Dans un précédent billet je parlais du fameux classement établi par l'émission la Grande Librairie suite aux réponses des téléspectateurs et internautes à la question "quel livre a changé votre vie ?". J'avais alors évoqué les livres ayant marqué mon parcours de lectrice citant 20 livres ayant particulièrement compté à mes yeux. Des livres qui ont façonné mon amour de la lecture, des livres qui ont contribué à forger ma vision du monde, des livres qui m'ont aidée à avancer, des livres qui ont marqué une étape particulière de ma vie. Bien sûr cette liste n'était pas exhaustive, je m'étais limitée à 20 pour me conformer au classement établi par l'émission.
J'ai donc eu l'idée de présenter une fois par mois l'un de ces livres chers à mon coeur. Bien sûr il m'arrive parfois d'avoir un nouveau gros coup de coeur pour un livre qui vient alors s'ajouter à la liste existante mais je ne parlerai dans ce rendez-vous que de mes lectures passées, les lectures d'avant le blog.
Pour ce premier rendez-vous il était évident pour moi de parler du livre sans doute le plus cher à mes yeux. Mon livre doudou en quelque sorte, celui vers lequel je reviens régulièrement avec toujours un plaisir renouvelé.
J'ai lu ce livre pour la première fois à l'âge de 14 ans. Une lecture imposée par une professeur de français au collège. Si j'ai toujours été une lectrice acharnée, je détestais, et déteste encore, que l'on m'impose une lecture. Je n'étais donc pas vraiment disposée à lire ce livre. Mais je n'avais pas le choix n'est-ce-pas ? Il a bien fallu que je m'y colle de mauvaise grâce. Ce fut une révélation. J'ai découvert la littérature avec ce roman. Jusqu'alors je lisais principalement des romans pour enfants ou adolescents mais sans jamais réellement m'attacher aux qualités littéraires ni chercher une portée symbolique ou philosophique. Un nouvel univers s'est dévoilé à moi grâce à ce livre, un univers qui m'a apporté beaucoup de plaisir au fil des années.
Ce n'est pas forcément facile pour moi de présenter ce livre que j'aime tant, il y a tant de choses que j'aimerai dire !
Des souris et des hommes - John Steinbeck
Auteur : John Steinbeck
Titre : Des souris et des hommes
Genre :
roman
Langue
d’origine :américain
traducteur : M.-E. Coindreau
Éditeur: pocket
nombre de pages
date de parution : avril 1996 (1ère parution 1937)
Synopsis :
L'histoire de Lennie, colosse innocent, et de George, deux ouvriers
migrants liés par une solide amitié, sillonnant les routes de Californie
des années trente à la recherche d'un travail.
Mon avis :
Dans son introduction à ce roman, le traducteur Maurice Edgar Coindreau écrivait " On ne sait ce qu'il convient de louer davantage dans ce petit chef-d’œuvre d'intense sobriété. Tout y est à sa place et il n'y a pas un mot de trop. La rudesse indispensable n'y prend jamais l'allure de basse vulgarité ; le réalisme des personnages est voilé par la poésie du rêve ; la sentimentalité s'arrête juste au moment où l'on pourrait craindre qu'elle ne devînt de la sensiblerie, et la couleur locale, très pittoresque, sait éviter les ton criards de la carte postale en couleurs. Quant au récit il est mené avec une rapidité qui tient plus de l'art dramatique que du roman."
Mon avis :
Dans son introduction à ce roman, le traducteur Maurice Edgar Coindreau écrivait " On ne sait ce qu'il convient de louer davantage dans ce petit chef-d’œuvre d'intense sobriété. Tout y est à sa place et il n'y a pas un mot de trop. La rudesse indispensable n'y prend jamais l'allure de basse vulgarité ; le réalisme des personnages est voilé par la poésie du rêve ; la sentimentalité s'arrête juste au moment où l'on pourrait craindre qu'elle ne devînt de la sensiblerie, et la couleur locale, très pittoresque, sait éviter les ton criards de la carte postale en couleurs. Quant au récit il est mené avec une rapidité qui tient plus de l'art dramatique que du roman."
Que j'aurai aimé écrire ces phrases exprimant si justement ce que je ressens ! Tout est en effet si juste dans ce roman. Chaque mot est à sa place, chaque phrase une pépite. A chaque fois je suis saisie par la beauté et la poésie de ce texte. Malgré plus d'une dizaine de lectures l'effet reste le même, je suis subjuguée et je ressens chaque émotion aussi intensément que la première fois.
