Prix Pullitzer 1988
Auteur :
Toni Morrison
Titre :
Beloved
Genre :
roman
Langue
d’origine : anglais (américain)
Traducteur :
Hortense Chabrier et Sylviane Rué
Editeur :
Christian Bourgois
Nombre de
pages : 379p
Date de
parution : 1989
Présentation de l’éditeur :
« Le 124 était habité de malveillance. Imprégné de la
malédiction d'un bébé... » A Bluestone Road, près de Cincinnatti, vers 1870,
les meubles volent, la lumière allume au sol des flaques de sang, des gâteaux
sortent du four marqués d'une petite main de bébé. Dix-huit ans après son acte
de violence et d'amour maternel, Sethe l'ancienne esclave et les siens sont
encore hantés par la petite fille de deux ans qu'elle a égorgée. Jusqu'au jour
où une inconnue, Beloved, arrivée mystérieusement au 124, donne enfin à cette
mère hors-la-loi la possibilité d'exorciser son passé. Parce que pour ceux qui
ont tout perdu, la rédemption ne vient pas du souvenir, mais de l'oubli.
Ce roman aux résonances de tragédie grecque, au style d'une flamboyante beauté
lyrique, a reçu en 1988 le prix Pulitzer et a figuré pendant des mois en tête
des listes de best-sellers en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.
Mon avis :
D’un roman qui aborde à la fois l’esclavage et l’infanticide
on se doute que la lecture e sera particulièrement difficile. Et effectivement, la
lecture de ce roman a été pour moi très laborieuse.
Sethe, esclave en fuite sur le point d’être reprise, a
préféré tuer ses enfants plutôt que de les voir devenir esclaves « Que si je ne l’avais pas tuée, elle
serait morte et que je ne l’aurais pas supporté. ». Ce geste irréparable,
monstrueux peut-il être compris ? Excusé ? Est-ce un geste de folie
ou d’amour ultime ?
Mais
l’esprit de l’enfant assassinée hante la maison et la famille. L’enfant a soif
d’amour, elle réclame sa mère, elle est furieuse. C’est avec cette seule
compagnie que vivent Sethe et Denver, sa plus jeune fille. Ses fils sont partis
sans se retourner, la grand-mère est morte. Et le quotidien monotone change à l’arrivée
de deux personnages : Paul D, un ancien esclave de la plantation d’où Sethe
s’est échappée, puis Beloved, jeune femme inconnue et mystérieuse, obsédée par
Sethe.
Mais
les personnages ne sont pas seulement hantés par le fantôme. Ils le sont aussi
par leur passé, leurs souvenirs. Qu’est-ce que la liberté quand on a été
esclave ? « Se libérer était
une chose ; revendiquer la propriété de ce moi libéré en était une autre. ». L'évocation des traitements infligés aux esclaves est terrifiante. Bien que ces violences physiques, morales, sexuelles... soient bien connues, c'est à chaque fois une nouvelle claque. Et comme Paul D on se demande sans cesse "Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?". A la plantation du Bon abri, Paul D, Sethe et les autres ont connu deux maîtres. D'abord Garner qui les traitait bien, puis celui qui est toujours appelé Maître d'école, archétype de l'esclavagiste violent, sûr de son bon droit, qui parlant de Sethe, demande à ses élèves de dresser "ses caractéristiques humaines à gauche; ses caractéristiques animales à droite." Mais finalement, Garner, le bon maître n'est pas vraiment meilleur que Maître d'école. Certes, il prend soin de ses esclaves, qui chez lui ont une certaine liberté, mangent à leur faim et ne sont jamais battus, il tient compte de leurs avis, il les traite comme des hommes. Oui justement. Il les traite comme des hommes et non pas en hommes. Car, les esclaves n'ont pas le droit de sortir sans son autorisation, Halle doit travailler des années pour racheter la liberté de sa mère et Madame Garner ne voit absolument pas l'intérêt de faire bénir le mariage de Sethe et Halle.
L’écriture de Toni Morrison est particulièrement dense et complexe, son style par moments poétique et totalement énigmatique. Il y a des passages entiers auxquels je n’ai absolument rien compris…
Je n’ai pas totalement accroché avec cette lecture. Je n’ai pas été séduite par le style, je n’ai pas ressenti d’attachement particulier aux personnages et j’ai eu du mal à suivre l’histoire. J’ai du m’accrocher pour tenir jusqu’à la fin, peut-être ne l’aurais-je pas fait s’il ne c’était agi d’une lecture commune.
Extrait :
« Et ils
chantaient en rythme. Les femmes pour les avoir connues, et puis fini, fini.
Les enfants pour en avoir été, ce qui ne serait jamais plus. Ils tuaient le
patron si souvent et si radicalement qu’il leur fallait bien le ramener à la
vie pour l’étriper encore une fois. Avec en bouche le goût de la galette chaude
parmi les sapins, ils tapaient en cognaient à plus soif. Ils chantaient des
chansons d’amour à Madame la Mort et lui écrasaient la tête. Plus que le reste,
ils tuaient l’allumeuse que les gens appellent Vie pour les avoir dupés. Pour
leur avoir fait croire que le prochain lever de soleil en vaudrait la peine ;
qu’un bout de temps de vie en plus changerait tout, enfin. »Il s'agissait d'une lecture commune avec Jostein dont vous trouverez l'avis ici.
