vendredi 11 décembre 2015

Melville Street - Xavier Deville

Par Daphné














 Auteur : Xavier Deville
Titre :Melville Street
Genre : témoignage ou roman? Un peu des deux?
Editeur :Sulliver
Nombre de pages :177
Date de parution :2015
 Résumé de l'éditeur:

Là-bas, aux antipodes, certaines personnes handicapées habitent en colocation de quatre ou cinq des maisons dispersées en ville, où des assistants se relaient pour les aider à appréhender la vie quotidienne. À Dunedin, Nouvelle-Zélande, nous partageons avec le narrateur un Français les jours et les nuits de Melville Street et de ses habitants: Tommy-dans-son-fauteuil et Tommy-debout, Chesley, Jon, Carolyn. Au rythme des rites journaliers et des péripéties déconcertantes, aux frontières de « normalité » et d « anormalité », des vies se croisent, se chevauchent ou se heurtent, et tentent de s accommoder de l hypocrisie persistante de la société. Un humour tendre, ou plus corrosif, imprègne ce peu commun journal de bord de son parfum doux-amer. Et le cheminement du narrateur, qui découvre la complexité et parfois la violence de ses propres réactions, nous aide à décrypter le regard que nous portons sur la différence.

Mon avis:

 Je me suis dis dés les premières lignes que ce livre allait "me parler"! et cela a effectivement été le cas. 

Le narrateur travaille en Nouvelle-Zélande dans une maison où vivent en colocation cinq personnes porteuses d'un handicap plus ou moins sévère. Avec une tendresse mêlée d'ironie, le narrateur nous parle ici de son métier (l'équivalent des auxiliaires de vie en France), de son quotidien auprès des "handis" comme il les appelle. Il dresse ainsi les portraits plein de délicatesse et de questionnements de Chesley, Tommy-Debout, Tommy-dans-son-fauteuil, Jon et Carolyn. 

Les cinq habitants de Melville Street ne sont pas tout à fait comme tout le monde: ils sont différents, et cette différence, le narrateur essaye de la comprendre et même de l'apprécier. Au début de son travail, plein de motivation,  il tentera par tous les moyens de communiquer avec les "handis", de leur apporter ce qu'il pense être le mieux. Puis viendra le moment où, découragé, il verra les petits actes et pensées de malveillance s'emparer de lui. Il découvrira en lui une violence qu'il n'avait jamais perçue jusqu'alors. Une violence due à quoi? Est elle vraiment due à la frustration de ne pouvoir communiquer et apporter davantage à ceux qu'il aurait voulu aider? Ou est elle due à son métier? Un métier où l'on est seul face à ses doutes et à la complexité des relations. Un métier aux horaires décalés et où les cahiers de liaison tiennent lieu de témoins? Un métier où les relations enter collègues se résument souvent à une bataille d'heures en plus ou en moins sur un planning? Un métier non reconnu et dont les conditions sont telles que nul ne peut l'exercer bien longtemps...Et pourtant...pourtant, la solitude de ce travail peut elle excuser tous ces petits actes de maltraitance qui se forment peu à peu? 

Voici un livre que je qualifierais d'authentique et qui nous monte à quel point nos relations à l'autre et à la différence peuvent être complexes. Un livre sur l'ambivalence des sentiments face à cette différence. Un livre sur l'échange et la communication également. Un livre qui nous interroge sur nos propres limites...et sur notre propre différence...
 

Extrait:

"De désœuvrement en désœuvrement, je me décidai à parler. Parler à un homme absolument fait de silence, parler à un autre fait d’incompréhension. Parler comment et pour dire quoi?
Aid Service, pour nous aider, avait mis en place un système qu’ils avaient appelé le langage total. C'était une méthode qui devait permettre à tout le monde de s’exprimer et de comprendre. Dans un classeur, ils expliquaient leur démarche et disaient en mots bien alignés : «Parlez, faites parler, échangez, que chacun trouve sa place et ses mots.»
Mais ce que je voyais, c’était la solitude des employés face à leur travail, pour seule aide quelques feuilles rédigées et un langage total que personne n’avait jamais eu l’idée, la patience ou le temps d’utiliser.
Wayne et Khim, mes partenaires alternés de week-end, parlaient peu. Tous les deux dans leur bulle audiovisuelle, ils levaient un œil de temps en temps puis replongeaient, tandis que Chesley leur tournait autour pour voir ce qu’ils faisaient, une curiosité généralement sans réponse.
La parole était ailleurs."


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