mardi 30 août 2022

Blackwater - Michael McDowell

Par Ariane





Auteur : Michael McDowell

Titre : Blackwater

Genre : roman

Langue d’origine : anglais (américain)

Traducteur : Yoko Lacour et Hélène Charrier

Editeur : Toussaint Louverture

Nombre de pages : 1560p en 6 tomes

Date de parution : avril-juin 2022

Tome 1 : La crue

Tome 2 : La digue

Tome 3 : La maison

Tome 4 : La guerre

Tome 5 : La fortune

Tome 6 : Pluie

 

Mon avis :

Avant tout, il convient de saluer le coup de maître des éditions Toussaint Louverture ! En faisant le pari de publier les six romans de cette saga familiale sous forme de feuilleton (comme lors de leur publication initiale aux Etats-Unis dans les années 80), la maison d’édition a ferré les lecteurs. Il faut dire que la saga est carrément addictive ! J’ai tout de même été patiente pour une fois et j’ai attendu que tous les livres soient publiés avant de plonger. Bon choix, car l’histoire des Caskey a parfaitement accompagné mes vacances !

L’histoire commence en 1919 dans la ville de Perdido en Alabama. Construite au confluent de deux rivières, la ville dont l’activité tourne quasi exclusivement autour de l’industrie du bois, connaît une crue sans précédent cette année-là. Explorant la ville inondée à bord d’une barque, Oscar Caskey et son domestique Bray, découvrent une jeune femme aux cheveux ocre seule dans une chambre de l’hôtel. Qui est-elle, comment est-elle arrivée là, pourquoi n’a-t-elle pas évacué la ville, comment a-t-elle survécu seule sans eau ni nourriture pendant plusieurs jours ? Autant de questions auxquelles Elinor, donnera des réponses évasives. Avec cette rencontre, débute la saga familiale des Caskey que l’auteur déroule sur près de soixante ans…

On retrouve dans les six romans tous les ingrédients habituels d’une saga familiale : des drames, des mariages, des naissances, des morts, des querelles, des luttes de pouvoir, des histoires d’amour, … tandis que l’on traverse tout un pan de l’histoire américaine. Toutefois, des éléments étranges, surnaturels même, tournant autour du personnage mystérieux d’Elinor et de son lien étroit avec la rivière viennent perturber cette apparente normalité et confèrent une atmosphère particulière au roman. Du Dallas mâtiné de Stephen King ! Ou de Tim Burton plutôt, l’auteur ayant notamment co-écrit le scénario de Beetlejuice.

J’ai vraiment pris beaucoup de plaisir à cette lecture, qu’on imagine d’ailleurs bien adaptée à l’écran (par Mike Flanagan par exemple). Saluons également au passage la beauté de l’objet livre. Les couvertures dorées, aux détails travaillés, dessinées par Pedro Oyarbide rappellent les cartes de tarot ou les couvertures d’anciens romans de Jules Verne. Magnifique !   











lundi 29 août 2022

Em - Kim Thuy

 Par Daphné








Autrice : Kim Thuy

Titre : Em

Genre : roman

Langue d’origine : français (Quebec)

Editeur : Liana Levi

Nombre de pages : 160

Date de parution :  2021

Résumé de l'éditeur :

Au Vietnam, le mot em sert à dire sa tendresse, sa délicate attention pour l’autre, plus jeune ou plus âgé. Dans un square de Saigon, sous un banc, un bébé a été abandonné. Louis, orphelin métis, de quelques années son aîné, le couche dans une grande boîte en carton. Il l’appelle Em Hong, « petite sœur » Hong. Louis prendra soin d’elle jusqu’à ce qu’ils soient séparés, lors de l’opération Babylift, au printemps 1975, qui évacue peu avant la chute de la ville les orphelins de guerre et enfants nés de GI’s. Sans le savoir, ils auront des vies parallèles, celles d’enfants américains adoptés. Ils ignorent ce que leur existence doit à la multitude de destins brutalisés avant eux dans le long conflit vietnamien. Em, c’est le fil qui relie les ouvriers des plantations de caoutchouc en Indochine aux femmes des premiers salons de manucure en Amérique du Nord. Ce sont les liens d’amour et de haine entre les vies brisées de la « guerre américaine ».
Dans ce roman, Kim Thúy noue des histoires vraies, pleines d’images fortes, méconnues ou aussi célèbres que la photo prise à My Lai. Sa prose lyrique et sobre nous embarque dans une traversée bouleversante de l’Histoire.


Mon avis :

Voici un livre court, 160 pages à peine et pourtant tellement de choses sont dites à travers ces 160 pages. C'est un livre qui dit l'horreur de la guerre, qui dit l'exploitation, les massacres, l'empoisonnement des populations aux herbicides défoliants, le déracinement... C'est aussi un livre qui dit l'espoir, le sauvetage des enfants et tous ces gens mobilisés autour d'eux dans l'unique but de les sauver et de leur offrir un avenir, un livre qui dit l'amour et la résilience. Oui, il dit tout cela, ce livre, en seulement 160 pages. 

