samedi 30 novembre 2019

Bilan de novembre (Ariane)

Par Ariane

Voici déjà le moment de faire le bilan de mes lectures du mois, il faut dire que novembre a été un bon cru, avec plusieurs excellentes lectures.
La maison du marais de Florence Warden fut ma première lecture du mois et la moins enthousiasmante. Pas désagréable mais beaucoup trop conventionnel.
Dans le même genre, Sarah Watters signe avec L'indésirable un roman qui n'est pas sans rappeler Rebecca ou Jane Eyre.
J'ai enfin pu lire Le braconnier du lac perdu, le dernier volume de la trilogie écossaise de Peter May. Pas mal mais nettement moins bien que les deux autres.
Enorme découverte avec Le désert des tartares de Dino Buzzati. Exceptionnel !
J'ai également lu trois romans de la dernière rentrée littéraire.
Claire Berest nous parle de Frida Kahlo et Diego Rivera dans Rien n'est noir tandis que dans L'âge de la lumière Whitney Scharer s'est intéressée à Lee Miller et Man Ray. J'ai préféré le premier au second.
Grand coup de cœur pour Cent millions d'années et un jour de Jean-Baptiste Andrea. Une pépite !
 



En ce moment je lis



En général j'ai peu de temps pour lire en décembre, trop accaparée par la préparation des fêtes et trop heureuse de passer du temps avec mes enfants et mes proches. Néanmoins, j'ai une bonne petite pile à lire sur ma table de chevet. Si j'en lis la moitié ce sera déjà bien !









Et vous, qu'avez-vous lu ?

vendredi 29 novembre 2019

La marche de Mina - Yoko Ogawa

Par Daphné















Auteur : Yoko Ogawa
Titre : La marche de Mina
Genre : roman
Langue d’origine : japonais
Traductrice : Rose-Marie Makino-Fayolle
Editeur : Acte Sud

Résumé de l'éditeur :

A onze ans, Tomoko s’apprête à passer une année seule chez son oncle et sa tante. Ces gens, qu’elle ne fréquentait pas jusqu’alors, vivent près de Kobe dans une très belle demeure. Leur fille Mina, une enfant de douze ans étonnamment mûre pour son âge, passe ses journées dans les livres, collectionne les boîtes d’allumettes illustrées et se promène à dos d’hippopotame quand sa santé fragile le lui permet.
Mais ce n’est pas la seule particularité de cette famille. Pour Tomoko, le plus étrange se situe peut-être au niveau de leurs origines car la grand-mère Rosa se souvient de son Allemagne natale et parle de cette Europe lointaine que Tomoko ne connaît pas.
A travers la passion de Mina pour la littérature, les récits de Rosa, la retransmission à la télévision des Jeux Olympiques de Munich ; c’est une toute nouvelle ouverture sur le monde qui lentement s’offre à Tomoko et le début d’une longue amitié d’enfance au cœur des années soixante-dix, du Japon jusqu’à Francfort, où Mina deviendra plus tard agent littéraire.
Ecrit en 2006, ce livre est tout en sensibilité. Roman de la maturité, Yoko Ogawa explore les liens issus de l’enfance avec générosité et fantaisie. Abordant pour la première fois le thème de l’étrangeté des origines, la romancière met en scène les années soixante-dix vues du Japon pour finalement placer cette histoire, comme ce fut le cas dans La formule préférée du professeur, sur la partition de la tendresse.


Mon avis :

Yoko Ogawa est une auteure dont je ne me lasse pas ! Découvrir un de ses livres, c'est se plonger dans un je ne sais quoi de tendresse et d'étrange, un je ne sais quoi qui me plaît beaucoup !

Tomoko, douze ans, passe une année chez son oncle et sa tante qu'elle ne connaissait pas jusque là. Elle découvre alors cette famille dont elle ignorait tout : son oncle, si beau, qui disparaît parfois des jours entiers, sa tante qui trompe sa solitude en cherchant avec délectation les coquilles dans les livres, la grand-mère Rosa et son passé douloureux, Mme Yoneda, la gouvernante, qui veille tout autant sur la maison que sur ses habitants, le jardinier, qui s'occupe de Pochiko, l'hippopotame nain, et surtout Mina, sa cousine, petite fille à la santé fragile mais dotée d'une belle imagination, qui collectionne les boîtes d'allumette et adore la lecture. Tout ce petit monde changera la vie de Tomoko.

