Affichage des articles dont le libellé est rentrée littéraire 2020. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est rentrée littéraire 2020. Afficher tous les articles

mardi 25 janvier 2022

Les métamorphoses - Camille Brunel

Par Ariane


Auteur : Camille Brunel

Titre : Les métamorphoses

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : Alma éditions

Nombre de pages : 195p

Date de parution : août 2020

 

Mon avis :

Deux œuvres littéraires majeures portent le titre de métamorphoses. Il y a celles d’Ovide et celle de Kafka. Les premières regroupent les récits de métamorphoses de la mythologie grecque. Pour les punir, parfois pour les sauver, des dieux métamorphosent des humains en animal ou en végétal. Dans la seconde, un homme se réveille un matin métamorphosé en cafard. C’est le début d’une histoire incroyable, prétexte à une critique sociale. Camille Brunel nous propose à son tour une singulière histoire de métamorphoses.

Un matin, une jeune femme aperçoit dans son jardin, un étrange oiseau. De longues pattes, un corps élancé, un cou gracile, un long bec  et la face rouge. Intriguée elle poste une photo sur les réseaux sociaux et quelques heures plus tard, la réponse : c’est une grue Antigone. Que fait-elle là ? Comment est-elle arrivée ici ? Nul ne le sait. L’histoire pourrait n’être qu’une anecdote surprenante, si d’autres animaux n’apparaissaient pas là où ils n’auraient pas dû être. Et tandis que des animaux apparaissent, des humains disparaissent…

Je ne l’ai pas présenté ici, mais j’ai participé sur Instagramm au jeu de l’Avent littéraire. A chaque jour, une catégorie et un titre. J’ai eu envie de citer ce livre de Camille Brunel à plusieurs reprises. J’aurais pu le citer pour « le livre qui a fait particulièrement écho en moi », « le livre le plus engagé », « le livre le plus déstabilisant » ou « le livre le plus poétique ». Mais c’est finalement pour la catégorie « le livre qui m’a inspiré des émotions extrêmes » que j’ai choisi de le citer.

Des émotions extrêmes, c’est exactement ça. Il y a eu l’émerveillement à imaginer des animaux libres et vivants au milieu des humains, la réjouissance à l’idée d’une nature qui reprend ses droits, l’éblouissement devant la beauté de l’écriture. Mais progressivement, l’inquiétude s’est installée. Les frontières entre humanité et animalité sont balayées, les sociétés et les relations humaines sont bouleversées par des transformations chaque jour plus nombreuses et parfois tragiques. On bascule progressivement dans un récit apocalyptique tendu et effrayant, mais toujours porté par cette écriture sublime qui donne aux descriptions les plus terribles une beauté tragique, voire parfois un comique tragique. Et lorsque l’angoisse est à son comble, l’auteur a la bonté de nous offrir une scène finale, d’une poésie et d’une sérénité bouleversantes.

Lorsque l’on parle des émotions et de l’intelligence animale, on est parfois accusé d’anthropomorphisme. Alors Camille Brunel prend le contrepied et décide de transformer les humains en animaux, pour nous inciter à réfléchir aux rapports que nous entretenons avec eux. Si l’être humain accorde aux animaux le statut d’être vivant, il leur refuse celui d’être. Asservi à l’espèce humaine, source de nourriture, de compagnie ou de distraction, l’animal est une bête, dont la vie ne vaut pas grand-chose si ce n’est celle que les humains veulent bien lui accorder.

Lorsque j’ai refermé ce roman, j’étais dans le train pour Paris, en route pour la rencontre organisée par l’équipe des 68 premières fois. Rencontre où était invité Camille Brunel. J’ai eu l’occasion de lui parler quelques minutes, mais je n’aurais pas su lui dire à quel point la lecture de son livre m’avait bouleversée, bousculée, métamorphosée peut-être… Plusieurs mois après, les émotions sont toujours aussi fortes. Entre émerveillement et terreur… et espoir qu’un jour, l’équilibre soit rétabli, sans en arriver à une disparition de l’espèce humaine.

 

mardi 23 novembre 2021

Les lettres d'Esther - Cécile Pivot

Par Ariane

Auteur : Cécile Pivot

Titre : Les lettres d’Esther

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : Calmann-Lévy

Nombre de pages : 320p

Date de parution : septembre 2020

 

Mon avis :

Les rencontres de lecteurs organisées par la librairie Mots et Cie ont été suspendues pendant un bon moment à cause de l’épidémie de coronavirus et c’est avec plaisir que j’ai retrouvé les autres lecteurs il y a quelques semaines. Parler littérature avec d’autres passionnés en dégustant une bonne tasse de thé, quel plaisir ! L’occasion aussi d’échanger sur nos lectures et de découvrir de nouveaux livres, comme ce roman de Cécile Pivot qui m’a été recommandé et prêté par Catherine. Merci !

