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mardi 3 octobre 2017

La porte - Magda Szabo

Par Ariane



Prix fémina étranger 2003
Auteur : Magda Szabo

Titre : La porte

Genre : roman

Langue d’origine : Hongrois

Traducteur : Chantal Philippe

Editeur : Viviane Hamy

Nombre de pages : 286p

Date de parution : août 2003

Présentation de l’éditeur :

La Porte est une confession. La narratrice retrace sa relation avec Emerence qui fut sa femme de ménage pendant une vingtaine d’années. L’une est vieille, l’autre jeune, l’une sait à peine lire, l’autre ne « respire » que par les mots, l’une arbore l’humilité comme un blason, l’autre l’orgueil de l’intellectuelle sur-cultivée. Et pourtant la vieille servante va tout apprendre à l’écrivain adulée, car elle est la générosité incarnée ; dès qu’il s’agit de sauver une vie, celle d’un Juif, d’un Allemand, d’un voleur ou d’un chaton abandonné, Emerence ne réfléchit pas une seconde. La narratrice fait le portrait haut en couleur de ce personnage lumineux au caractère difficile et singulier, qui agit en véritable despote sur son entourage, qui consent à tout.



Mon avis :

Ce que j’aime avec les blogs, c’est pouvoir découvrir des livres vers lesquels je ne me serai pas tournée de moi-même. Et pour ce roman de Magda Szabo, cela aurait probablement été le cas, n’eut été le billet de Keisha, qui pourtant ne débordait pas d'enthousiasme. 

La narratrice (Magda Szabo elle-même) raconte sa relation pour le moins étrange avec Emerence sa femme de ménage. Une relation faite d’admiration mutuelle autant que d’incompréhension, d’affection et de rancœur, entre ces deux femmes que tout oppose.

Emerence est un personnage complexe et insaisissable. Elle est le cœur du quartier, indispensable et familière à tous, et pourtant mystérieuse, ne livrant que des bribes épars de sa vie, chacun de ses amis n’en détient qu’un morceau. Et si tous les habitants du quartier se retrouvent fréquemment devant la porte d’Emerence, personne n’a accès au logement, repère secret et protégé de la vieille femme. Cet appartement qu’elle cache à tous est son sanctuaire et sa forteresse. Emerence est un personnage touchant, une femme entière dans ses affections comme dans ses colères, entourée d’amis bienveillants et pourtant terriblement seule, délicate et violente à la fois, secrète et explosive. Emerence est inoubliable.

La narratrice est troublée devant ce personnage énigmatique. Cette intellectuelle, issue de la bourgeoisie, romancière reconnue et pleine de bonnes intentions, se retrouve démunie face à Emerence, qui lui dévoile un monde qu’elle ne soupçonnait pas. C’est la confrontation de deux univers, de deux personnalités, qui apprennent à s’apprivoiser, à se respecter et même à s’aimer.

Et impossible aussi d’oublier Viola, le chien de la narratrice, qui pourtant verra toujours Emerence comme sa maîtresse, n’obéissant qu’à elle et cherchant toujours la compagnie de la vieille dame. Viola, seul être autorisé à franchir la porte close du logement d’Emerence, passeur entre le monde secret de celle-ci et l’extérieur, gardien de ses secrets.

La porte est un roman intense, difficile probablement, mais magnifique.



Extraits :

« L’expérience m’avait appris à ne jamais lui poser trop de questions, sous peine qu’effarouchée elle n’en dise encore moins. »


« Emerence était capable de m’inspirer les plus nobles sentiments comme les pires grossièretés, l’idée que je l’aimais me mettait parfois dans un état de fureur qui me prenait au dépourvu. »


« Il était impossible d’expliquer la nature, l’intensité de notre relation ou le fait qu’Emerence était pour chacun de nous une nouvelle mère, bien qu’elle ne ressemblât à aucune des nôtres. »


« Je restais là à contempler l'alignement militaire des pieds de maïs et à me demander quelle pouvait être la mémoire de la terre, quand elle recouvre tant de sang, de morts, d'échecs et de rêves. Comment peut-elle encore donner, avec de tels souvenirs ? Peut-être justement à cause d'eux ? »


« N’aimez jamais éperdument, cela ne peut que vous mener à votre perte. Si ce n’est pas tout de suite, c’est plus tard. Le mieux, c’est de ne jamais aimer personne. »

D'autres avis chez Keisha, Jostein

samedi 19 août 2017

Première personne du singulier - Patrice Franceschi

Par Ariane
Prix Goncourt de la nouvelle 2015


Auteur : Patrice Franceschi

Titre : Première personne du singulier

Genre : nouvelles

Langue d’origine : français

Editeur : Points

Nombre de pages : 210p

Date de parution : janvier 2015

Présentation de l’éditeur :

Toute existence peut s’achever sur un choix impossible et tragique, si terrifiant qu’on donnerait tout pour l’éviter. Dans les nouvelles réunies ici ? Un fanal arrière qui s’éteint ? Carrefour 54 ? Le Naufrage du lieutenant Wells ? Le Train de six heures quinze ?, Flaherty le vieux marin, le sous-lieutenant Vernaud, Wells l’idéaliste égaré, les résistants Madeleine et Pierre-Joseph, vivent les plus radicaux de ces choix ultimes. Ils les affrontent seuls, à la première personne du singulier. Avec ce sens du tragique qui permet de surmonter toutes les épreuves.



Mon avis :

Le choix. Tel est le sujet des quatre nouvelles de ce recueil, dans lesquelles chaque personnage se trouve face à un choix cornélien.