Lu dans le cadre du challenge Petit bac dans la catégorie titre en seul mot.
Je sais que c'est quasiment un classique et souvent je me dis : allez, cette fois-ci, je le lis ! Mais j'avoue que tu m'as passablement refroidie...
RépondreSupprimerNe t'arrête pas à mon avis. C'est un roman qui mérite d'être découvert mais mieux vaut être prévenue !
SupprimerAriane
L'intérêt d'une LC est que l'avis des co-lecteurs nous parle davantage. Ta chronique est claire et bien construite.Elle identifie parfaitement les deux thèmes du récit (esclavage et infanticide)
RépondreSupprimerNous sommes d'accord sur la difficulté de lecture.
Merci de m'avoir accompagnée
J'aime beaucoup le principe des lectures communes, parce que les autres lecteurs mettent en lumière d'autres aspects du récit. Je trouve cela très instructif.
SupprimerMerci d'avoir partagé cette lecture avec moi, j'espère que la prochaine nous plaira plus.
Ariane
Je suis contente de voir que je ne suis pas la seule a avoir été rebutée par cette lecture. Je partage entièrement ton avis. La seule différence avec toi, c'est que je ne suis pas allée jusqu'au bout. J'ai pourtant essayé deux fois : la première il y a 15 ans, la deuxième il y a 6 mois. Peut-être que je réessaierai... dans une bonne dizaine d'années ! Pas avant !
RépondreSupprimerSincèrement s'il n'y avait eu Jostein je ne suis pas sûre que j'aurai tenu le coup jusqu'à la fin !
SupprimerAriane
Il m’intéresserait mais le sujet est trop dur, je ne pense pas le lire. il y a plusieurs années, j'ai lu du même auteur "L’œil le plus bleu" dont l'un des passages m'avait beaucoup impressionnée par sa dureté (mais j'avais douze ans, peut être n'aurais je pas la même sensibilité aujourd’hui)
RépondreSupprimerDaphné
L'oeil le plus bleu est dans ma bibliothèque on verra. Mais je ne pense pas que ce soit le genre de roman pour une enfant de 12 ans effectivement !
SupprimerAriane
Je n'ai jamais eu le courage de m'attaquer à ce livre. Je sais que j'y trouverai beaucoup d'horreurs et que l'humanité n'a pas énormément progressé, vu l'actualité.
RépondreSupprimerJe continue à espérer que l'humanité puisse progresser, mais sans trop y croire.
SupprimerAriane
Son roman Home a été encensé par la blogosphère mais il m'a un déçu. Je ne pense donc pas lire celui-ci.
RépondreSupprimerJ'envisage de lire Home, j'espère qu'il me plaira plus.
SupprimerAriane
L'impression qui revient chez toutes les deux est celle d'une lecture laborieuse. J'ai lu il y a longtemps Toni Morrison, (Le chant de Salomon) sans entrer vraiment dans cette lecture. J'ai écouté Home plus récemment, et je l'ai trouvé plus accessible, mais très fort...
RépondreSupprimerJe note Home alors, car j'ai envie de découvrir cet auteur.
SupprimerAriane
Je n'en ai lu qu'un d'elle et je n'avais pas trop accroché... mais lequel ?
RépondreSupprimerMystère...;-)
SupprimerCe n'est pas le style de Morrison qui est en cause, mais la qualité (piètre) de la traduction française de Beloved (par Hortense Chabrier et Sylviane Rué) Cette traduction, la seule disponible, ne rend absolument pas justice à la polyphonie du roman, ni à son atmosphère. Par dessus tout, elle le rend illisible. Lire un avis excellent ici :
RépondreSupprimerhttps://languesdefeu.hypotheses.org/834
Si je rejoins Claudio Pinto sur la mauvaise qualité de la traduction. Ce roman n'en reste pas moins une oeuvre très intéressante pour comprendre les stigmates de l'esclavage et les actes de résistances des esclaves. En effet tous les personnages exceptée Baby Suggs sont torturés par le silence, les non-dits. Cela explose par moments en polyphonie, en bribes de souvenirs. On retrouve aussi l'esprit du vaudou (autre forme cultuelle de résistance) avec cet esprit qui sort de l'eau. On voit la force du chant comme acte de résistance à travers l'histoire de numéro six et des chants d'amour de Baby Suggs. Enfin l'infanticide comme dernier rempart d'amour, comme cri de résistance face à l'horreur de l'esclavage. Sur ce dernier thème on pourra lire D'eaux douces de Fabienne Kanor, Rosalie l'infâme d'Evelyne Trouillot (romans) ou Femmes des Antilles : Traces et voix de Gisèle Pineau (recherches et analyses).
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