jeudi 30 avril 2015

Le jeu des ombres - Louise Erdrich (lecture commune 4)

Auteur : Louise Erdrich
Titre : Le jeu des ombres
Genre : roman
Langue d’origine : anglais (américain)
Traducteur : Isabelle Reinharez
Editeur : albin Michel
Nombre de pages : 272

Présentation de l'éditeur:
Rythmé à la manière d’un thriller sombre et tragique, le Jeu des ombres est un huis-clos hypnotique, sans doute le livre le plus personnel de Louise Erdrich. Portrait d’un mariage et d’une famille sur le point de voler en éclat, d’un homme et d’une femme en proie à la violence d’un face-à-face, c’est aussi une réflexion sur les cicatrices qu’une histoire collective douloureuse peut laisser sur les individus. 

Gil est un peintre reconnu qui doit son succès à Irene, sa femme, un écrivain qui a longtemps été son modèle. Quand elle découvre que son mari lit son journal intime, Irene décide d’en rédiger un autre, qu’elle met cette fois-ci en lieu sûr. Elle y livrera sa vérité, se servant du premier comme d’une arme pour manipuler son unique lecteur. Une guerre psychologique commence, qui va révéler le côté obscur de chacun des personnages. En faisant alterner les journaux d’Irene et un récit à la troisième personne, Louise Erdrich témoigne, une fois de plus, d’une prodigieuse maîtrise narrative.


L'avis de Daphné:
"Glaçant": voilà le premier mot qui me vient à l'esprit pour caractériser ce roman. Glaçante est la relation entre les deux personnages principaux, glaçante est la vision d'un amour qui se transforme en haine, glaçante est même la météo...

Ce roman est une histoire de haine. De haine, et d'amour aussi, puisque l'on a affaire à un couple qui s'est aimé puis déchiré. L'amour est passé, laissant place à cette haine froide et malsaine, mais on sent malgré tout que l'amour a été là. On dit qu'il n'y a qu'un pas entre ces deux sentiments et ce pas, Gil et Irene l'ont franchi. En lisant ces lignes, on ne peut que se poser la question suivante: comment deux être qui se sont aimé peuvent-ils en arriver là? La réponse à cette question, Louise Erdrich nous la dépeint formidablement. Avec la froideur et le coupant d'un scalpel, elle analyse l'histoire de ce couple, les détails tout comme les énormités qui les ont amenés à ce haïr autant.

L'amour peut-il être sauvé? La descente aux enfers d'un couple peut-il épargner les enfants? Peut-on faire de l’autre celui que l'on aimerait? Est-il si facile de se laisser manipuler? Autant de questions qui se posent à travers ce couple. 

Cette lecture m'a fait froid dans le dos. L'auteur nous fait particulièrement bien ressentir l'ambiance dans laquelle vit cette famille. L'atmosphère y est irrespirable: crainte, haine, désir de vengeance, souhait de la mort de l’autre, refuge dans l'alcool, manipulation, cruauté, mensonge, négation de l'autre...Les peintures de Gil traduisent très bien cette violence. La relation entre Irene et Gil est quasiment animale, forte et destructrice. Les enfants pris au milieu de tout cela montrent un côté à la fois inquiétant et innocent.  L'ambivalence des personnages est très bien décrite, chacun oscillant entre obscurité et fragilité. 

Ce roman traite de la perte de soi même, de la perte de l'autre. Le bras de fer que se livrent les personnages est dur, intense, psychologiquement insoutenable. On devine que nul n'en sortira gagnant. 

J'ai aimé la construction du récit, alternant les carnets d'Irène et la narration à la troisième personne. Toutefois, je m'attendais à ce que l'histoire tourne davantage autour de ces carnets. J'aurais aimé que ce jeu de va et vient entre les carnets soit plus présent. 

Un roman fort qui m'a marquée et beaucoup questionnée...

Extrait choisi par Daphné:
"Gil avait un mur. Irene avait un mur. Entre les deux murs existait une zone neutre, intacte, une étendue sauvage où se trouvait tout ce qu’ils ne savaient pas et ne pouvaient imaginer sur l’autre. Gil avait une vision claire de cet espace qui les séparait. Il y voyait un paradis intact semblable à la zone démilitarisée entre les deux Corées."


L'avis d'Ariane:
Pour notre quatrième lecture commune, Daphné a proposé ce roman de Louise Erdrich. Je suis ravie de son choix puisque je souhaitais depuis longtemps découvrir cet auteur et que ce titre m’attirait particulièrement. 
 
