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mardi 15 octobre 2019

Une bête au paradis - Cécile Coulon

Par Ariane



Auteur : Cécile Coulon
Titre : Une bête au paradis
Genre : roman
Langue d’origine : français
Editeur : Iconoclaste
Nombre de pages : 352p
Date de parution : septembre 2019

Présentation de l’éditeur :
La vie d’Émilienne, c’est le Paradis. Cette ferme isolée, au bout d’un chemin sinueux. C’est là qu’elle élève seule, avec pour uniques ressources son courage et sa terre, ses deux petits-enfants, Blanche et Gabriel. Les saisons se suivent, ils grandissent. Jusqu’à ce que l’adolescence arrive et, avec elle, le premier amour de Blanche, celui qui dévaste tout sur son passage. Il s’appelle Alexandre. Leur couple se forge. Mais la passion que Blanche voue au Paradis la domine tout entière, quand Alexandre, dévoré par son ambition, veut partir en ville, réussir. Alors leurs mondes se déchirent. Et vient la vengeance.

Mon avis :
Incontournable Cécile Coulon ! Elle l’est devenue pour moi depuis plusieurs romans qui ont tous été, ou pas loin, des coups de cœur. Il y a une sincérité qui me touche dans son écriture autant que dans ses personnages et leurs histoires, dans les thèmes qu’elle aborde.
Elle nous raconte cette fois l’histoire d’une ferme, Le Paradis. Blanche et Gabriel y grandissent après le décès brutal de leurs parents, Louis adolescent victime de la brutalité de son père y a aussi trouvé refuge et Emilienne porte à bout de bras tout ce petit monde. Les années passent, Blanche tombe amoureuse d’Alexandre au grand désespoir de Louis. Mais si Alexandre rêve de partir et de se construire un avenir ailleurs, Blanche est incapable de quitter sa terre.
Sous une apparente simplicité, Cécile Coulon imagine une histoire riche et complexe, digne d’une tragédie antique, comme c’était déjà le cas avec Trois saisons d’orages. Histoire d’amour, de jalousie et de vengeance, histoire de famille et de transmission, histoire de destins que l’on subit, que l’on accepte ou que l’on rejette, histoire de la terre que l’on possède ou que l’on garde,… il y a plus d’une histoire dans ce roman.
Et ces histoires sont portées par plusieurs personnages tout aussi riches et complexes. Deux personnages féminins déjà. Blanche, héroïne du roman, belle, sauvage et intransigeante. Emilienne, la gardienne, le roc sur lequel Gabriel, Blanche et Louis ont pu se reconstruire. Mais les personnages masculins sont tout aussi intéressants. Gabriel, touchant dans sa naïveté et sa fragilité d’orphelin. Alexandre, qui n’a rien et doit tout construire. Louis, l’adolescent battu qui façonné par Emilienne devient un homme solide, efficace et dévoué. Je crois que c’est le personnage qui m’a le plus émue. Cet homme si profondément attaché à cette terre qui ne sera jamais sienne, à cette famille à laquelle il n’appartiendra jamais, l’amoureux qui n’a aucune chance, « il occupait la place d’un animal domestique, intelligent et docile. »
Un coup de cœur une fois encore. Décidément elle m’épate Cécile Coulon !

Extrait :
« Aurore comprenait qu’elle ne soignerait pas Gabriel, qu’il y avait en lui un arbre noir depuis l’enfance, que la mort de ses parents avait arrosé de colère ; elle ne pouvait pas le tomber, cet arbre, seulement couper quelques branches quand elles devenaient trop encombrantes. Elle le rafraîchissait, le frictionnait de ses mots et de son sourire, elle le secouait pour que tombent de son âme des feuilles mortes et des fruits empoisonnés. »

« Il ne faisait pas partie de la famille. Il était employé, ici. On ne lui avait rien dit, parce qu'on attendait de lui ce qu'on attendait d'un commis de ferme. Nourrir les poules. Nettoyer la cour. Inspecter la grange. Trier les œufs. Traire les vaches. Il ne faisait pas partie de la famille, il faisait partie de la ferme. Louis avait oublié ce que c'était d'être du paysage sans être de la photo. »

« Emilienne soignait les blessures des enfants à la manière d'un chirurgien manquant de tout, elle faisait avec ce qu'elle avait, c'est-à-dire elle-même, ses vaches, ses poules et ses cochons, ses champs, sa cheminée, ses étangs. Sa troupe se rassemblait chaque soir et se disloquait chaque matin, sûre de son chef d'orchestre. Le corps d'Emilienne était celui d'une ogresse affamée, d'une rudesse et d'une solidité à toute épreuve, capable de douceur comme de violence, capable de caresses comme de gifles, et tous autour d'elles s'appuyaient sur ce corps pour rester debout. »

