Auteur :
Luca di Fulvio
Titre :
Les enfants de Venise
Genre :
roman
Langue
d’origine : italien
Traducteur :
Françoise Brun
Editeur :
Slatkine & Cie
Nombre de
pages : 798p
Date de
parution : mai 2017
Présentation de l’éditeur :
Après l’Amérique des années 20, c’est cette fois-ci la
Venise de la Renaissance que l’auteur va choisir comme cadre et comme ancrage
de son récit ; un récit à couper le souffle qui reprend certains motifs
déjà présents dans le Gang des rêves. Des jeunes gens qui feront tout
pour réaliser leurs rêves les plus fous; l’amour qui s’affranchit de tous les
obstacles, même les plus insurmontables; la misère et la violence sociale en
toile de fond, mais décrite toujours avec justesse et sans voyeurisme; la
question, enfin, de l’identité et de l’être au monde. Pour porter l’intrigue
aux multiples rebondissements, le narrateur se démultiplie, l’histoire est
racontée par plusieurs personnages, dont les destins sont irrémédiablement
liés : un jeune voyou, pickpocket à ses heures perdues, une jeune fille
juive qui possède un talent singulier et sans limites, son père enfin, avec qui
elle entretient une relation difficile mais pleine d’amour…
Mon avis :
Après mes coups de cœur pour les romans d’Elena Ferrante et
Golliarda Sapienza, c’est un nouveau coup de cœur pour un auteur italien que je
vous présente aujourd’hui. Je crois que je vais m’intéresser d’un peu plus près
à la littérature italienne !
Mercurio, Benedetta, Zolfo et Ercole sont des gamins des
rues de Rome. Un jour ils détroussent Shimon, un marchand juif. Lorsque
celui-ci les retrouve quelques semaines plus tard, une altercation a lieu au
cours de laquelle le marchand est grièvement blessé et Ercole meurt. Persuadés
que le marchand est mort, Mercurio et les deux autres fuient Rome en direction
de Venise. C’est au cours de leur trajet, qu’ils font la connaissance du capitaine
Lanzafame d’Isacco et de sa fille Giuditta dont Mercurio tombe amoureux. Ils
ignorent que Shimon, devenu muet suite à sa blessure, les suit bien décidé à se
venger.
C’est un vrai roman, au sens littéral du terme, avec une
histoire romanesque, pleine de péripéties, de nombreux personnages, une
histoire d’amour, une histoire de haine, une histoire de vengeance, une
histoire de famille, une histoire de rencontre, une histoire de rédemption. Certains
lui reprocheront peut-être sa facture trop classique, il est vrai que malgré
les nombreuses péripéties, il n’y a pas vraiment de surprise, mais tout
fonctionne extrêmement bien. L’histoire, les personnages, la narration tout est
parfaitement maîtrisé.
Comment ne pas s’attacher à Mercurio, ce jeune voleur au
grand cœur ? A Isacco qui n’hésite pas à s’opposer à tous pour soigner
celles que tout le monde rejette ? Au capitaine Lanzafame ce militaire qui
se débat avec ses démons mais se range toujours du côté de la justice ? Et
à tous les autres, Anna en qui Mercurio trouvera la mère qui lui a toujours
manqué, Giuditta la jeune amoureuse, Zuan le vieux marin qui ne peut abandonner
son vieux navire… J’ai aimé tous ces personnages, y compris les personnages plus
sombres Benedetta, Zolfo, le frère Amedeo, Scarabello, Shimon dont l’auteur
nous dévoile les fêlures. Ce sont tous de magnifiques personnages.
Outre l’histoire de tous ces personnages, j’ai aimé le cadre
de Venise au début du 16ème siècle. L’auteur nous plonge dans le
quotidien de cette ville mythique et mystérieuse, nous en dévoilant les fastes
et les misères. J’ai appris beaucoup de choses sur l’organisation de la cité,
la vie quotidienne de ces habitants riches et pauvres, le ghetto dans lequel
les Juifs sont obligés de vivre.