Dans ce roman, Louise Erdrich nous conte une histoire de haine. Gil le peintre et Irene sa muse, forment depuis des années un couple fusionnel, passionnel. Mais la haine a succédé à l’amour et le désir est devenu obsession. Lorsqu’elle découvre que Gil lit son journal intime, Irene décide de le manipuler. Dans ce journal, elle n’écrit plus désormais que pour le faire douter, souffrir. Tous deux se livrent alors une guerre psychologique, sans merci. L’ambiance est oppressante et une issue fatale semble inéluctable. 


Au milieu de cette haine, trois enfants perdus. Les parents sont trop préoccupés l’un de l’autre pour leur porter une réelle attention. Ils ne les voient pas, ne remarquent pas que le fils aîné de 13 ans boit et commence à prendre de la drogue, que leur fille est obsédée par les théories survivalistes. 


J’ai beaucoup apprécié l’écriture de l’auteur qui restitue parfaitement ce sentiment de haine avec tout de même une pointe d’amour, les sentiments des différents protagonistes et ce climat glaçant. Je regrette toutefois  que le journal ne tienne pas une part plus importante dans le récit. En fait, à la lecture du résumé je pensais que le roman était construit sur l’alternance des deux carnets d’Irène. 


Une lecture intéressante.

Extrait choisi par Ariane:
« On m’a appris à penser que la vie avance de façon inéluctable depuis son point de départ formateur, et que son cours est difficile à changer. S’il en va de même pour l’amour, alors il y a eu de mauvais présages dès le début : la nuit qui a précédé notre mariage, j’ai rêvé que j’étais férocement attaquée et mise en pièces par des chiens sauvages. (…) Mais voici le plus révélateur : tu voudrais me posséder. Et mon erreur : je t’aimais et t’ai laissé croire que c’était possible. » 

Lu dans le cadre des challenges Petit bac catégorie musique et 50 états, 50 billets pour le Minnesota 
L'avis d'Aifelle, Jostein, Kathel,
 

mercredi 29 avril 2015

Le sel et le miel - Candi Miller

Par Daphné


Auteur :  Miller Candi
Titre : Le sel et le miel
Langue d’origine : anglais
Traducteur: Marie-Hélène Méjean-Bernaille
Éditeur: j'ai lu
Nombre de pages : 306
Date de parution : 2006

Résumé de l'éditeur:
1958. Dans une Afrique du Sud déchirée par l'apartheid, la jeune Koba, issue d'une tribu du Kalahari, perd ses parents, abattus par des chasseurs blancs. Recueillie par un couple d'Afrikaners, Koba se lie d'amitié puis d'amour avec Mannie, leur fils. Mais dans une société qui prône la ségrégation raciale, il peut se révéler dangereux d'unir les différences.

Mon avis: 
 Voilà un beau roman qui m'a beaucoup touché. En plein apartheid, on découvre deux populations, deux cultures que tout oppose et qui devront cohabiter et apprendre à se connaitre. Koba et Manni, deux enfants de onze ans, représentent ses deux mondes totalement opposés. Pourtant, un lien très fort se tissera entre eux.

Ce roman dénonce la ségrégation et le sort horrible réservé aux tribus du Kalahari. Cependant, à côté de ces horreurs, on découvre de belles choses telles que les traditions de ces tribus ainsi que de magnifiques paysages. et bien entendu, on découvre l'amitié si improbable, qui se tissera entre ces deux enfants malgré leurs différences et malgré que la famille de l'un soit responsable de la mort de celle de l'autre. 

La relation entre ces deux enfants est très belle et évolue au fil du temps en passant de la culpabilité à la  méfiance, de l'amitié à l' amour. La relation qui existe entre Koba et Marta , la mère de Mannie, est également très importante. C'est à Marta que reviendra le soin de prendre soin de la petite fille. En choisissant de maintenir Koba dans une vie la plus proche possible de celle à laquelle l'enfant a été habituée et en essayant de connaitre ses coutumes, Marta fait preuve d'un véritable respect envers le peuple et les origines de Koba. Même si parfois, ses tentatives de comprendre Koba se transforment en maladresse, il n'en reste pas moins que sa démarche est touchante et respectueuse.

Tel le sel et le miel que s'échangent Koba et Mannie et qui scellera leur amitié, ce livre a un côté doux amer et révèle le contraste  entre deux cultures, entre la ségrégation et la découverte de l'autre, entre les deux côtés d'une Afrique du Sud déchirée en deux.

