Auteur :
C.E. Morgan
Titre :
Le sport des rois
Genre :
roman
Langue
d’origine : anglais (Etats-Unis)
Traductrice :
Mathilde Bach
Editeur :
Gallimard
Nombre de
pages : 656p
Date de
parution : janvier 2019
Depuis bientôt 6 ans que j’écris sur ce blog, certains
billets ont été difficiles à écrire. Mais rarement autant que pour ce roman
aussi dense que passionnant ! Si dense que je ne sais par où commencer
pour en parler, par quel bout l’attraper, comment raconter cette histoire. J’ai
bloqué, ne réussissant même pas à écrire sur mes lectures suivantes… Il est
quand même temps de me lancer !
Henry Forge est le descendant d’une longue lignée de propriétaires
terriens installés dans le Kentucky depuis des générations. La famille a
prospéré et lorsque s’ouvre le récit, les Forge sont une famille riche et
influente. John-Henry, le père d’Henry est un homme de certitudes et de valeurs.
Certain de sa place dans le monde et de celle que son fils devra tenir,
instruit mais tout imprégné des principes sudistes. Henry se construit dans l’opposition
à son père mais reste formaté par son éducation, il transforme le domaine familial en
élevage de chevaux de courses. Obsédé par la pureté du lignage, il ne rêve que
du cheval parfait, le champion qui fera sa gloire. Sa fille Henrietta grandit
dans l’obsession de son père, destin imposé dès sa naissance, elle devient son
bras droit alors qu’elle n’est encore qu’une adolescente. Lorsqu’elle doit
recruter un nouveau garçon d’écurie, son choix se porte sur Allmon, un jeune
homme noir tout juste sorti de prison. Venu des quartiers pauvres de
Cincinnati, Allmon débarque dans un nouveau monde, chargé d’un passé bien lourd
à porter.
Voilà donc le décor planté. L’histoire semble assez simple à
première vue, un choc des cultures sur fond de courses de chevaux, mais l’autrice
nous propose un récit bien plus complexe. Les personnages tout d’abord sont
particulièrement travaillés, difficiles à appréhender, ils vont créer chez le
lecteur des sentiments ambivalents. Henry et Allmon notamment, que l’on
découvre tous deux enfants, grandissant dans un milieu familial difficile. Pour
l’un la figure du père est écrasante, l’héritage familial oppressant et un
avenir tout tracé lui est imposé. Pour l’autre, le père est absent, la mère est
présente physiquement mais absente symboliquement à cause de la maladie qui la
ronge, il n’a pas d’avenir, la vie ne lui laisse aucun choix. Ainsi donc,
malgré leurs différences d’expérience et de personnalités, tous deux ont en
commun cette volonté farouche d’échapper à leur destin. Mais peut-on se défaire
ainsi de ce que les générations précédentes ont fait de nous ? J’ai
parfois pensé aux principes de la psychogénéalogie, théorie selon laquelle les
secrets, traumatismes et conflits des ascendants influent sur la vie des
descendants. Car Henry et Allmon traînent avec eux une multitude d’individus et
des siècles d’histoire familiale, mais aussi celle de tout un pays qui s’est
construit dans le sang et les larmes, la violence et la souffrance, par les
maîtres et les esclaves.
Le récit de l’histoire actuelle est entrecoupé de passages
racontant l’arrivée de la famille Forge sur ses terres, la vie des esclaves et
les violences subies, la soif de liberté et le prix à payer pour se sauver. Des
passages terribles, mais ô combien réalistes.
Quant aux chevaux, ils tiennent une place centrale dans l’histoire.
J’y ai étonnamment vu par moments un certain parallèle avec le traitement
réservé aux esclaves… Lorsqu’une jeune esclave raconte les étreintes imposées
et les grossesses subies dans l’unique but de revendre de jeunes esclaves
héritant des qualités de leurs parents, cela fait désagréablement écho à une
autre scène racontant la saillie d’une jument et le bénéfice que le
propriétaire de l’écurie pourra en retirer.
Ce roman de C.E. Morgan mérite-t-il d’être considéré comme
un grand roman américain ?
Incontestablement oui.
Extrait :
« Les morts se changent en fables pour pouvoir
continuer à vivre. Leur éternité patiente derrière vos lèvres. »
« « Quand j’aurai des enfants, je ne serai jamais
méchant avec eux, cracha-t-il. Jamais. »
Mais quand il essayait d’imaginer ses enfants, il butait sur sa seule référence en la matière, lui-même. Ils ne seraient qu’une augmentation de lui-même, et il lui faudrait assumer sa position selon la ligne fixée par son père, cette concaténation élaborée par les générations précédentes, dont il ne serait ni le début ni la fin. Cette chose. »
Mais quand il essayait d’imaginer ses enfants, il butait sur sa seule référence en la matière, lui-même. Ils ne seraient qu’une augmentation de lui-même, et il lui faudrait assumer sa position selon la ligne fixée par son père, cette concaténation élaborée par les générations précédentes, dont il ne serait ni le début ni la fin. Cette chose. »
L'avis de Nicole,
Ah je suis d'accord, pas du tout facile d'écrire une chronique sur ce foisonnant roman, on a toujours l'impression d'oublier des aspects ou de ne pas arriver à transmettre la densité du propos. Mais quelle expérience !
RépondreSupprimerUne expérience à ne pas manquer !
SupprimerLa couverture ne m'aurait pas attirée, mais ton billet change tout .. je note.
RépondreSupprimerJe te conseille même de le mettre en tête de ta liste !
SupprimerDéjà lu des billets tentateurs pour ce roman, tu en ajoutes!
RépondreSupprimerIl faut absolument céder...
SupprimerJe ne suis pas une fanatique du cheval, mais ton billet sur ce roman me tente.
RépondreSupprimerIl y a tant de sujets dans ce roman...
SupprimerJ'ai lu son premier roman et j'ai bien aimé malgré quelques petits défauts. Celui-ci a l'air largement supérieur, je vais difficilement pouvoir faire l'impasse.
RépondreSupprimerSon premier roman est celui qui est paru récemment non ? Je pense le lire aussi.
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