Il ne se passe pas grand chose dans ce livre, pas de grand événement, pas d'action. Le rythme est lent, nous contant simplement la vie qui s'écoule au sein de la maisonnée. Il ne se passe pas grand chose mais ce n'est pas dérangeant, absolument pas. Une touche de nostalgie et de douceur donne à ces pages une saveur particulière. On se laisse bercer par la plume tendre et subtile de l’auteure et on ressort de ce livre avec une envie d'inventer des histoires à partir de boîtes d'allumettes et de se balader à dos d’hippopotame! Encore un beau livre de Yoko Ogawa ! 


Extrait :

"Si l'on voulait expliquer en quelques mots qui était Mina, on pouvait dire que c'était une petite fille asthmatique, qui aimait les livres et allait à dos d'hippopotame. Mais si l'on voulait prouver qu'il s'agissait bien de Mina et de personne d'autre, il fallait dire que c'était une petite fille capable de frotter joliment les allumettes."

mercredi 27 novembre 2019

Mercredi, c'est le jour des petits - Mon petit monde - Emmanuelle Houssais

Par Daphné
















Auteur : Emmanuelle Houssai
Titre :  Mon petit monde
Editeur : Ricochet

Résumé de l'éditeur :

Le monde est plus fascinant que ce que tes yeux te montrent. Des minuscules êtres vivants, invisibles à l’œil nu, sont partout ! Dans ton corps, vivent des milliards de bactéries qui jouent un rôle essentiel pour ta santé. Un étonnant voyage à la découverte de ton petit monde microscopique.

Mon avis :

Merci tout d'abord aux éditions Ricochet et à Babelio pour m'avoir envoyé ce livre. 

Mes filles et moi connaissions déjà un album de cette auteure, Avant moi que nous prenons souvent plaisir à relire. Comme ce dernier, Mon petit monde nous entraîne dans le monde de la science, cette fois avec la découverte des bactéries. Le texte, facilement compréhensible, et les illustrations colorées et très parlantes, permettent ainsi à l'enfant de découvrir les bactéries, les bonnes comme les moins bonnes, leur rôle, leur diversité, leur nombre, les milieux dans lesquels elles évoluent. 

Mes filles ont été ébahies d'apprendre que notre corps contenait plus de bactéries que le système solaire ne compte d'étoiles. Les illustrations, très claires et le texte tout à fait accessible pour des enfants de cet âge, les ont beaucoup intéressées. 

Un chouette album qui permet d'aborder la science d'une manière absolument pas rébarbative et qui explique très bien l'importance des règles d'hygiène, sans pour autant être moralisateur. De quoi éveiller la curiosité des petits curieux!

mardi 26 novembre 2019

L'indésirable - Sarah Watters

Par Ariane

Auteur Sarah Waters
Titre : L’indésirable
Genre : roman
Langue d’origine : anglais
Traducteur : Alain Defossé
Editeur : Denoël
Nombre de pages : 720p
Date de parution : août 2010

Présentation de l’éditeur :
Au hasard d'une urgence, Faraday, médecin de campagne, pénètre dans la propriété délabrée qui a jadis hanté ses rêves d'enfant : il y découvre une famille aux abois, loin des fastes de l'avant-guerre. Mrs Ayres, la mère, s'efforce de maintenir les apparences malgré la débâcle pour mieux cacher le chagrin qui la ronge depuis la mort de sa fille aînée. Roderick, le fils, a été grièvement blessé pendant la guerre et tente au prix de sa santé de sauver ce qui peut encore l'être. Caroline, enfin, est une jeune femme étonnante d'indépendance et de force intérieure. Touché par l'isolement qui frappe la famille et le domaine, Faraday passe de plus en plus de temps à Hundreds. Au fil de ses visites, des événements étranges se succèdent : le chien des Ayres, un animal d'ordinaire docile, provoque un grave accident, la chambre de Roderick prend feu en pleine nuit, et bientôt d'étranges graffitis parsèment les murs de la vieille demeure. Se pourrait-il qu'Hundreds Hall abrite quelque autre occupant?

