Auteur: Barbara Kingsolver
Titre: "Les yeux dans les arbres"
Genre: roman
Langue d'origine: anglais (États-Unis)
Traducteur: Guillemette Belleteste
Éditeur: Payot et Rivages
nombre de pages: 660
Date de parution:1998
Présentation de l'éditeur:
Nathan Price, pasteur baptiste américain au fanatisme redoutable, part en mission au Congo belge en 1959 avec sa femme et ses quatre filles. Ils arrivent de Géorgie dans un pays qui rêve d'autonomie et de libertés. Tour à tour, la mère et les quatre filles racontent la ruine tragique de leur famille qui, même avec sa bonne volonté et ses croyances de fer, ne résiste à rien, ni à la détresse, ni aux fourmis, ni aux orages...ni aux Saintes Ecritures.
Mon avis :
Un roman à cinq voix, intense et
profond, qui nous conte l’histoire tragique d’une famille sur un
fond historique. Ce livre a été pour moi un véritable coup de
cœur. On ne peut que s’indigner, en même temps que l’auteur, du
rôle joué par l’Occident lors de l’indépendance du Congo. On
s'attache à cette famille, dont le drame se jouera parallèlement
à celui du Congo. Ce livre nous interroge sur la maîtrise que l'on
a sur sa propre vie, sur les évènements. Chaque personnage prend la
parole avec un style et une sensibilité totalement différents.
Orleanna, la mère est la seule qui
raconte son histoire avec du recul, des années plus tard. Elle nous
parle de son ressenti de mère et d' épouse mais également du drame
historique qui s'est joué si près d'elle et dont elle n'a pris
conscience que des années plus tard.
Ses quatre filles, quand à elles, nous
livrent leurs ressentis en temps et en heure, au moment où l'histoire
se déroule. Avec un style d'écriture et un
caractère très différents, elles nous livrent leur point de vue.
Nous découvrons ainsi Rachel, l'aînée, personnage frivole et insouciant, Leah et Adah, les jumelles surdouées, prises au piège
dans une relation complexe et Ruth May la petite dernière.
Le personnage du père, bien qu'il ne
prête pas sa voix à ce récit, est également très présent. Son
fanatisme et sa violence nous glacent.
Les relations qui existent entre les
personnages sont profondément bien transmises : la relation de
domination entre Nathan et Orleanna ; la relation si complexe
entre Adah et Leah, si différentes malgré leur gémellité et
entravée par le handicap de Adah ; la relation entre Leah et
son père qu'elle admire tant avant de se rendre compte peu à peu de
la folie qui l'anime ; la relation des membres de la famille
avec Rachel, toujours à contre courant ; la relation entre
Orleanna et ses enfants, particulièrement celle avec Ruth May, sa
petite dernière , sa préférée. Et enfin cette relation entre chaque
personnage et le Congo, Congo qui est décrit comme une véritable
personne et qui marquera à jamais chaque membre de la famille d'une
manière totalement différente.
J'ai beaucoup aimé l’histoire et
l’écriture. Le Congo, tout comme les sentiments des personnages, est
magnifiquement décrit. Je me suis régalée des palindromes d'Adah,
de sa relation si spéciale aux mots et à la lecture.
Pour moi, ce livre reste mon préféré,
celui que je relis régulièrement, qui me donne toujours à
réfléchir et dont je connais plusieurs passages par cœur. Un
livre magnifique, à découvrir absolument !
Extraits:
« Envisage même une Afrique qui
n’aurait pas été conquise. Imagine ces premiers aventuriers
Portugais aux approches du rivage, scrutant les abords de la jungle à
travers leur longue vue de cuivre ajustées. Imagine que par quelque
miracle de peur ou de respect, ils aient abaissé leurs lunettes,
fait demi-tour, hissé les voiles et repris la mer. Imagine que tous
ceux qui sont venus après en aient fait autant. Que serait
maintenant l’Afrique ? »
« C'est ainsi qu'il en est du
premier- né, quel que soit le genre de mère auquel on
appartienne_riche, pauvre, épuisée ou heureuse et satisfaite. Un
premier enfant, c'est le premier pas qui coûte et comme tu les encourage ces petits pieds tandis qu'ils s'élancent. Tu guettes la précocité dans les moindres recoins de chair et la crie sur tous
les toits.
Mais le dernier : le bébé qui
traîne son odeur comme un drapeau de reddition dans ta vie parce
qu'il n'y en aura pas d'autres à venir-oh, c'est l'amour au nom
différent. C'est l'enfant que tu tiens dans tes bras pendant une
heure après qu'elle se soit endormie. Si tu la déposais dans son
berceau, elle pourrait se réveiller autre et s'envoler. Alors tu te
balances auprès de la fenêtre, buvant la lumière de sa peau,
respirant aux rêves qu'elle exhale. Ton cœur gémit au double
croissant de lune de ses cils abaissés sur ses joues. Elle est celle
que tu ne peux te résoudre à poser. »
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