 Catégorie Gros mot

samedi 21 septembre 2019

Le monarque des ombres - Javier Cercas

Par Ariane


Auteur : Javier Cercas
Titre : Le monarque des ombres
Genre : roman
Langue d’origine : espagnol
Traductrice : Aleksandar GRUJICIC, Karine LOUESDON
Editeur : Actes sud
Nombre de pages : 320p
Date de parution : août 2018

Présentation de l’éditeur :
Un jeune homme pur et courageux, mort au combat pour une cause mauvaise (la lutte du franquisme contre la République espagnole), peut-il devenir, quoique s’en défende l’auteur, le héros du livre qu’il doit écrire ? Manuel Mena a dix-neuf ans quand il est mortellement atteint, en 1938, en pleine bataille, sur les rives de l’Èbre. Le vaillant sous-lieutenant, par son sacrifice, fera désormais figure de martyr au sein de la famille maternelle de Cercas et dans le village d’Estrémadure où il a grandi. La mémoire familiale honore et transmet son souvenir alors que surviennent des temps plus démocratiques, où la gloire et la honte changent de camp. Demeure cette parenté profondément encombrante, dans la conscience de l’écrivain : ce tout jeune aïeul phalangiste dont la fin est digne de celle d’Achille, chantée par Homère – mais Achille dans l’Odyssée se lamentera de n’être plus que le “monarque des ombres” et enviera Ulysse d’avoir sagement regagné ses pénates.
Que fut vraiment la vie de Manuel Mena, quelles furent ses convictions, ses illusions, comment en rendre compte, retrouver des témoins, interroger ce destin et cette époque en toute probité, les raconter sans franchir la frontière qui sépare la vérité de la fiction ?

Mon avis :
Dans ma longue liste de romans à lire, figure Le livre que je ne voulais pas écrire de Erwan Larher, qui m’a été conseillé par mon libraire peu après sa sortie. Je ne l’ai toujours pas lu, mais le titre aurait pu être celui de ce livre Javier Cercas.
Avant de cevenir écrivain, Cercas se disait qu’il devrait un jour écrire l’histoire de Manuel Mena. Mais devenu écrivain, il lui est devenu inimaginable de le faire. Il aura rejeté cette idée des années, avant de s’intéresser à Manuel Mena, de partir sur ses traces, tout en continuant à dire qu’il n’écrirait jamais sur lui. Manuel Mena était le grand-oncle de Javier Cercas, franquiste et phalangiste, mort en 1938 à l’âge de 19 ans, bien des années avant la naissance de celui qui décidera finalement d’écrire son histoire.
Ni un roman, ni une biographie, c’est le récit d’une enquête que nous raconte Cecas, tout en parlant de la mémoire familiale, des blessures mal cicatrisées de la guerre civile et de ses interrogations personnelles. Récit intime donc, dans lequel Cercas, homme de gauche, raconte sa honte du passé familial et notamment de cet encombrant ancêtre, Achille familial, mort de la belle mort des héros «kalòs thánatos ». A travers les souvenirs épars des rares personnes encore en vie à avoir connu l’oncle Manuel (un cousin, quelques voisines, la propre mère de Cercas) et à l’aide des documents historiques, Cercas nous dresse un portrait, ou plutôt une esquisse, du jeune homme. Manuel Mena demeure une ombre, un anonyme parmi les milliers de victimes de cette guerre. Ce n’est plus l’Achille de l’Illiade, mais celui de l’Odyssée, le monarque des ombres.
J’ai été surprise d’aimer autant ce livre. Je craignais de m’ennuyer, ce ne fut pas le cas (même si les passages consacrés aux mouvements de troupes et aux combats m’ont parus un peu longuets).

Extrait :
« Parce que nous ne sommes pas omniscients. Parce que nous ne savons pas tout. Quatre-vingts ans se sont écoulés depuis la guerre, et toi et moi on a dépassé la quarantaine, alors pour nous c’est du tout cuit, on sait que la cause pour laquelle Manuel Mena est mort n’était pas juste. Mais est-ce qu’il pouvait le savoir lui à l’époque, lui, un gamin sans aucun recul et qui, en plus, était à peine sorti de son village ? Tiens, et tant qu’on y est, la cause pour laquelle Achille est mort était-elle juste ou injuste ? A moi, elle me semble absolument injuste : la pauvre Hélène avait tout le droit du monde de fuir avec Pâris et de quitter Ménélas, qui d’ailleurs était un véritable enquiquineur en plus d’être un vieux fossile… Toi, tu crois quoi, que c’est un argument suffisant pour déclencher une guerre, et aussi horrible que celle de Troie par-dessus le marché ? Non, sérieusement :ne jugeons pas Achille selon que la cause de sa mort est juste ou injuste, jugeons-le à la noblesse de ses actes, la décence et le courage et la générosité avec lesquels il a agi. Ne faut-il pas en faire autant avec Manuel Mena ? »