Mon avis :
Après avoir lu L’étreinte de glace et La maison du marais, j’avais envie de  poursuivre cette incursion dans ce type d’univers. L’ambiance manoir anglais et fantôme, ça me parle bien ! Aussi ai-je fouillé ma longue, très longue, liste de livres à lire à la recherche du livre idéal. J’ai jeté mon dévolu sur ce titre se Sarah Watters, qui certes est beaucoup plus récent et qui dont l’intrigue se déroule dans les années 40, mais l’ambiance est bien celle que je cherchais.
Lors d’une fête organisée à Hundreds Hall en 1919 pour les villageois, le jeune Faraday avait été fasciné par la grande demeure et la famille Ayres. Peu de temps après la fin d’une autre guerre mondiale, c’est en tant que médecin qu’il franchit à nouveau les grilles du manoir. Appelé au chevet d’une domestique, il découvre une demeure qui tombe en ruine. Ruine qui menace aussi la famille Ayres. Touché par la détresse de la famille, Faraday se rapproche d’eux et se rend vite indispensable, alors même que surviennent d’étranges évènements.
Ainsi donc, ce roman était tout ce que je cherchais à ce moment là ! Sarah Watters part d’un grand classique du genre, la maison hantée, mais décline savamment une intrigue prenante et pleine de fausses pistes. On se perd en conjectures. Que se passe-t-il réellement à Hundreds Hall ? Un fantôme ? Un poltergeist ? Qui alors ? Ou la folie ? Une hystérie collective ? Tout est possible et l’on passe d’une certitude à l’autre, la tension va crescendo, d’autant plus que tout est suggéré, subtil. Lugubre au départ, la vieille maison semble prendre vie et devenir de plus en plus oppressante.
Au-delà de l’aspect fantastique de l’histoire, on peut également s’intéresser à l’aspect social de celle-ci. En 1919, la famille Ayres est riche et influente, leur train de vie opulent, la maison magnifique fourmille de domestiques. A peine trente ans plus tard, la famille est en plein déclin et doit se séparer de ses terres pour survivre. Roderick, maître de maison depuis la mort de son père est obligé de travailler à la ferme, tandis que sa sœur Caroline gère la maison épaulée par une jeune bonne, effectuant les mille et un travaux auparavant effectués par une armée de domestiques. Le temps des grandes familles est terminé, vient désormais celui des entrepreneurs comme Bab qui construit un lotissement sur les anciennes terres de la famille ou des nouveaux bourgeois, comme le docteur Faraday, homme du peuple, qui se rapproche de plus en plus de la famille, chose impensable quelques décennies plus tôt.
Une très bonne lecture à conseiller aux inconditionnels de Rebecca !

Extrait :
« J'avais dix ans quand je vis Hundred Halls pour la première fois. C'était l'été qui suivit la guerre, les Ayres possédaient encore presque tout leur argent et demeuraient des gens importants dans la région. »

« J'allai de nouveau observer les trois marques de brûlures : je me rendis soudain compte qu'elles étaient semblables aux cicatrices que Rod portait au visage et aux mains. Comme si la maison se couvrait de ses propres cicatrices, peut-être en réponse à sa tristesse et à sa colère - ou bien à celles de Caroline ou de sa mère -, en réponse aux chagrins et désillusions de toute la famille. Cette pensée était horrible. Je compris soudain ce que Caroline voulait exprimer quand elle disait que les marques sur les murs et les meubles lui faisaient froid dans le dos »

« Nous sommes là devant une situation encore plus étrange que l'hystérie. C'est comme si...ma foi, c'est comme si quelque chose aspirait lentement la vie de cette famille.
-Sans aucun doute! fit-il avec un nouvel aboiement de rire. Et cette chose s'appelle Gouvernement Travailliste. Le problème des Ayres -ne croyez-vous pas - c'est qu'ils ne peuvent pas ou ne veulent pas s'adapter. Comprenez-moi bien: j'ai beaucoup de compassion pour eux. Mais que reste-il pour une famille comme la leur dans l'Angleterre d'aujourd'hui? Du point de vue social, ils sont fichus. Et d'un point de vue nerveux, ils sont peut-être en bout de course. »

lundi 25 novembre 2019

Sirènes, au coeur du peuple des eaux - Pierre Chavot

Par Daphné















Auteur : Pierre Chavot
Titre : Les sirènes, au cœur du peuple des eaux
Genre : merveilleux, mythologie, 
Editeur :  Chasse Marée
Nombre de pages : 159

Résumé de l'éditeur :

Des sirènes ensorcelant Ulysse voilà près de 3 000 ans à la petite sirène amoureuse du conte d'Andersen, voici une promenade dans les traditions orales des populations littorales des Sept Mers. Bienvenue dans le monde merveilleux du Peuple des Eaux, habité par une multitude d'êtres inquiétants, fascinants ou séduisants. Quand les sirènes sont-elles apparues ? D'où viennent-elles ? Quelle est l'origine de leur fameuse queue de poisson ? Comment en capturer une ?

Un voyage dans les mythes pour raconter, en image et en texte, la formidable histoire des sirènes, de l'Antiquité à nos jours.

