tenant le rôle du chœur antique. Régulièrement, ces hommes frustes réagissent
sur les évènements et actions des protagonistes. Ils ne sont pas acteurs de l’histoire,
mais observateurs et commentateurs. Ils représentent à la fois les ouvriers et
les montagnards, mais aussi l’auteur et le lecteur. Leurs réflexions offrent
parmi les plus beaux passages du roman, réflexions tantôt humoristiques tantôt
philosophiques.
Ai-je besoin de revenir sur la qualité d’écriture de Ron
Rash ? Car au-delà de son talent pour construire des personnages et une
histoire passionnants, c’est un réel plaisir de le lire.
Un film a été adapté en 2014 par Susanne Bier, avec dans les
rôles principaux Jennifer Lawrence et Bradley Cooper. Je reconnais que ce roman
se prêtait particulièrement à une adaptation cinématographique, tous les
éléments étant réunis pour donner un bon film (l’histoire, les personnages, le
décor,…). Mais je suis très souvent sceptique devant les adaptations que je
trouve rarement à la hauteur de l’œuvre originelle. Pour celle-ci je n’ai vu
que la bande annonce et j’ai bien peur que le résultat soit une bluette
sentimentale mettant avant tout l’accent sur la relation passionnelle de
Pemberton et Serena que sur les éléments les plus passionnants du roman. Du peu
que j’en ai vu, la Serena campée par Jennifer Lawrence m’a semblé une héroïne
romantique à cent lieues de la femme du roman.
J’ai vraiment aimé ce roman, je l’ai même préféré aux autres
romans de l’auteur. Je ne peux que le conseiller en espérant que votre ressenti
soit le même que le mien. Il ne m’en reste désormais plus qu’un à lire et j’aurai
lu tout ce qui a été traduit de l’auteur. J’espère donc que son dernier roman
(paru en 2015) sera bientôt publié en France !
Extrait :
« Qu’est-ce qu’y
peut être dur, ce monde où qu’on vit. Pas étonnant qu’un bébé, y pleure en
arrivant sur la terre. Dès le premier jour, on traverse une vallée de larmes. »
Je les ai tous l us aussi (y compris les nouvelles). Serena n'est pas mon préféré, mais c'est sûr que 'tragédie grecque' est une expression adaptée pour ces romans là.
RépondreSupprimerJ'ai trouvé que ça convenait parfaitement à ce roman.
SupprimerAriane
Ah, je l'ai beaucoup aimé ! Tu ne trouveras mon avis que sur Babelio, où restent les vestiges de mon ancien blog. J'ai vu le film bien plus récemment, et l'adaptation m'a fait hausser les sourcils, ainsi que le maquillage et le brushing de Serena, pourtant présentée comme une sorte de sauvageonne...
RépondreSupprimerJe vais lire ta critique sur babelio. Et tu confirmes mon impression que le côté lisse du personnage de Serena dans l'adaptation cinématographique, à milles lieues du personnage flamboyant de Ron Rash.
SupprimerAriane
C'est le plus sombre de l'auteur, mais quel personnage ! j'avais aimé, quand j'y pense elle me fait encore froid dans le dos Séréna.
RépondreSupprimerUn personnage inoubliable.
SupprimerAriane
Toujours pas lu cet auteur, j'ai pourtant deux de ses titres dans ma pal (mais pas celui-ci).
RépondreSupprimerJ'espère que et auteur te plaira, pour moi c'est un incontournable.
SupprimerAriane