Il dit tout cela d'une écriture parfois marquées de touches de poésie, une écriture qui survole seulement les évènements, ne s'attardant réellement sur aucun d'entre eux et qui pourtant les rend on ne peut plus marquants, on en peut plus réels aux yeux du lecteur. C'est un livre décousu, un fil dont l'autrice dit elle-même qu'elle a cherché à en tisser les fils sans y parvenir, un livre dont la construction ressemble à un château de sable rongé par la marée : on n'en a que quelques grains avant qu'une vague ne vienne l'effacer à demi. Un livre dont il est difficile de comprendre la trame et pourtant, on y parvient, peu à peu, on y découvre tant et pourtant si peu. 

Une chose est sûre : l'émotion est là. Une émotion qui m'a saisie devant la narration de tant d'horreurs, la narration de l'indescriptible, l'émotion devant tant de violences et de douleur mais aussi l'émotion devant ces mains tendues vers les autres, cet enfant s'occupant tendrement d'un bébé croisant son chemin, cet amour qui côtoie les choses les plus affreuses, et qui pourtant est là, bien là. 

Un livre court, un livre décousu, un livre très rude pourtant parfois teinté de douceur, un livre percutant, de ceux qu'on n'oublie pas. 

Extrait :

« Le mot « em » existe en premier lieu pour désigner le petit frère ou la petite sœur dans une famille ; ou le plus jeune, ou la plus jeune, de deux ami(e)s ; ou la femme dans un couple.J’aime croire que le mot « em » est l’homonyme du verbe « aimer » en français, à l’impératif : aime. Aime. Aimons. Aimez »


samedi 27 août 2022

La vérité sur ils étaient dix - Pierre Bayard

Par Ariane


Auteur : Pierre Bayard

Titre : La vérité sur ils étaient dix

Genre : essai

Langue d’origine : français

Editeur : éditions de Minuit

Nombre de pages : 192p

Date de parution : 2021

 

Mon avis :

Pierre Bayard part du principe que les personnages littéraires ont une existence, qu’ils ont leurs propres envies, parfois différentes de leur auteur et qu’ils peuvent même être capable de manipuler celui-ci.

Si vous n’avez pas lu Ils étaient dix (anciennement Dix petits nègres) l’un des romans phares d’Agatha Christie, je vous rappelle rapidement les faits : dix personnes sont invitées à passer quelques jours sur une île sous divers prétextes. Parmi eux on trouve un couple de domestiques, une professeur de sport, un médecin, un juge à la retraite, un ancien militaire… Leurs hôtes ne sont pas là pour les accueillir et après le dîner, une voix s’élève les accusant à tour de rôle d’être des meurtriers impunis. Croyant au départ à une plaisanterie de mauvais goût, même après les premiers décès qu’ils supposent accidentels, ils finissent par comprendre qu’un meurtrier est présent sur l’île, peut-être même parmi eux. Ne pouvant quitter l’île à cause d’une tempête ni communiquer avec le continent, la tension monte au fur et à mesure des morts qui s'enchaînent, suivant le schéma d’une vieille comptine affichée dans leur chambre, tandis qu’à chaque nouveau meurtre, une petite statuette disparaît… Lorsque la tempête se lève, le marin qui les a emmenés sur l’île revient et trouve dix morts. Le mystère est total jusqu’à ce qu’une bouteille jetée à la mer, révèle la confession du meurtrier.

Et si cette lettre était un faux ? Si le meurtrier (ou la meurtrière) avait simplement voulu éviter que le lecteur se creuse la tête et finisse par découvrir la vérité ? Le véritable coupable s’adresse alors au lecteur en relevant toutes les failles de cette lettre, en décortiquant l’histoire telle qu’elle nous est racontée, pour nous présenter une autre version.

Appuyant sa démonstration sur les mécanismes psychologiques et sur d’autres œuvres de la littérature policière, Pierre Bayard nous propose une version alternative pertinente et argumentée. C’est un véritable plaisir de lecture et je pense que je vais m’empresser de lire d’autres ouvrages du même genre de l’auteur.

