Par Ariane
Auteur :
Robert Merle
Titre :
Malevil
Genre :
roman
Langue
d’origine : français
Editeur :
gallimard
Nombre de
pages : 540p
Date de
parution : avril 1972
Présentation de l’éditeur :
Une guerre atomique dévaste la planète, et dans la France
détruite un groupe de survivants s'organise en communauté sédentaire derrière
les remparts d'une forteresse. Le groupe arrivera-t-il à surmonter les dangers
qui naissent chaque jour de sa situation, de l'indiscipline de ses membres, de
leurs différences idéologiques, et surtout des bandes armées qui convoitent
leurs réserves et leur «nid crénelé» ?
Mon avis :
Je clos mon tour d’horizon des lectures post-apocalyptiques
avec, chose rare, un roman français. Il y a même un côté terroir, bien
franchouillard dans ce roman paru en 1972, ce qui contraste étonnamment avec la
plupart des romans du genre.
Enfant, Emmanuel jouait dans l’ancien château de Malevil,
place forte moyenâgeuse du Périgord, en compagnie de ses copains Meysonnier,
Colin et Peyssou. Adulte, il a racheté et réhabilité le château abandonné. Il y
élève des chevaux et cultive des vignes. Le matin de Pâques 1977, alors qu’il
est dans la cave à remplir des bouteilles au fut avec ses amis d’enfance, la
Menou servante du château, Momo le fils attardé de celle-ci et Thomas, jeune
géologue parisien avec qui il s’est lié d’amitié, un bruit assourdissant
éclate, suivi aussitôt d’une chaleur intense. Lorsque le groupe peut enfin quitter la
protection de la cave, ils se rendent compte qu’à l’extérieur tout a brûlé, les
champs, le village, les animaux. Ils ne savent pas comment ni pourquoi, mais la
cause de cette désolation est évidente : une bombe nucléaire. La survie s’organise
alors grâce aux abondantes réserves du château et à quelques animaux
miraculeusement protégés. Emmanuel prend rapidement la direction des
opérations, utilisant à bon escient les capacités et les connaissances de chacun.
Peu à peu, le groupe entre en contact avec d’autres survivants et si certains
se montrent amicaux et s’intègrent au groupe du château, d’autres sont au
contraire très hostiles. La résistance doit donc s’organiser.
Ce qui frappe tout d’abord dans ce roman, c’est la qualité
de la narration, de la langue. Cela se lit admirablement bien. Certains
lecteurs y ont trouvé des longueurs, pas moi. Ou en tout cas, rien qui ne soit
adapté à l’intrigue. L’intrigue est bien construite tout comme les personnages,
auxquels l’auteur donne une véritable personnalité. On s’attache vite à ces
survivants bien sympathiques !
Il y a tout de même quelques bémols. Tout d’abord, le
château renferme quasiment tout ce dont on peut avoir pour survivre après ce
type de catastrophe : des réserves de nourritures, des bêtes qui vont
fournir du lait, de la viande et des œufs, du matériel. Bref tout est à
disposition et ce qui leur manque, ils arrivent à le trouver sans trop de
difficultés après être entrés en contact avec d’autres groupes de survivants.
Ces contacts ne sont pas toujours amicaux, mais là encore le groupe se sort
assez facilement de toutes les difficultés. Un peu trop facilement peut-être ?
Les critiques que j’ai pu lire sur le roman, soulignent
souvent la misogynie de l’histoire. Les femmes âgées sont cantonnées aux travaux
de la maison et les jeunes dispensent leurs faveurs sexuelles, nouvelles Eve
dont on attend qu’elles donnent naissance à une nouvelle génération. C’est
choquant ? Oui. Mais dans un contexte tel que celui-ci, est-ce
compréhensible ? Probablement.
Le groupe des survivants a tout à bâtir. Doit-il
reconstruire sur les ruines de l’ancien monde ou construire un nouveau monde ?
La question se pose, mais la réponse ne leur appartient pas. Fort des
connaissances de l’humanité, le groupe se retrouve pourtant dans la situation
des premiers hommes. Se nourrir, se défendre, se reproduire.
A travers les survivants de Malevil et les autres qu’ils
vont rencontrer, l’auteur aborde de nombreux thèmes : la politique, la
religion, la difficile cohabitation de ces dernières. D’autres lecteurs ont
trouvé que le roman avait vieilli. C’est vrai par certains aspects, ce qui n’a
été en rien dérangeant, mais il peut également être très actuel lorsqu’il parle
d’écologie, de société de consommation,…
Ce fut donc une excellente lecture, intéressante et
passionnante, que je vous recommande.
L'avis de Laure avec qui j'ai partagé cette lecture et toute une année de lecture post-apocalyptique. Merci à toi ! ce fut vraiment plaisant de découvrir toutes ces lectures.
Extrait :
« La nuit commence ce jour de Pâques où l'Histoire
cesse, faute d'objet : la civilisation dont elle racontait la marche a pris
fin. »
« L'homme, c'est la seule espèce animale qui puisse
concevoir l’idée de sa disparition et la seule que cette idée désespère. Quelle
race étrange : si acharnée à se détruire et si acharnée à se conserver. »
« Quand même dit Peyssou, ça te rend méchant, à force,
d'être toujours le pauvre type. Tu as ce brave Caïn qui fait pousser des
carottes et qui les apporte au Seigneur. Ah, ouiche, pas même un regard. Ça te
prouve bien, ajouta-t-il avec amertume, que le Pouvoir, à l'époque, il
s'intéressait déjà pas à l'agriculture. »
« Qu’est-ce qu’il y a de pire pour elle qu’une société
où il n’y a plus rien à consommer ? »
« Dans la société de consommation, la denrée que
l'homme consomme le plus, c'est l'optimisme. Depuis le temps que la planète
était bourrées de tout ce qu'il fallait pour la détruire (et avec elle, au
besoin, les planètes les plus proches), on avait fini par dormir tranquille. »
« A l’École Normale des Instituteurs, nous avions un
professeur amoureux de la madeleine de Proust. Sous sa houlette, j'ai étudié,
admiratif, ce texte fameux. Mais avec le recul, elle me paraît maintenant bien
littéraire, cette petite pâtisserie. Oh, je sais très bien qu'un goût ou une
mélodie vous redonnent, très vif, le souvenir d'un moment. Mais c'est l'affaire
de quelques secondes. Une brève illumination, le rideau retombe et le présent,
tyrannique, est là. Retrouver tout le passé dans un gâteau amolli par une
infusion, comme ce serait délicieux, si c'était vrai. »