Auteur :
Jack London
Titre :
Le peuple de l’abîme
Genre :
récit autobiographique
Langue
d’origine : français
Editeur :
Robert Laffont, collection bouquins
Mon avis :
Je retrouve Jack London pour un texte très différent une
fois encore de mes précédentes lectures.
Pendant l’été 1902, Jack London passe quelques mois à
Londres, dans l’East End miséreux. En immersion auprès des plus pauvres, il
observe le quotidien des exclus, des chômeurs, des clochards, des vieux et des
infirmes. London a déjà pas mal bourlingué et partagé le quotidien des ouvriers
ou des vagabonds aux Etats-Unis. Pourtant, il ne s’attend pas à la misère
crasse qu’il découvre dans la capitale la plus riche du monde.
Dans ce récit, London nous livre une observation brute et
complète de la vie du quartier et de ses habitants. Sans filtres, London donne
littéralement à voir les asiles sordides, la nourriture immonde, les
associations charitables qui tirent profit des miséreux en leur offrant un
croûton de pain et une paillasse contre des heures de travail harassant. L’épuisement,
la solitude, la souffrance quotidienne, même plus la force d’avoir peur ou de
penser. London ne nous épargne pas, son récit est une enquête solide s’appuyant
autant sur ses observations que sur divers documents. Ainsi lorsqu’il cite sur
plusieurs pages, entre stupeur et dégoût, les jugements rendus par les
tribunaux sur quelques jours. L’on s’aperçoit avec surprise que les vols ou
escroqueries sont plus sévèrement punis que les crimes contre les personnes…
« Tribunal de
simple police de Glasgow :
- A comparu devant le bailli Dunlop Edward Morrison, un jeune garçon reconnu coupable d'avoir volé quinze poires dans un camion stationné devant la gare. Huit jours de prison.
Sessions du tribunal de la ville de Salisbury :
- Devant le maire, MMs C Hoskins, G. Fullord, E. Alexander, a comparu James Moore, accusé d'avoir volé une paire de bottes à l'extérieur d'une boutique. Trois semaines de prison.
Tribunal de simple police de Worsop :
- Devant le révérend Massinberg, le révérend Graham et Mr Lucas Calcraft a comparu George Brackenbury, un jeune travailleur, accusé de ce que les juges ont caractérisé comme "voies de fait brutales et sans provocation" sur la personne de James Sargent Foster, un vieillard de plus de soixante-dix ans. Condamné à 1 livre d'amende, plus cinq shillings et six pence de frais. »
- A comparu devant le bailli Dunlop Edward Morrison, un jeune garçon reconnu coupable d'avoir volé quinze poires dans un camion stationné devant la gare. Huit jours de prison.
Sessions du tribunal de la ville de Salisbury :
- Devant le maire, MMs C Hoskins, G. Fullord, E. Alexander, a comparu James Moore, accusé d'avoir volé une paire de bottes à l'extérieur d'une boutique. Trois semaines de prison.
Tribunal de simple police de Worsop :
- Devant le révérend Massinberg, le révérend Graham et Mr Lucas Calcraft a comparu George Brackenbury, un jeune travailleur, accusé de ce que les juges ont caractérisé comme "voies de fait brutales et sans provocation" sur la personne de James Sargent Foster, un vieillard de plus de soixante-dix ans. Condamné à 1 livre d'amende, plus cinq shillings et six pence de frais. »
Mais c’est aussi un cri du cœur, le cri de révolte d’un
homme qui ne peut accepter l’indifférence générale dans laquelle vivent ces hommes
et ces femmes.
C’est le premier récit que je lis de Jack London et encore
une fois je suis soufflée par l’intelligence de son propos, la qualité de son
écriture et l’humanité de sa voix. Le cœur, l’esprit et la force, cet homme-là
avait tout !
Extrait :
« Les hommes dépendent économiquement de leurs patrons,
comme les femmes dépendent économiquement de leurs hommes. Le résultat c'est
que les femmes reçoivent les raclées que les hommes devraient donner à leurs
patrons, et sans avoir le droit de se plaindre. »
« Ce qui est étonnant, aussi, c'est le manque de coeur
des gens qui croient au Christ, qui vénèrent Dieu, et vont régulièrement à
l'Eglise chaque dimanche. Le reste de la semaine , ils se démènent comme de
vrais diables pour faire rentrer des loyers et bénéfices qui leur arrivent tout
droit de l'East End, entachés du sang des enfants du Ghetto. Mais
paradoxalement, tandis qu'ils rançonnent d'une main les enfants des pauvres,
ils n'hésitent pas à envoyer, de la main qui leur reste libre, un demi-million
qu'ils prélèvent de ces mêmes loyers et ces mêmes bénéfices, pour l'éducation
des enfants noirs du Soudan. »
« Les déchets et les inutiles ! Le misérable, celui que
l'on méprise ou bien que l'on oublie, s'en vient mourir dans cet abattoir
social, résultat de la prostitution. Prostitution de l'homme, de la femme, de
l'enfant, de la chair et du sang, de l'intelligence, de l'esprit - prostitution
du travail. Si c'est là tout ce que la civilisation peut offrir à l'homme,
alors cent fois l'état sauvage, la nudité et la brousse, cent fois la tanière
et la caverne, plutôt que cet écrasement par la machine, et par l'Abîme. »
« Dans une civilisation aussi matérialiste, fondée non
pas sur l'individu mais sur la propriété, il est inévitable que cette dernière
soit mieux défendue que la personne humaine, et que les crimes contre la
propriété soient stigmatisés de façon plus exemplaire que ceux commis contre
l'homme. Si un mari bat sa femme, s'il lui arrive de lui casser quelques côtes,
tout cela n'est que du très banal, comparé au fait de dormir à la belle étoile
parce qu'on n’a pas assez d'argent pour rentrer à l'asile. Le gosse qui vole
quelques poires à une très florissante compagnie de chemin de fer constitue une
bien plus grande menace contre la société que la jeune brute qui, sans aucune
raison, se livre à des voies de fait contre un vieillard de plus de soixante-dix
ans »
London ce génie ! J'adore tout ce qu'il a publié.
RépondreSupprimerTout ce que j'ai lu est excellent ! Un auteur insuffisamment reconnu.
SupprimerJ'avais adoré son reportage...
RépondreSupprimerJe trouve qu'il excelle dans tout ce qu'il fait !
SupprimerOù sont les Jack London d'aujourd'hui ?
RépondreSupprimerBonne question...
SupprimerJe vais le lire pour le challenge Jack London. Je vois qu'il a l'air vraiment intéressant. Cela me motive !
RépondreSupprimerUn texte vraiment intéressant, un travail de journaliste font devraient s'inspirer certains...
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