Extrait:
"Qu'est ce que tu fais? demanda t il.
Pensant avoir compris, elle tenta un mot de Mata:
- Goûte, dit elle en montrant un dépôt blanc sur la pierre grise. 
- Qu'est ce que c'est?
elle en gratta un peu avec son ongle.
Ihn, fit elle en lui offrant du sel.
Il en mit un peu sur le bout de sa langue et cracha. Koba se mit à rire. Mannie se renfrogna.
- Ce n'est pas la peine de lécher les rochers, tu sais. Il y a une mine de sel pas très loin. Les Tsongas l'exploitent depuis la nuit des temps. 
il se tut. La fillette n'avait pas compris grand chose à ce qu'il avait dit. Il fit une nouvelle tentative.
-tu aimes? demanda t il en montrant le dépôt.
Koba hocha vigoureusement la tête. 
- Si je t'apportes du sel, tu me donneras du miel?"



Mercredi, c'est le jour des petits: Non et non pas question! - Marie- Isabelle Callier et Annick Masson

Par Daphné




Auteurs : Marie-Isabelle Callier
Titre :non et non pas question
Illustrateur: Annick Masson
Éditeur : Mijade

Résumé:

Jeanne est une petite fille adorable. Elle aime jouer, chanter, danser.  Mais dès que Maman lui demande quelque chose, elle change d'humeur, et ne peut s'empêcher de dire non : NON, NON ET NON !

Mon avis:

Ce livre est le grand coup de cœur de ma fille de trois ans. elle le connait par cœur et me demande souvent de le lui lire.

Jeanne est une petite fille très joyeuse mais qui change d'humeur dés que sa maman lui demande quelque chose et répond toujours "non"...jusqu'au jour où Maman se fâche! Jeanne se fâche encore plus fort et dit à sa maman qu'elle n'est plus sa maman et qu'elle voudrait une autre maman : "celle de Sophie! elle; elle est gentille!". Sa maman l'emmène alors chez Sophie et Jeanne est ravie...jusqu'à la tombée du soir: après avoir joué, il faut tout ranger et Jeanne n'ose pas dire non. Et qui va donc lui faire son câlin du soir si Maman n'est pas là?

Ce petit livre traite des colères d'enfants et de la grande période du "non!". Jeanne, comme tous les enfants, a parfois en elle une petit dragon dont elle ne sait expliquer la présence. Et sa maman s'interroge. C'est tout simplement l'histoire d'une scène de la vie quotidienne des jeunes enfants. La colère de Jeanne est personnalisée par le petit dragon (qui devient un gros dragon lorsqu'elle crie!) et son doudou est d'ailleurs un dragon en peluche.

Les illustrations sont très jolies et fourmillent de détails. Le texte en vers donne un petit côté poétique et rythmé à l'histoire. 

Ma fille, qui adore ce livre, s'identifie parfois à Jeanne en me disant quand elle est en colère "d'ailleurs, tu n'es plus ma maman. Je veux une autre maman. Celle de Sophie. elle, elle est gentille! "  pour aussitôt ajouter: "mais non, maman, c'est Jeanne qui dit ça! Pas moi!". Elle aime aussi me dire lorsqu'elle me retrouve après une absence: "Je suis si contente de te retrouver!" et attend immanquablement que je poursuive : "et toi, tu t'es bien amusée?". Elle aime aussi beaucoup observer les illustrations et remarquer de nouveaux détails. 

Un très joli livre à lire à tous les petits dragons! 









Mercredi, c'est le jour des petits : Petit fantôme - Ramona Badescu et Chiaki Miyamoto

Par Ariane

auteur : Ramona Badescu
illustrateur : Chiaki Miyamoto
titre : Petit fantôme
éditeur : Gallimard jeunesse
nombre de pages : 36p
date de parution : octobre 2007

Présentation de l'éditeur :
Dans la grande armoire, assis au fond du noir, Petit Fantôme attend. Il attend pour sortir, la fin du dernier bruit. Il attend que la lumière soit partie, que le sommeil ait soufflé sur tous les oreillers. La nuit, personne ne le voit, personne ne sait… rien de lui. Personne, sauf le chat. 


Mon avis :
Qu'il est mignon ce petit fantôme ! 
Avec cette histoire pleine de poésie, l'on aborde avec l'enfant ce qui l'effraie la nuit, les bruits inconnus, l'obscurité. 
Les filles ont bien aimé ce petit fantôme qui s'amuse quand tout le monde dort sous l’œil complice du chat de la maison.
Elles ont moins aimé les illustrations et moi aussi. Seul le petit fantôme apparaît clairement, les objets, le chat et les dormeurs apparaissent uniquement par de fins traits multicolores. Qui ne sont pas très visibles lorsque l'on lit le livre le soir à la simple lumière d'une petite lampe de chevet. Ou alors mes filles sont tout aussi myopes que moi ! 
Un joli petit livre.

