mardi 22 septembre 2015

La maladroite - Alexandre Seurat

Par Ariane


Auteur : Alexandre Seurat
Titre : La maladroite
Genre : roman
Editeur : éditions du Rouergue
Nombre de pages : 112p
Date de parution : août 2015

Présentation de l’éditeur :

Tout commence par un avis de recherche, diffusé à la suite de la disparition d'une enfant de 8 ans. La photo est un choc pour une institutrice qui a bien connu cette gamine. Pour elle, pas de doute : cette Diana n'a pas été enlevée, elle est déjà morte, et ses parents sont coupables. Remontant le temps, le roman égrène les témoignages de ceux l'ayant côtoyée, enseignants, grand-mère et tante, médecins, assistants sociaux, gendarmes...
Témoins impuissants de la descente aux enfers d'une enfant martyrisée par ses parents qui, malgré les incitations à parler de plusieurs adultes, refusera de les dénoncer. Ce roman est inspiré par un fait divers récent largement médiatisé car, en dépit de plusieurs signalements, l'enfant n'avait jamais bénéficié de protection. Loin de tout sensationnalisme, l'auteur rend sa dimension tragique à ce drame de la maltraitance.



Mon avis :

Comment parler de ce livre ? Pas facile de trouver les mots pour parler d’une histoire qui fait si mal. 
Comme tant d’autres, Alexandre Seurat a été profondément bouleversé par le calvaire enduré par la petite Marina, assassinée par ses parents après des années de sévices en 2009. Une affaire qui au-delà de l’émotion suscitée par le drame vécu par l’enfant, avait soulevé de nombreuses questions concernant la responsabilité des services sociaux puisque le cas de la petite fille avait été signalé à plusieurs reprises.

A mi-chemin entre le roman et le récit, La maladroite raconte le parcours de la petite fille, prénommée ici Diana, dans une structure chorale qui présente les différents acteurs qui sont intervenus ou pas pour lui venir en aide. Pas de scènes de violences, mais la violence est omniprésente dans les traces sur le corps de l’enfant.

Le récit s’inscrit dans la réalité de l’histoire de la petite Marina, mais Alexandre Seurat s’inscrit dans la fiction en faisant parler les différents protagonistes. Des personnages anonymes, désignés uniquement par leur fonction (l’institutrice, la directrice, le policier,…) ou leur place par rapport à l’enfant (la grand-mère, la tante). Des personnages qui se fondent dans un certain anonymat. Des personnes traumatisées par leur impuissance, hantés par le souvenir de Diana. Il y a ceux qui ont essayé d'aider l'enfant et les autres, ceux qui ne l'ont pas crue, qui l'ont ignorée.

Elle. Au centre de tout, Diana. Et pourtant insaisissable. On ne la connaît pas. Parce qu’elle est enfermée en elle-même, par cette violence, par sa peur, par sa souffrance, par son amour pour ses parents aussi. Et un autre enfant. Arthur, le frère aîné. L’enfant tiraillé entre ce qu’il doit dire et ce qu’il doit taire.

On lit vite. Le souffle coupé, avec un sentiment d’urgence, on voudrait protéger, tendre la main, prendre l’enfant dans les bras, lui dire que tout ira bien désormais, lui offrir une enfance, de la tendresse et des rires. Urgence, on voudrait empêcher, mais on connait le destin de cette enfant. L’inéluctable approche à grand bas, on se sent écrasé à l’avance par ce qui va venir.  Ça prend à la gorge, ça noue le ventre. Tristesse, colère, dégoût, révolte.

Enorme paradoxe entre l’enchaînement inexorable des faits, le destin de l’enfant qui s’approche à toute vitesse et la lenteur des services sociaux qui tardent tant à se mettre en marche, freinés par la bureaucratie, les procédures, la paperasserie. Que de colère face à cette inertie ! Prendre des rendez-vous, discuter, d’autres rendez-vous et discuter encore. Mettre en branle les procédures, les dossiers qui passent d’un service à l’autre, les intervenants qui se succèdent. Au final on a surtout le sentiment d’une totale inefficacité. Pas toujours peut-être, mais dans ce cas précis oui. Sans doute pas un cas unique.

On dit souvent que la justice est imparfaite, mais c’est le cas de toutes les institutions humaines. Parce que les humains ne sont que des humains. Parce que les travailleurs sociaux sont surchargés de dossiers, parce qu’ils se font berner par des explications convaincantes, par un père sympathique et une mère charmante, par le tableau d’une famille unie et normale, parce qu’ils ne voient pas tout, parce que certains aussi ne veulent pas voir. 

Beaucoup d’émotions mais pas de pathos, la relation directe et précise des faits, car il n’y a rien à rajouter.

Une lecture prenante et violente, pour ne pas oublier Marina, ni les autres.



Extrait :

« Entre eux et moi, il y aura toujours elle. J’aimerais pouvoir dire que je l’aimais comme une sœur – mais elle n’en était pas une pour moi, puisqu’elle n’était rien, puisqu’on ne la voyait pas, qu’on n’avait pas le droit de jouer avec elle »

6 commentaires:

  1. C'est un livre qui me fait peur, mais que je lirai quand même, vu la masse de billets positifs que j'ai pu voir

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  2. Il m'interpelle ce livre même si en général c'est un thème qui ne me plaît pas trop car souvent traité de façon trop caricaturale et larmoyante à mon goût. Mais c'est vrai que je ne vois que de bonnes critiques...si l'occasion se présente, je tenterai cette lecture !

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    1. Ici le traitement de l'histoire n'est pas larmoyante, mais un tel thème ne peut laisser indifférent.
      Ariane

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  3. Je ne connaissais pas mais il fait partie de la sélection des matchs de la rentrée littéraire chez Priceminister. Je l'ai mis sur ma liste des envies.
    Bonne semaine.

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