Elles ne sont pas d'ailleurs les seuls êtres aquatiques. Les aventures prêtées aux Walkyries germaniques, aux Selkies celtes, à Viviane, la dame du Lac, aux Ondines, à la prestigieuse Mélusine, et à bien d'autres encore, comme les belles mais redoutables Roussalki slaves, ne sont pas moins passionnantes.

Pierre Chavot replace soigneusement chaque mythe dans son contexte. Son érudition lui permet de tisser des liens entre les panthéons européens, asiatiques, américains et africains.


Mon avis :

Voici le genre de livres dont je raffole : un livre qui nous parle d'un être imaginaire dont le mythe, très puissant, se décline en de multiples versions, qui nous explique les origines de ce mythe, l'époque où il est apparu, la manière dont il est traité, encore et encore au travers des siècles. Cet être, c'est la sirène. Tour à tour maléfique ou divine, mi femme mi serpent, poisson ou oiseau, habitante des eaux douces ou salées, la sirène, de tout temps, fascine. On la rencontre sur tous les continents et elle change d'aspect, de nom ou d'histoire selon les époques mais demeure envoûtante. 

A l'image de Pierre Dubois et de ses encyclopédies sur les elfes, les lutins ou les fées, Pierre Chavot nous offre là une véritable encyclopédie sur les sirènes. De la selkie des shetlands à la petite sirène d'Andersen, de la Dame du lac des récits arthuriens aux Néréïdes, il nous parle de toutes ces femmes qui hantent le moindre coin d'eau, des légendes les plus connues et de celles dont on ignore presque tout.

Qui sont réellement les sirènes et d'où viennent-elles ? Quelles sont leurs histoires ? quel mythe est-il puisé à partir d'un autre ? Si vous êtes tentés par le chant des sirènes, il ne reste plus qu'à vous plonger dans ce livre tout aussi passionnant que les êtres des eaux !

Extrait :

Pas d'extrait cette fois-ci : j'ai oublié d'en noter un avant de rendre le livre à la médiathèque... et c'est bien dommage!

samedi 23 novembre 2019

Cent millions d'années et un jour - Jean-Baptiste Andréa

Par Ariane




Auteur : Jean-Baptiste Andréa
Titre : Cent millions d’années et un jour
Genre : roman
Langue d’origine : français
Editeur : L’iconoclaste
Nombre de pages : 320p
Date de parution : août 2019

Présentation de l’éditeur :
1954. C’est dans un village perdu entre la France et l’Italie que Stan, paléontologue en fin de carrière, convoque Umberto et Peter, deux autres scientifiques. Car Stan a un projet. Ou plutôt un rêve. De ceux, obsédants, qu’on ne peut ignorer. Il prend la forme, improbable, d’un squelette. Apatosaure ? Brontosaure ? Il ne sait pas vraiment. Mais le monstre dort forcément quelque part là-haut, dans la glace. S’il le découvre, ce sera enfin la gloire, il en est convaincu. Alors l’ascension commence. Mais le froid, l’altitude, la solitude, se resserrent comme un étau. Et entraînent l’équipée là où nul n’aurait pensé aller.

Mon avis :
Il y a quelques jours, je lisais Le désert des Tartares, roman dans lequel Drogo aura passé sa vie à attendre en vain la réalisation de son rêve. Après des années d’attente, enfermé dans un petit bureau, Stan paléontologue d’une cinquantaine d’années décide lui, d’aller au-devant de son rêve. Il faut dire qu’il a entendu une drôle d’histoire. Celle que racontait un vieux concierge qui jurait être tombé nez à nez quand il était enfant avec les restes d’un dragon dans ses montagnes. Hanté par cette histoire, Stan se prend à rêver. Un dragon, certes ça n’existe pas, mais le squelette d’un dinosaure, voilà ce que le jeune garçon avait peut-être trouvé. Accompagné de deux autres paléontologues, son vieil ami Umberto et le jeune Peter, et de Gio, guide qui connaît les montagnes par cœur, Stan part en quête de son dragon, de ses rêves d’enfant et de reconnaissance professionnelle.
C’est un conte fabuleux que nous offre Jean-Baptiste Andréa. Le récit d’une quête, des rêves d’enfant et de l’amitié. Il y a la réalité du chantier de fouille en montagne, le travail incessant, les mains abîmées et la fatigue, le danger permanent de l’accident et la menace de l’arrivée de l’hiver. Il y a la solitude et l’isolement, l’amitié et les disputes. Il y a Peter, l’étudiant fantasque, sui se sert d’une marionnette pour divertir et se révéler, Gio le guide qui ne parle pas la langue mais comprend tout, Umberto l’ami de toujours, le roc. Et il y a Stan. L’enfant solitaire, adoré de sa mère et méprisé par son père, avec pour seul ami un chien. L’enfant passionné de fossiles qui a osé contredire le père, rejeter la ferme et poursuivre son rêve. Stan, paléontologue raté, qui a plus arpenté les bibliothèques que les chantiers de fouilles, bien décidé à se faire un nom et à devenir enfin celui qu’il voulait être.
J’ai tout aimé dans ce roman : l’histoire, les personnages, le style de l’auteur. Au départ, ça commence comme le simple récit d’une expédition scientifique. Une touche d’humour, les détails pratiques et c’est parti. Mais l’histoire est plus riche, plus complexe que ça. Récit de plus en plus introspectif, poétique, quasi mystique. C’est beau tout simplement !  

