Auteur : Fabienne Juhel
Titre : La chaise numéro 14Genre : roman
Langue d’origine : français
Editeur : Le Rouergue
Nombre de pages : 288
Date de parution : 2015
Présentation de l’éditeur :
À la fin de la seconde guerre mondiale, à Saint-Brieuc, la jeune Maria Salaun est tondue par son ami d'enfance, Antoine, pour avoir vécu une histoire d'amour avec un officier allemand. Le commando de maquisards, débarquant dans une Jeep de l'armée américaine, impose à la jeune fille l'humiliation publique, en l'asseyant sur une chaise de bistrot, dans la cour de l'auberge de son père, devant la foule friande de spectacle.
Maria n'oppose aucune résistance, sauf celle de se présenter devant eux pieds nus, dans une robe de mousseline blanche, sa flamboyante chevelure rousse déployée. Sans pleurer ni baisser les yeux, elle se laisse tondre.
Mais la honte va bientôt passer dans l'autre camp. Six noms sont sur sa liste...
Mon avis :
Si j'ai lu beaucoup de livres sur la seconde guerre
mondiale et les années qui ont suivies, je n'avais encore rien lu sur les
femmes ayant été tondues pendant la libération. C'est un thème, il me
semble rarement abordé dans la littérature, ou, du moins pas de manière
profonde. Ici, le livre entier tourne autour de la honte, honte de la femme
tondue mais également honte qu'elle tente d’infliger à ceux qui
ont contribué à cet acte. Maria réclame le pardon et elle l'obtiendra. Armée
seulement d'une chaise et d'une robe de fiançailles, elle rend cette honte à
ceux qui l'ont puni d'avoir aimé un ennemi en tant de guerre.
La vengeance est également un thème central du roman. Vengeance de Maria mais aussi d'Antoine, son ami d'enfance qui a organisé lui même la tonte. Car au fond, a t-il vraiment puni Maria pour avoir aimé un allemand ou l'a t-il fait pour se venger du fait qu'elle n'ai pas voulu l'épouser? Vengeance également d'un peuple qui a souffert et qui transfère sa colère sur des femmes coupables d'avoir aimé.
Alors que l'histoire pourrait sembler teintée de noirceur, les couleurs y tiennent cependant une grande place. Couleur des cheveux de Maria, cette couleur rousse qui a attiré tant de préjugés sur elle. Couleur de la chaise, dont la teinte s'étiole sans aucune explication. Il semble y avoir un certain parallélisme entre la couleur de ma robe de fiançailles et celle dont se teinte la chaise ainsi qu'entre la chevelure de Maria et la saison de l'automne qui s'installe peu à peu. L'écriture assez particulière de Fabienne Juhel, écriture très sensitive, parait tant insister sur ces couleurs qu'il m'a semblé les voir tout au long du livre. A mes yeux, ce roman est ainsi coloré de toutes les nuances de roux et de blanc.
Si Maria peut d'abord paraître froide et distante, son personnage a su me toucher. C'est d'une manière subtile et respectueuse, sans tomber dans le jugement, que l'auteur aborde le thème délicat des femmes ayant été tondues lors de la libération. Un livre à découvrir.
Extrait :
Elle avait dit "non" avec ses yeux grands ouverts qui voyaient le ciel - personne ne pouvait l'en empêcher -, les goélands, les nuages et, à travers le battement de ses cils, les fourmis sur le pavé, d'autres insectes caparaçonnés dont elle ignorait le nom mais qui, à cet instant, la passionnaient follement parce qu'ils l'emportaient dans leur monde minéral et souterrain. Un monde où un grain de poussière pouvait provoquer de véritables éboulis tandis que les catastrophes humaines devenaient, à l'échelle de ces insectes, des mythes.
Elle avait dit "non", mâchoire serrée, entre ses dents. Elle avait dit "non" adossée à sa chaise avec la barre cintrée qui lui sciait les omoplates, imprimait un sillon dans ses chairs.
Surtout, Maria Salaün avait dit "non" avec la robe blanche de fiançailles de sa mère.
Parce qu'on pouvait dire "non" de toutes ses forces, sans crier."
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