Les personnages sont magnifiquement décrits. Les mots de Steinbeck donnent corps et vie à chacun d'eux. Malgré la brièveté du roman chacun d'entre eux a une réelle profondeur. Les deux personnages principaux bien sûr l'innocent colosse Lennie et le teigneux maigrichon George. Une amitié improbable entre ceux deux hommes, mais une amitié profonde et indéfectible. George a voué sa vie à Lennie, sans ce géant attaché à ses pas "ce que la vie serait facile ! J'pourrais me trouver un emploi et travailler. J'aurai pas d'embêtements." Pourtant il reste avec lui, il l'aide et le protège, veille sur lui tel un ange-gardien au sale caractère. Et Lennie ce doux géant idiot à la force herculéenne, inconscient de sa force, incapable de comprendre la différence entre le bien et le mal, adorant plus que caresser la douce fourrure des souris, pauvres bêtes écrasées par ces grandes paluches. Ce personnage innocent est attachant comme un enfant. Tous deux rêvent d'un avenir meilleur, de ne plus vivre de travail saisonnier mais de s'installer dans une ferme et d'élever des lapins à la douce fourrure. La simplicité et la pureté de leur amitié m'ont toujours plu.
Tous les personnages me touchent à leur manière même si j'ai toujours ressenti une sympathie profonde pour Candy, le vieil homme si attaché à son chien et qui lui aussi va se mettre à rêver de ce petit lopin de terre, ainsi que pour Crooks, le palefrenier noir que tous regardent avec mépris, isolé à cause de la couleur de sa peau.
Tant de thèmes se mêlent dans ce court roman. En à peine 150 pages John Steinbeck nous livre un texte incroyablement riche. C'est une tragédie. Le drame final semble joué dès le départ, presque annoncé. Les faibles et les innocents sont mis de côté ou sacrifiés, seuls les plus forts survivent. Et le rêve s'écroule ne laissant plus qu'une réalité triste et une vie solitaire.
Ce livre est une merveille, un roman fort et tragique, une perle véritablement.
Extrait :
Comment choisir un extrait de ce roman où chaque passage est, à mes yeux, si parfait ? Je choisis donc un passage illustrant la beauté de l'amitié de George et Lennie :
Extrait :
Comment choisir un extrait de ce roman où chaque passage est, à mes yeux, si parfait ? Je choisis donc un passage illustrant la beauté de l'amitié de George et Lennie :
"La voix de George se fit plus grave. Il répétait ses mots sur un certain rythme, comme s'il avait déjà dit cela plusieurs fois.
- Les types comme nous, qui travaillent dans les ranches, y a pasplus seul au monde. Ils ont pas de famille. Ils ont pas de chez-soi. Ils vont dans un ranch, ils y font un peu d'argent, et puis ils vont en ville et ils le dépensent tout... et pas plus tôt fini, les v'là à s'échiner dans un autre ranch. Ils ont pas de futur devant eux.
Lennie était ravi.
- C'est ça... c'est ça. Maintenant, raconte comment c'est pour nous.
George continua :
- Pour nous c'est pas comme ça. Nous, on a un futur. On a quelqu'un à qui parler, qui s'intéresse à nous. On a pas besoin de s'asseoir dans un bar pour dépenser son pèze, parce qu'on a pas d'autre endroit où aller. Si les autres types vont en prison, ils peuvent bien crever, tout le monde s'en fout. Mais pas nous.
Lennie intervint.
- Mais pas nous ! Et pourquoi ? Parce que... parce que moi, j'ai toi pour t"occuper de moi, et toi, t'as moi pour m'occuper de toi, et c'est pour ça.
Il éclata d'un rire heureux.
- Continue maintenant, George !
- Tu l'sais par coeur. Tu peux le faire toi-même.
- Non, toi. Y a toujours des choses que j'oublie. Dis-moi comment ce sera.
- Ben voilà. Un jour, on réunira tout not'pèze, et on aura une petite maison et un ou deux hectares et une vache et des cochons et ...
- On vivra comme des rentiers, hurla Lennie. Et on aura des lapins. Continue, George. Dis-moi ce qu'on aura dans le jardin, et les lapins dans les cages, et la pluie en hiver, et le poêle, et la crème sur le lait qui sera si épaisse qu'on pourra à peine la couper. Raconte-moi tout ça, George.
- Pourquoi tu le fais pas toi-même, tu le sais tout.
- Non... raconte, toi. C'est pas la même chose si c'est moi qui le fais. Continue... George. Comment je soignerai les lapins ?
- Eh bien, dir George, on aura un grand potager, et un clapier à lapins, et des poulets. Et quand il pleuvra en hiver, on dira : l'travail, on s'en fout ; et on allumera le feu dans le poêle, et on s'assoira autour, et on écoutera la pluie tomber sur le toit..."
C'est un roman que j'aimais faire lire aux élèves de Troisième. C'est aussi une lecture marquante de ma jeunesse.
RépondreSupprimerC'était probablement en 3ème que je l'ai lu. Merci à ma prof !
SupprimerAriane