samedi 2 mai 2015

Le roi n'a pas sommeil - Cécile Coulon

Par Ariane


Auteur : Cécile Coulon

Titre : Le roi n’a pas sommeil

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : Viviane Hamy

Nombre de pages : 200p

Date de parution : janvier 2012

Présentation de l’éditeur :

« Ce que personne n’a jamais su, ce mystère dont on ne parlait pas le dimanche après le match, autour d’une bière fraîche, cette sensation que les vieilles tentaient de décortiquer le soir, enfouies sous les draps, ce poids, cette horreur planquée derrière chaque phrase, chaque geste, couverte par les capsules de soda, tachée par la moutarde des hot-dogs vendus avant les concerts de blues ; cette peur insupportable, étouffée par les familles, les écoliers, les chauffeurs de bus et les prostituées, ce que personne n’a pu savoir, c’est ce que Thomas avait ressenti quand le flic aux cheveux gras était venu lui passer les bracelets, en serrant si fort son poignet que le sang avait giclé sur la manche de sa chemise. »

Tout est inscrit dans cette première phrase : le silence qui étouffe et tue, le poids des regards, l’irrémédiable d’un destin, celui d’un enfant sage, excellent élève, devenu un adolescent taciturne et ombrageux. Thomas Hogan aura pourtant fait l’impossible pour exorciser ses démons intérieurs – les mêmes qui torturaient déjà son père.

Cela avait commencé avec la folle passion que William, le père, portait à LA propriété, un éden sauvage de quelques trois hectares où les sapins « semblaient danser les uns avec les autres », où l’homme ne venait plus, où « les arbres, les massifs de fougères, quelques framboisiers sauvages et des centaines de fleurs des bois » étaient le domaine de la lumière, des biches et des cerfs. Il l’avait achetée, y travaillait âprement mais ses économies n’y suffisaient pas. Certes, sa femme, Mary, l’aidait, le réconfortait : « Elle sentait bon, ses doigts glissaient sur lui à la manière des rondins de bois qui dévalent une cascade sans jamais se retourner. » Il accepta tous les boulots, s’épuisa, le jour à la scierie, la nuit à la gendarmerie, à trier jusqu’au cauchemar les fiches d’identification de meurtriers, notamment celles des assassins d’enfants… Est-ce cette proximité avec le crime ? Il est sombre, violent, parle peu.

Et Thomas est né. Généreux, rieur, bon élève, il apparaissait fragile et vulnérable, l’opposé de son père. Ainsi, en dépit de l’alcool, de la fatigue lancinante, de la violence, la vie semblait possible et belle… Jusqu’à l’accident : à la scierie, la machine a dérapé, broyé une main ; et la gangrène, avide, a emporté William Hogan sans qu’O’Brien, l’ami médecin, ait pu faire quoi que ce soit.

À quel moment Thomas, le fils, a-t-il basculé ? Lorsque Paul, l’ami d’enfance, son alter ego, l’a trahi pour rejoindre la bande de Calvin ? Lorsqu’il a découvert le Blue Budd, le poker et l’alcool de poire ? Lorsque Donna, l’assistante du Doc’ l’a entraîné derrière la scierie maudite ?



Mon avis :

J’ai repéré ce livre dans la PAL de Jostein et lui ai proposé une lecture commune. Bonne idée ! Je ne connaissais pas vraiment cette jeune auteure dont j’avais à plusieurs reprises entraperçu le nom, mais sans me pencher plus que cela sur son travail. Et cela aurait été vraiment dommage de passer à côté.

Dans ce roman Cécile Coulon nous plonge dans une petite ville typique des Etats-Unis. On ne sait pas vraiment où on est mais peu importe, cette petite ville on la visualise parfaitement. Parce qu’on la connaît depuis longtemps grâce à la littérature et au cinéma.

C’est le genre de petite ville où il n’y a pas d’avenir, si ce n’est celui de suivre le même chemin que ses parents et leurs parents avant eux. C’est une petite ville où l’on étouffe, où l’on s’ennuie.

C’est le genre de petite ville qui se prête facilement aux tragédies. Et ce roman est le récit d’une de ces tragédies. Le destin de William Hogan, porte en germe celui de Thomas, le fils.  

Il n’y a pas d’explications du mal-être et du malheur de Thomas, si ce n’est le déterminisme familial. La mère n’est pas dupe et reconnaît ce regard hanté, tout comme Puppa, ami de la famille qui dès l’enfance a repéré chez Thomas l’ombre de la violence et de la colère paternelles.

L’auteur est particulièrement douée pour créer des ambiances, dresser le portrait des personnages. Mais je ne suis toutefois pas totalement séduite, il m’a manqué un petit quelque chose. Peut-être une certaine incompréhension devant l’inéluctabilité du destin de Thomas.

Pourtant, j’ai été conquise par l’indéniable talent de Cécile Coulon. Un style impressionnant chez une si jeune auteur, une écriture précise, fulgurante et percutante dans laquelle l’on sent l’influence des auteurs américains, Steinbeck en tête, dont une citation est placée en exergue. Je trouve ça fascinant de voir un tel talent chez une auteur si jeune et je suis impatiente de voir ce talent grandir et s'épanouir.

J’ai très envie désormais de découvrir les autres romans de l’auteur et cela va être très vite fait puisque son dernier roman est dans ma PAL. 

 J'ai lu ce livre en lecture commune avec Jostein



Extrait :

« Le soir, les ouvriers descendaient jusqu’au centre-ville, en file indienne, dans leurs salopettes sales : on aurait cru une chenille géante. Leurs visages étaient blancs de poussière, leurs mains épaisses. Ils s’arrêtaient à l’épicerie prendre les commandes du matin.

Pendant des années, William Hogan avait fait partie de la petite troupe ; Puis il avait dirigé une petite équipe de six ouvriers, amis depuis l’école maternelle. Ces types avaient grandi ensemble : des plantes dont les racines s’entrelacent et ne peuvent jamais s’arracher les unes des autres. Puppa n’échappait pas à la règle. Ses poings avaient cogné les mêmes visages, fait trembler les mêmes épaules. Il ne savait pas à quoi ressemblait la mer, les trottoirs des villes et les enseignes aux couleurs aveuglantes. Il n’avait jamais vu d’animaux tropicaux, il ne connaissait pas le goût des crevettes. Les autres non plus. Et ça ne les dérangeaient pas. Ils vivaient de ce qu’on leur avait montré dans leur enfance, attachés à leur terre telles de jeunes pousses à un sol humide. Ils n’avaient pas besoin du reste du monde pour s’en sortir dignement. »

2 commentaires:

  1. Je n'ai pas encore lu le dernier mais le précédent paru chez Viviane Hamy aussi m'a bien plu.

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    1. Je viens de lire le dernier qui me plaît encore plus que celui-ci !
      Ariane

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