Toutefois au niveau du réalisme historique un point m’a
dérangée : la boutique de Giuditta. Bon, je ne suis pas une spécialiste de
l’histoire de Venise, ni de l’histoire du vêtement ou du commerce (non ma
spécialité, ce sont les conflits religieux en France aux 17ème et 18ème
siècles). Giuditta donc dessine des bonnets puis des vêtements, qui sont vendus
ensuite dans une boutique avec vitrine, cabine d’essayage et robes prêtes à
porter au 16ème siècle. Alors là je dis non, juste non. Certes cette
boutique est une nouveauté et suscite un certain étonnement, mais ce n’est
absolument pas crédible. J’ai d’ailleurs repéré une autre incohérence :
les enfants siamois de Paolo. Il est impossible que des siamois soient de sexe
différent. Enfin bon, ce ne sont là que des points de détail qui ne gâtent en
rien la lecture, même s’ils m’ont fait grincer des dents sur le moment !
C’est donc une excellente lecture, romanesque à souhait, que
je vous conseille sans hésitation ! Quant à moi, après un tel coup de coeur, je ne vais pas attendre avant de découvrir le précédent roman de Luca di Fulvio, Le gang des rêves.
Extraits :
« La vérité n'a
pas la moindre importance. Ce qui compte, c'est ce qu'on affirme, en dépit même
de l'évidence. Des jeunes gens de bonne famille, à Rome, sont ordonnés évêques
ou cardinaux à quinze ans parce qu'un jour ils deviendront papes. On ne demande
pas à ces jeunes gens ou à ces papes de ne pas avoir des bataillons de
maîtresses ou de ne pas se livrer à la perversion, mais simplement d'affirmer
le contraire. Et tout l'apparat est là pour le confirmer. Rappelle-toi : dans
notre monde, la vérité est celle qu'écrivent les puissants. En soi, elle
n'existe pas. »
« La vie est simple. Quand elle devient compliquée, ça
veut dire qu’on se trompe quelque part. Ne l’oublie jamais. Si la vie devient
compliquée, c’est parce que c’est nous qui la compliquons. Le bonheur et la
souffrance, le désespoir et l’amour sont simples. Il n’y a rien de difficile. »
« - J'ai vu naître un navire, répondit Mercurio… Et
j'ai compris que rien ne ressemble autant à... la liberté qu'un navire. »
« Ils avaient l’air de trois chiens perdus, comme ceux
qui errent dans les rues de Rome lorsqu’il fait nuit noire, la peau sur les os,
prêts à dresser le poil au moindre bruit et à s’enfuir devant une ombre. Comme
eux, ils retroussaient les babines, espérant passer pour des bêtes féroces,
alors qu’ils n’avaient qu’une peur : prendre des coups. Mercurio savait ce
qu’ils ressentaient. Parce qu’il le ressentait aussi. »
« Il n'y a pas de rêves trop grands... »
Ah oui les incohérences, c'est étrange, car l'auteur a sans doute bien cherché (mais le prêt à porter, ça me parait beaucoup plus récent)
RépondreSupprimerPour moi, ça a suivi la Révolution Industrielle, avant ça les vêtements étaient faits maison ou achetés chez des fripiers pour la plupart, et seuls les plus riches faisaient appel à un tailleur, et les couturières, dentellières et autres faisaient le boulot.
SupprimerJe ne me sens pas très attirée par cet auteur, mais tu vas finir par me convaincre !
RépondreSupprimerJ'espère bien !
SupprimerJ'ai trouvé au Gang des rêves un peu trop de grosses ficelles romanesques, et là, j'ai l'impression que ça m'agacerait encore. Les incohérences que tu relèves sont assez incroyables : mais que fait l'éditeur ?
RépondreSupprimerJe n'ai pas lu Le gang des rêves, toutefois dans celui-c les ficelles romanesques sont aussi évidentes. Le roman ne brille pas par son originalité mais pourtant il a quelque chose qui en fait une lecture magnifique.
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