Catégorie métier

mardi 10 septembre 2019

Les collines d'eucalyptus - Duong Thu Huong

Par Ariane



Auteur : Duong Thu Huong

Titre : Les collines d’eucalyptus

Genre : roman

Langue d’origine : vietnamien

Traductrice : Phuong Dang Tran

Nombre de pages : 792p

Date de parution : janvier 2014

Présentation de l’éditeur :

Derrière les barreaux de sa prison, Thanh contemple les derniers lambeaux de brume sur la paroi rocheuse qui lui tient désormais lieu d’horizon. Il a été condamné aux travaux forcés.
Parce que ce jeune homme sans histoire, excellent élève et fils modèle, a découvert très tôt son homosexualité et qu’il lui a paru insurmontable de l’avouer à ses parents, son destin a basculé. Comment il est tombé sous la coupe d’un mauvais garçon avec qui il a fui sa ville natale et comment il s’est retrouvé piégé, c’est le fatal et poignant engrenage que Duong Thu Huong met en scène.
Thanh est désespérément seul pour cette descente dans les cercles de son enfer intime. Il ne peut confier à personne les affres de sa relation avec son compagnon qui, en parfait manipulateur, joue de l’attirance physique qu’il exerce pour vivre à ses crochets. Honteux de sa faiblesse et de sa lâcheté, Thanh se garde bien de demander conseil à Tiên Lai, l’homme mûr en qui il a pourtant le sentiment d’avoir rencontré un alter ego.
À Dalat où ils végètent comme ramasseurs de balles sur des cours de tennis, Thanh n’a pas la force d'éconduire son mauvais génie. Il s'enfuit en vain à Saigon, croyant trouver refuge dans l'anonymat de la métropole.
Si l’issue de cette sombre liaison est bien fatale, Duong Thu Huong écrit pourtant un roman de la rédemption. Son jeune héros, dont les tribulations lui donnent la matière d'une vertigineuse plongée dans le Vietnam de la fin des années 80, ne finira pas au bagne.
Les Collines d'eucalyptus est une somptueuse variation sur le thème du retour de l’enfant prodigue, un roman éclairé par la compassion et l'intelligence humaine qu'un écrivain au sommet de son talent témoigne à ses personnages.



Mon avis :

Plus de deux ans déjà depuis ma dernière lecture de Duong Thu Huong. Pourquoi attendre aussi longtemps avant de retrouver une autrice dont chaque lecture m’a enchantée ?

Ici elle nous raconte l’histoire de Thanh. Fils adoré d’une famille aimante, il a fugué brusquement à l’âge de 16 ans et disparu sans donner de nouvelles. Par crainte que ses parents n’acceptent pas son homosexualité, il s’est enfui avec son amant. Difficile d’imaginer couple plus mal assorti ! Phu Vuong est un voyou, pas un de ces voyous au grand cœur que l’on rencontre parfois en littérature, mais un garçon manipulateur, cynique et mesquin. L’issue de cette relation nous la connaissons dès les premières pages du roman. Thanh est en prison, condamné à vingt-cinq ans de travaux forcés pour meurtre.

Thanh nous l’avions déjà rencontré dans Sanctuaire du cœur. C’est donc une variation sur ce sujet que nous propose Duong Thu Huong, en imaginant un autre destin au jeune homme, une nouvelle cause à sa fugue. J’ai vraiment préféré cette version de l’histoire, du personnage. Thanh est un personnage touchant, que nous suivons de son enfance heureuse jusqu’en prison. Avec lui toute une galerie de personnages, attachants ou détestables, des tranches de vie joyeuses ou tragiques.

Une nouvelle fois, Duong Thu Huong fait vivre le Vietnam pour son lecteur : les paysages, les costumes, les parfums et la cuisine, sous sa plume, tout est là, on y croit, on y est ! Elle sait nous montrer tous les paradoxes de ce pays, entre traditions et modernité.

Portrait d’une société en pleine mutation et récit d’une vie, porté par une écriture vivante et poétique : c’est parfait ! Les quelques 800 pages se lisent sans que l’on s’en rende compte et c’est avec regret que l’on quitte Thanh.



Extrait :

« Des lambeaux de brouillard stagnent encore au-delà de la faille rocheuse, alors que les premiers rayons du soleil effleurent déjà la cime des arbres de ce côté-ci. Soudain, tel un filet de fumée, la brume monte au ciel et se fond dans les nuages, les métamorphosant en gigantesques boules de coton. Le paysage se transforme, fantastique. La nature semble une vaste scène de théâtre qu’envahiraient les fumées et la neige artificielle produites par des engins modernes.
Ce n’est pas un théâtre, c’est le bagne. »