Par Ariane
Auteur :
Julie Ruocco
Titre :
Furies
Genre :
roman
Langue
d’origine : français
Editeur :
Actes Sud
Nombre de
pages :288p
Date de
parution : août 2021
Mon avis :
Cette sélection des 68 premières fois me bouscule. Il y a le
livre que j’avais hâte de lire et qui n’aura en fait suscité que peu d’intérêt
(j’en parlerai la prochaine fois) et celui que je n’avais pas du tout envie de
lire et qu’en fait j’ai beaucoup aimé !
Bérénice est archéologue. Mais après la mort de son père,
révoltée par la destruction des Bouddhas de Bamiyan par les talibans, la jeune
femme a délaissé les chantiers de fouille pour le trafic d’antiquités. Alors qu’elle
reçoit un paquet contenant des bijoux antiques extraits de la cité de Palmyre,
une voiture piégée explose. Elle s’en sort sans dommages, mais doit quitter le
pays au plus vite avec son butin. D’autant plus, qu’une femme dans un camp de
prisonniers lui a confié une petite fille. Bien décidée à sauver la fillette,
Bérénice fait la rencontre d’Assim, un pompier syrien qui a aussi été contraint
de fuir son pays.
Julie Ruocco nous raconte l’histoire de trois personnages
liés par le destin. Bérénice et Assim sont imparfaits, tellement humains. Et
cette petite fille qui ne parle pas et dont on ne connait pas le nom. Muette et
anonyme comme les milliers d’enfants, de femmes et d’hommes assassinés par le
régime syrien.
Mais c’est aussi l’histoire d’un peuple, d’une terre, en
grande souffrance. Lors du printemps arabe, les Syriens se révoltent. La
répression a été brutale et le pays bascule dans la guerre civile. Les passages
consacrés à Assim, les scènes auxquelles il a assisté ou juste ce qu’il nous
laisse comprendre, sont absolument terribles. Il m’a parfois fallu faire des
pauses tant l’émotion était forte. Colère, peur, tristesse, révolte, … Et
honte. Honte, face à l’inaction de la communauté internationale. J’ai lu ce
roman peu après le début de la guerre en Ukraine, alors forcément, les émotions
étaient exacerbées. La honte et la colère aussi. La solidarité s’est organisée
pour aider autant que possible les Ukrainiens, pourquoi tant d’indifférence
face aux souffrances identiques que connaissent les Syriens ?
Et il y a les furies… ces femmes qui ont pris les armes, qui
se battent pour la liberté, pour leur peuple, pour l’avenir. Je ne suis qu’admiration
devant leur force et leur courage.
On est d’accord, avec un tel sujet, ce n’est pas une lecture
facile. C’est un livre qui bouscule, qui dérange, qui fait mal, qui prend aux
tripes. Et pourtant il est beau et nécessaire. Depuis que je l’ai lu, je l’ai
conseillé à une dizaine de personnes et en y repensant, l’émotion est toujours
aussi intense. Incroyable quand même ce que certains écrivains arrivent à faire
avec des mots…
Extraits :
« Il se souvenait. Partout ça avait été une grande
clameur. Une énergie foudroyante et contagieuse à la fois s'était emparée de
tout le pays. Comme un feu qui prend dans une forêt que l'on a asséchée trop
longtemps. Toutes les consciences s'étaient réveillées n même temps. Femmes et
hommes avaient relevé la tête au son de la même musique. Un rythme
imperceptible d'abord, comme un froissement d'ailes, un murmure d'enfant perdu
dans la foule. Et puis, ça avait enflé comme une vague, claqué dans l'air comme
un tambour. Pour la première fois, ils avaient osé se regarder et ils étaient
sorties pour laver une vie d'injures et de crachats »
« De plus en plus souvent, la colère prenait le pas sur
le désespoir. Comment un pays pouvait-il se transformer en charnier dans
l’indifférence des nations ? La révolution n’avait-elle pas eu lieu ? Ne
s’étaient-ils pas révélés dans toute leur force, dans tout leur courage ? Ils
avaient appelé le monde et le monde n’avait pas répondu. »
« Sans justice et sans mémoire, nous nous condamnons
éternellement à être tour à tour victime puis bourreau. »
« Nos camarades seront plus patients que les bourreaux
et plus rapides que leur lame. Nous y arriverons, tu m’entends ? Parce que
notre courage n’est pas celui des vainqueurs, il est celui des renaissances. »