Difficile de résumer ces histoires dans risquer de trop en dire. Deux d’entre elles se déroulent pendant la Seconde Guerre Mondiale, les deux autres racontent des naufrages. J’ai beaucoup aimé les deux premières nouvelles du recueil avec une nette préférence pour la première. Le personnage de ce capitaine, son amour pour sa femme et son fils, la vie du navire… puis le choix. C’est beau et terrible. Et le jeune lieutenant de la nouvelle Carrefour 54, arrivé au front bien décidé à devenir un héros mais qui n’a pas eu le temps de faire ses preuves avant la capitulation de la France. Il semble bien fat au début ce jeune homme, mais l'héroïsme se cache parfois là où on ne l'attend pas.

Les deux autres nouvelles m’ont moins convaincue. La dernière notamment Le train de six heures quinze, qui à mes yeux tirait trop sur la corde sensible.

J’ai été conquise autant pas les histoires que par leurs personnages et l’écriture de l’auteur. C’est une très belle découverte qui mérite bien le prix Goncourt de la nouvelle obtenu en 2015.



Extrait :

« Être instituteurs, ça laissait des traces : Virgile, Voltaire, Aristote, Racine, Marc Aurèle, Ronsard, Balzac, Maupassant, tant d'autres...Il n'en manquait aucun et tous habitaient sa vieille maison familiale; on les avait accueillis année après année comme des visiteurs de marque ou des amis de longue date; on les avait logés au mieux, sur d'innombrables étagères qui allaient du sol au plafond et de la salle à manger aux chambres à coucher, et ils vivaient ainsi côte à côte comme des gens de la même famille, du même clan, de la même connivence. Enfant, il imaginait que tous ces morts se parlaient la nuit, une fois les hommes endormis. Et que d'une bibliothèque à l'autre, d'un siècle par-dessus l'autre, ils se disaient de ces choses incroyables qui font une civilisation. »

L'avis de Laure

lundi 15 mai 2017

Des chauves-souris, des singes et des hommes - Paule Constant

Par Daphné




















Auteur : Paule Constant
 Titre : Deschauves-souris, des singes et des hommes
 Genre :  roman
 Langue d’origine : Français
 Editeur : Gallimard
 Nombre de pages : 166
 Date de parution : 2016


Résumé de l'éditeur :

Dans un village africain, une fillette heureuse cajole une chauve-souris. De jeunes garçons rapportent fièrement de la forêt le cadavre d’un beau singe au dos argenté. Ainsi débute une série d’événements qui frappent tour à tour les protagonistes de cette histoire : habitants des cases, coupeurs d’hévéas, marchands ambulants, piroguiers, soignants, et même primatologues en mission. 
Un mal pernicieux se propage silencieusement au pied de la Montagne des nuages, et le long d’une rivière sur laquelle glisseront bientôt les pirogues funèbres. La plupart l’ignorent superbement, d’autres en cherchent vainement l’explication dans la magie, la science ou la nature. 
C’est avec poésie et humour que Paule Constant nous fait vivre ce conte déchirant de notre temps, dans un style dont la paradoxale légèreté parvient à nous faire partager tant de douloureuses péripéties, en nous conduisant aussi pas à pas vers une fin qui n’est peut-être qu’un autre début.


Mon avis :

En commençant ce livre, je m'attendais à histoire en forme de conte, un dépaysement , une sorte de jolie fable aux couleurs de l'Afrique, une atmosphère un peu magique... j'ai assez vite déchanté! Si ce livre possède de nombreuses qualités, il n'a rien du joli conte à écouter autour d'un feu de bois auquel je m'attendais!

Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas gai. Dans un petit village africain, alors qu'Olympe, une petite fille de sept ans est ravie d'avoir découvert une chauve souris, les garçons du village ramènent fièrement de la chasse -disent ils!- un énorme gorille dont les habitants feront un festin. Parallèlement, Agrippine, jeune médecin belge, vient mener non loin de là une campagne de vaccination par le biais d'une organisation humanitaire. Mais quel est ce mal étrange qui vient soudainement emporter les frères de la petite Olympe? Celle-ci est elle vraiment porteuse de malheur comme le prétend la superstition? 

L'auteur nous entraîne ici en plein cœur du Congo et nous amène à nous interroger sur les origines d'un fléau destructeur dont le véritable nom ne nous sera donné qu'à la fin du livre même si le lecteur comprend assez rapidement de quoi il s'agit. Ne serait ce donc qu'une succession d'événements à priori si banals qui peuvent causer une telle catastrophe? 

A travers le personnage d’Agrippine, ce roman nous amène également à nous interroger sur la présence et la vision occidentale en Afrique. L’ambiguïté de cette relation entre l’Afrique et l'Occident est ainsi finement observée.

D'une écriture oscillant sans cesse entre la poésie et le cynisme, parfois teintée d'humour malgré la gravité du sujet, Paule Constant nous offre là un livre puissant où s'affrontent sans cesse la vie et la mort, les bonnes intentions et l'incompréhension entre deux mondes si éloignés l'un de l'autre. Si j'ai été surprise à la lecture de ce livre ne m'attendant pas à ce genre de sujet, je n'ai cependant pas été déçue. A lire absolument!



Extrait :

"Olympe ne possédait ni lit, ni couverture, rien qu'une natte usée qu'elle ne retrouvait pas toujours. Elle n'avait pas de jouets, de ceux que l'on achète, mais elle en fabriquait beaucoup avec du fil de fer, du bois et des os. Elle n'utilisait pas de brosse à dents mais se servait comme tout le monde d'un bout de bois émoussé. Pas de savonnette, pas de vêtements. Un matin, pour afistoler sa nudité, sa mère lui avait noué un fil de perles blanches autour des reins. L'enfance, du lait au sein, du nez mouché entre deux doigts, de l'urine qui rougit la terre aux pieds de sa mère, était terminée."