Extrait :
«Il faut peu de chose pour tuer une étoile. Il suffit d’un réverbère. »

«  La prochaine fois que l’aube me secouera, je n’ouvrirai pas les yeux. C’est un piège. L’aube ment à ceux qu’elle réveille, à l’homme d’affaires, à l’amoureux, à l’étudiant, au condamné à mort et, oui, au paléontologue aussi. Elle nous remplit d’espoir pour mieux nous décevoir. Le crépuscule, plus vieux et plus sage d’une journée, m’a fait la leçon : j’ai été bien naïf de la croire. »

« Qui dit que les montagnes n'ont pas de sentiments, elles qui rougissent au lever du soleil ? »

« – Une montagne, tu ne sais jamais si tu la retrouveras où tu l’as laissée.
Les deux hommes continuent d’avancer du même air grave. Je viens de bénéficier de la sibylline sagesse des Dolomites. Ou alors, ces rudes créatures ont un sens de l’humour que je ne soupçonnais pas. »

« Si nous ne sommes pas capables de croire à une histoire juste parce qu'elle est belle, à quoi bon faire ce métier ? »

« (…) ma tristesse vient de plus loin. Elle vient du gamin qui, un jour, décida de devenir paléontologue. Pas par goût de l’aventure. Pas pour la célébrité, ou la gloire – même si ces dernières feraient bien les affaires. Pas davantage pour la reconnaissance de ses pairs ou l’enrichissement, ça non ! Non, on devient paléontologue parce qu’on aime les histoires. Pour en raconter, à soi et aux autres. J’ai vraiment cru que celle-ci méritait de l’être. »

« J’en veux à tout ce blanc, ce blanc de neige qui nous rend fous et égare tout, hommes et bêtes. J’ai beau savoir qu’un prisme révélerait les couleurs qui s’y terrent, j’ai beau me répéter que ce blanc est une larve d’arc-en-ciel, décidément, je ne peux pas lui pardonner. Je suis coupable, oui, coupable de nous être crus capables de lui tenir tête. »

« Appelez-moi neige : je ne suis plus rien d’autre. Elle est partout. Sur les montagnes et dans les creux, en équilibre sur les crêtes. Dans mon col, dans mes chaussures, dans mes gants. Dans mes poumons, dans ma bouche et dans mes yeux. Sur mes cils, dans ma barbe, dans ma tente. Je ne suis que neige »

« Maintenant je sais. Je sais à quoi ressemble l'hiver dans ces montagnes. C'est une locomotive. Une machine furieuse, un délire d'étincelles qui danse sur ses rails, un rire d'acier à l'horizon. Elle hurle, elle se cabre, elle tire en bondissant son cargo de fonte. Je parle bien sûr de l'hiver pur, pas de la saison câline qui effleure chaque année nos existences de plaines et de villes. Je parle d'un dieu vorace dont la colère rabote les cimes et ponce les crêtes. Il donne de l'audace aux glaciers et souffle, perché sur ses montagnes, son mépris pour la vie. Il est destruction. Il est beauté à couper le souffle. »

« Personne ne les a pleurés parce qu'l n'y a eu personne pendant longtemps, parce qu'il a fallu attendre cent quarante millions d'années pour que quelqu'un ait enfin l'idée de pleurer.
Alors je reste à leur chevet, longuement, je veille sur leur sommeil dans cette nuit sans aube, sur leur amour immense, leur amour de géants.
Dormez, bientôt, je partirai sans vous réveiller, car de se réveiller il n'est plus question depuis longtemps. »