Lu dans le cadre du challenge Petit bac dans la catégorie mort


mardi 28 avril 2015

Deep winter - Samuel W. Gailey

Par Ariane



Auteur : Samuel W. Gailey

Titre : Deep winter

Genre : roman

Langue d’origine : anglais (américain)

Traducteur : Laura Derajinski

Editeur : Gallmeister

Nombre de pages : 128p

Date de parution : janvier 2015

Présentation de l’éditeur :

Danny ne sait pas quoi faire du cadavre qu’il vient de découvrir le soir même de son anniversaire. Ce corps, c’est celui de Mindy, sa seule amie dans la petite ville de Wyalusing, en Pennsylvanie. Depuis la tragédie survenue dans son enfance qui l’a laissé orphelin et simple d’esprit, tous les habitants de Wyalusing méprisent Danny, le craignent et l’évitent. Immédiatement, l’adjoint du shérif, un homme violent et corrompu, le désigne comme l’assassin, et tout le monde se plaît à le croire. Mais Danny n’est pas prêt à se soumettre. En quelques heures, l’équilibre précaire qui régnait jusqu’ici chavire.

En capturant vingt-quatre heures d’une des plus noires journées de l’Amérique des laissés-pour-compte, ce premier roman doté d’une puissance d’évocation à couper le souffle expose la violence qui gît sous l’eau qui dort.



Mon avis :

Wyalusing est une petite ville comme il y en a tant aux Etats-Unis. Une petite ville loin du rêve américain, loin des buildings des grandes métropoles. Wyalusing est une petite ville où il n’y a pas grand-chose, pour ne pas dire rien. Une petite ville que la plupart des habitants ne quitteront jamais de leur vie, une petite ville où l’employeur principal est un abattoir, une petite ville où règnent l’alcool, la pauvreté et la désillusion.

Voilà pour le décor. Déjà c’est glauque. Idéal pour un roman noir.

C’est dans ce trou paumé que vit Danny, doux géant à l’esprit lent depuis un accident survenu dans son enfance et qui a coûté la vie à ses parents. Depuis, Danny n’a connu que brimade ou indifférence. Seules quelques personnes lui témoignent de l’amitié. Dont Mindy. La gentille blondinette au caractère bien trempé qui avait de grands rêves mais n’a jamais quitté sa petite ville. Ces deux personnages m’en ont rappelé d’autres. Danny m’a rappelé Lenny, l’un des personnages de mon roman favori Des souris et des hommes. Mais Danny et Mindy peuvent aussi rappeler les héros du film Forrest Gump.

Danny est l’innocence personnifiée mais Mindy est assassinée, il est désigné comme le coupable par Sokowski, la brute épaisse qui sert d’adjoint au shérif. Mais le gentil Danny ne veut pas se laisser enfermer et la chasse à l’homme commence.

Une journée et une nuit, dans une forêt, les personnages se poursuivent. Leurs voix se succèdent et chaque personnage incarne un sentiment, une émotion, un trait de caractère : le bon, le lâche, le méchant,… Ce sont des personnages abîmés par la vie, qui portent leurs fêlures secrètement. Des personnages un peu trop clichés pour qu’ils soient réellement attachants.

Quelle injustice dans le sort de Danny ! Quelle accumulation de coups du sort sur ce pauvre garçon. L’accident, la mort de ses parents, le handicap, les brutalités de son oncle, le mépris des habitants de la ville et pour finir la mort de son amie et cette accusation. Cela fait trop peut-être.

Mais malgré cela, le roman se lit avec beaucoup de plaisir, c’est un page-turner très efficace. Samuel W. Gailey est scénariste et cela se ressent dans le roman.

C’est donc une lecture efficace, agréable et prenante. Un bon moment.



Extrait :

«  Il s’approcha de la fenêtre et observa la neige qui tombait et fouettait la vitre, s’y accrochant en couches successives, de plus en plus épaisses jusqu’à ce que la vue dehors devienne floue, toujours plus floue, le monde devenu blanc. La neige était jolie. Elle l’apaisait –elle lui faisait oublier sa transformation en monstre. Très souvent, Danny se tenait dehors pendant une tempête de neige puissante, le visage tourné vers le ciel, et il laissait les flocons glacés atterrir sur ses joues et sa langue. Il aimait la pluie aussi, mais il préférait la neige par-dessus tout. Lever la tête vers le ciel et regarder tomber les flocons l’aidait à oublier ce qui le troublait. »



Lu dans le cadre du challenge petit bac catégorie taille

L'avis de Mimi