Prix fémina étranger 2012
Auteur : Julie Otsuka
Auteur : Julie Otsuka
Titre :
Certaines n’avaient jamais vu la mer
Genre :
roman
Langue
d’origine : anglais
Traducteur :
Carine Chichereau
Editeur :
Phébus
Nombre de
pages : 139p
Date de
parution : septembre 2013
L'écriture de Julie Otsuka est puissante, poétique, incantatoire. Les voix sont nombreuses et passionnées. La musique sublime, entêtante et douloureuse. Les visages, les voix, les images, les vies que l'auteur décrit sont ceux de ces Japonaises qui ont quitté leur pays au début du XXe siècle pour épouser aux Etats-Unis un homme qu'elles n'ont pas choisi.
C'est après une éprouvante traversée de l'océan Pacifique qu'elles rencontrent pour la première fois à San Francisco leur futur mari. Celui pour lequel elles ont tout abandonné. Celui dont elles ont tant rêvé. Celui qui va tant les décevoir.
A la façon d'un chœur antique, leurs voix s'élèvent et racontent leurs misérables vies d'exilées ... leur nuit de noces, souvent brutale, leurs rudes journées de travail dans les champs, leurs combats pour apprivoiser une langue inconnue, la naissance de leurs enfants, l'humiliation des Blancs, le rejet par leur progéniture de leur patrimoine et de leur histoire ... Une véritable clameur jusqu'au silence de la guerre. Et l'oubli...
Mon avis :
Ce livre bénéficiant de très bonnes critiques tant de la presse que des lecteurs je partais plutôt confiante, d’autant plus que l’histoire m’attirait. Car l’internement des nippo-américains pendant la seconde guerre mondiale est un thème quasi jamais abordé par la littérature ou le cinéma. Sans doute car trop contradictoire avec l'images des américains libérateurs. C'est dérangeant, une épine dans le pied que l'on aimerait oublier.
On suit le parcours de ces femmes de leur départ du Japon pour épouser un homme qu'elles n'ont jamais vu à leur internement à partir de 1942, la découverte d'un pays étranger, de la vie de couple, le travail, la maternité, leurs enfants,...
Le ton est tour à tout léger et grave, les anecdotes se succèdent sans interruptions. Et ce style m'a vraiment décontenancée. Pas vraiment de personnages ni
d’histoire à suivre mais une succession de fragments de vie. Je trouve ce parti pris d’écrire comme une litanie chantée à l’unisson par
un chœur d’innombrables voix anonymes intéressant. Mais cette
juxtaposition de phrases « nous…nous…nous… » rend le tout impersonnel
et froid. Plusieurs blogueuses ont écouté le livre en audiolib et
finalement je pense que ce format convient mieux à ce roman afin de
retranscrire ce rythme chantant.
Un avis mitigé donc et je me sens un peu à contre-courant au milieu de ce concert de louanges.
Extrait :
« Sur le bateau, nous ne pouvions imaginer qu'en voyant notre mari pour la première fois, nous n'aurions aucune idée de qui il était. Que ces hommes massés aux casquettes en tricot, aux manteaux noirs miteux qui nous attendaient sur le quai, ne ressemblaient en rien aux beaux jeunes gens des photographies. Que les portraits envoyés dans les enveloppes dataient de vingt ans. Que les lettres qu'ils nous avaient adressées avaient été rédigées par d'autres, des professionnels à la belle écriture dont le métier consistait à raconter des mensonges pour ravir le cœur. Qu'en entendant l'appel de nos noms, depuis le quai, l'une d'entre nous se couvrirait les yeux en se détournant- je veux rentrer chez moi - mais que les autres baisseraient la tête, lisseraient leur kimono, et franchiraient la passerelle pour débarquer dans le jour encore tiède. Nous voilà en Amérique, nous dirions-nous, il n'y a pas à s'inquiéter. Et nous aurions tort. »
Les avis de Mimi, Bianca, Clara, Keisha, Jostein, Kathel, Hélène,
Extrait :
« Sur le bateau, nous ne pouvions imaginer qu'en voyant notre mari pour la première fois, nous n'aurions aucune idée de qui il était. Que ces hommes massés aux casquettes en tricot, aux manteaux noirs miteux qui nous attendaient sur le quai, ne ressemblaient en rien aux beaux jeunes gens des photographies. Que les portraits envoyés dans les enveloppes dataient de vingt ans. Que les lettres qu'ils nous avaient adressées avaient été rédigées par d'autres, des professionnels à la belle écriture dont le métier consistait à raconter des mensonges pour ravir le cœur. Qu'en entendant l'appel de nos noms, depuis le quai, l'une d'entre nous se couvrirait les yeux en se détournant- je veux rentrer chez moi - mais que les autres baisseraient la tête, lisseraient leur kimono, et franchiraient la passerelle pour débarquer dans le jour encore tiède. Nous voilà en Amérique, nous dirions-nous, il n'y a pas à s'inquiéter. Et nous aurions tort. »
Les avis de Mimi, Bianca, Clara, Keisha, Jostein, Kathel, Hélène,
J'ai éprouvé le même sentiment que toi en le lisant : difficile de faire preuve d'empathie avec un chœur de femmes ! L'amie qui me l'a prêté a trouvé l'écriture extraordinaire.
RépondreSupprimerJe suis rassurée de trouver une autre lectrice du même avis ! Quand un livre suscite un tel engouement ce n'est pas évident d'être la voix discordante.
SupprimerAriane
J'ai l'intention de le lire, malgré la narration. Certaines ont l'air d'être entrées très facilement dedans.
RépondreSupprimerCe livre a emballé de très nombreuses lectrices (et lecteurs aussi sans doute même si je n'ai lu que des avis de femmes).
SupprimerAriane
Cette écriture m'avait vraiment emballée... après, ça marche une fois, il ne faudrait pas rencontrer ce "nous" trop souvent !
RépondreSupprimerJe pense que ce rythme doit par contre bien rendre à l'oral.
SupprimerAriane
J'ai été complètement conquise par cette lecture. Ce "Nous" répété et le fait que l'on passe d'un personnage à l'autre sans pouvoir s'attacher à l'un tellement le temps consacré à chacun est court a été pour moi le point fort du livre, lui donnant un point de vue universel.
RépondreSupprimerJe comprends tout à fait le parti pris littéraire que je trouve intéressant mais malgré tout cela m'a donné le sentiment d'un compte-rendu détaché, presque d'un catalogue.
SupprimerAriane