Extrait :

« Avant d’en venir aux raisons qui m’ont conduit à monter cette pièce de théâtre, je voudrais dire ma surprise, alors que tout aurait dû m’accuser depuis le début de l’enquête, à l'idée que j’aie pu passer pendant près des décennies entre les mailles de la lecture et de la critique sans jamais être soupçonné.
Cette série d’aveuglements en dit long sur la capacité de l’être humain à s'illusionner, et, contre l’évidence, à persister dans ses erreurs pourvu que celles-ci correspondent à sa vision tragique du monde, et ne viennent pas mettre en cause la représentation qu’il a de lui-même et des autres. Et dès lors surtout que les faits qu’on lui présente sont organisés selon une histoire cohérente, celle-ci prît-elle la forme d'une comptine pour enfants. »

 

vendredi 12 août 2022

La révolte - Clara Dupond-Monod

 Par Daphné








Auteur : Clara Dupont-Monod

Titre : Le roi disait que j’étais diable

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : Grasset

Nombre de pages : 240

Date de parution : 2018

Résumé de l'éditeur:

"Sa robe caresse le sol. A cet instant, nous sommes comme les pierres des voûtes, immobiles et sans souffle. Mais ce qui raidit mes frères, ce n'est pas l'indifférence, car ils sont habitués à ne pas être regardés; ni non plus la solennité de l'entretien - tout ce qui touche à Aliénor est solennel. Non, ce qui nous fige, à cet instant-là, c'est sa voix. Car c'est d'une voix douce, pleine de menaces, que ma mère ordonne d'aller renverser notre père."
Aliénor d'Aquitaine racontée par son fils Richard Cœur de Lion.

Mon avis :

Ayant beaucoup aimé Le roi disait que j'étais diable, j'avais hâte de lire ce livre ci qui nous conte également l'histoire d'Aliénor d'Aquitaine mais vue sous un autre angle : celui de son fils, Richard Cœur de Lion. J'ai moins "accroché" à ce livre, bien qu'ayant tout de même passé un très bon moment en sa compagnie. 

C'est donc cette fois avec le regard de Richard Cœur de Lion, son fils préféré, que nous découvrons la vie d'Aliénor d'Aquitaine. Là encore, la vérité historique n'est pas forcément présente. Il s'agit avant tout d'un roman même si les personnages et le contexte ont vraiment existé. ce n'est donc pas un livre qu'il faut lire en recherchant à tout pris la vérité mais qu'importe. Il court au sujet d'Aliénor d'Aquitaine de nombreuses légendes et l'autrice ici, en brode une nouvelle tout en s'appuyant sur la véritable Histoire. 

Le résultat est réussi. On ressent, dans la voix de Richard, ses sentiments à l'égard de sa mère, le côté majestueux de cette dernière, la douleur des trahisons, l'odeur du sang sur les champs de batailles... Clara Dupond-Monod est une véritable conteuse et on se retrouve plongé au XIIème siècle, on s'y croirait réellement. 

Si j'ai préféré Le roi disait que j'étais diable, j'ai cependant beaucoup aimé ce livre et attend maintenant avec impatience de découvrir un autre roman de cette autrice.

Extrait :

"Ma mère entre en pays inconnu. Le vent y est gelé. Personne n'y habite. Derrière les murs hauts, elle entend des rires et des phrases, ceux des préservés. Elle aura beau s'écorcher les mains à trouver un passage, tenir et fabriquer encore des enfants, ça ne change rien. Une frontière sépare sa vie des autres vies. Elle avance parmi les mères amputées d'un petit, ombres dansantes qui psalmodient des berceuses. Désormais, ma mère connaît l'envers du monde."

samedi 6 août 2022

Les envolés - Etienne Kern

Par Ariane

Auteur : Etienne Kern

Titre : Les envolés

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : Gallimard

Nombre de pages : 160p

Date de parution : juin 2021

 

Mon avis :

Le film dure moins de deux minutes. Images en noir et blancs, tressautantes, pas de son. On y voit un homme, moustache en guidon de vélo, poser fièrement, présenter son costume, le déployer debout sur une chaise, bras écartés, s’approcher d’une rambarde, quelques secondes d’hésitation… Il s’élance et chute. Ces images ont été filmées en 1912 et montrent Franz Reichelt, tailleur et inventeur, y faire la démonstration du parachute qu’il a inventé.

Fasciné par ces images qui font écho à des épisodes douloureux de sa vie, Etienne Kern raconte l’histoire de cet homme, mêlant faits réels et imaginaires. Il y a beaucoup de sensibilité et d’empathie dans ce portrait de Franz Reichelt, tailleur pour dames d’origine tchèque installé à Paris. Marqué par la mort de son ami Antonio Fernandez, il répond à l’appel de la ligue d’aviation qui offre un prix de 5000 francs pour l’invention d’un parachute.

J’ai aimé découvrir l’histoire de Franz Reichelt et j’ai également beaucoup aimé l’écriture de Franz Reichelt, juste, tout en finesse et sincérité. Un premier roman prometteur qui mérite amplement le succès rencontré !

 

Extrait :

« A ceux qui l'écoutaient, il parlait des nuages et des larmes, de ces mondes lointains, de toutes ces choses de la terre et du ciel que ne savent que les enfants et les fous.
Mais la plupart du temps, il ne disait rien. »

« L'expérience du vertige n’est pas la peur de tomber mais le désir de sauter. »