Esther est libraire dans le nord de la France. Alors qu’elle vient de perdre son père, avec qui elle entretenait une correspondance régulière, elle a l’étrange idée de lancer un atelier d’écriture épistolaire. Une vingtaine de personnes répondent à son annonce, mais seules cinq d’entre elles décident effectivement de se lancer dans l’aventure : Jeanne, jeune retraitée qui vit seule à la campagne et qui souffre de la solitude, Samuel, tout juste sorti de l’adolescence et qui ne parvient pas à trouver sa place après la mort de son grand frère, Juliette qui a sombré dans une grave dépression du post-partum après la naissance de sa fille, son mari Nicolas bouleversé de voir la femme qu’il aime souffrir et effrayé pour l’avenir de sa famille et Jean un homme d’affaires toujours entre deux avions qui mène une brillante carrière mais n’a pas su garder sa famille auprès de lui. Tous traversent une période de bouleversement émotionnel et sont à la recherche de réponses, qu’ils trouveront peut-être dans les lettres d’inconnus.

S’il n’est pas évident d’écrire à un inconnu, les personnages de ce roman parviennent peu à peu à se livrer sans fards. Leurs lettres sont un lieu de rencontre, entre deux personnes a priori sans point commun. Que pourraient avoir à se dire une prof de piano retraitée et un jeune homme en rupture ? Une libraire de province et un riche homme d’affaires ? Pourtant ensemble, ils vont évoquer leurs souffrances, leurs espoirs, leurs peurs, leurs joies et leurs doutes.

A travers les voix de ces personnages, Cécile Pivot nous parle des problèmes et des interrogations que chacun d’entre nous rencontre au quotidien : la famille, la parentalité, le deuil, la carrière, l’écologie, l’argent, … Et il est véritablement question de voix, car lire leurs mots, c’est entendre leurs voix et s’attacher à eux. C’est parfois se reconnaitre et se livrer à une introspection en même temps que les personnages du roman.

C’est un livre qui fait du bien, car non seulement il traite de thèmes qui nous sont proches, mais surtout car il y a beaucoup d’humanité, de douceur, de bienveillance dans cette histoire. Et on a beau dire, ça fait du bien ! Pourtant je n’accroche pas du tout avec tous ces romans feel good, qui me semblent la plupart du temps bien mièvres et superficiels. Point de mièvrerie ou de superficialité ici, même s’il y a beaucoup de bons sentiments. Et après tout, ce n’est pas une mauvaise chose que d’avoir de bons sentiments ? Que de se sentir bien après une lecture ?

J’aime beaucoup lire des lettres, des cartes, tous ces petits mots que l’on échange avec ceux qui nous sont chers. Ou plutôt que l’on échangeait… la plupart de nos échanges écrits avec nos proches ne se font plus que sous forme de SMS. Ecrit-on encore des lettres ? Peu il me semble. Alors, en terminant ma lecture, j’ai commencé une lettre pour mon amie d’enfance. Nous nous sommes tant écrit lorsque nous étions au collège et au lycée ! Les petits mots glissés dans la trousse, les longues lettres pendant les vacances, … Et si trente après nous sommes toujours aussi proches, nous parlons régulièrement au téléphone pendant des heures, nous envoyons souvent des messages, mais nous ne nous écrivons plus. Quel dommage ! Alors voilà, des années après, j’ai écrit une nouvelle lettre. Une part de moi pour elle qui me connaît si bien… Me répondra-t-elle ?

mardi 12 octobre 2021

Que sur toi se lamente le Tigre - Emilienne Malfatto

Par Ariane

 

 


Auteur : Emilienne Malfatto

Titre : que sur toi se lamente le Tigre

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : Elyzad

Nombre de pages : 80p

Date de parution : septembre 2020

 

Mon avis :

C’est un premier roman très court, mais d’une intensité rare.

Quelques heures plus tôt, une jeune fille a appris qu’elle attendait un enfant. C’est une condamnation à mort. Parce que cet enfant a été conçu hors mariage, elle va être assassinée par son frère aîné. Elle sait qu’elle va mourir et elle ne peut rien faire, alors elle attend. Sa mère, sa belle-sœur, ses autres frères attendent aussi le retour de l’aîné qui ne sait pas encore qu’il va devoir devenir un assassin.

Cette histoire aurait pu être racontée à travers un long roman, mais l’autrice a fait le choix de la sobriété, du minimalisme même, donnant ainsi à cette histoire des allures de tragédies antiques. L’issue est inéluctable et les personnages ne peuvent échapper à la roue du destin qui s’apprête à les écraser. Ils n’ont aucun choix, aucune échappatoire ne s’offre à eux. Leurs voix se croisent, chacun leur tour ils prennent la parole en une longue tirade. Chaque personnage incarne un rôle : la belle-sœur, enceinte elle aussi, mais dont l’enfant aura le droit de naître parce que légitime, elle est la femme qui respecte les règles et s’y soumet sans discussion ; le frère cadet qui n’approuve pas ce qui va arriver mais n’essaiera pas de s’y opposer, parce qu’il n’a pas le choix, parce qu’il est lâche aussi ; le benjamin qui est encore un enfant et qui peut-être un jour aura la possibilité de vivre une autre vie… et le fleuve Tigre, éternel et immuable spectateur des tragédies humaines, chœur de ce récit.

Quelques dizaines de pages pour dire l’indicible, pour raconter l’histoire terrible, parce que vraie, des centaines de femmes et de jeunes filles, victimes de ce qui porte le nom, si mal porté, de crime d’honneur.

C’est un roman fulgurant, chaque mot parfaitement choisi, rien de trop, rien d’inutile. C’est un roman bouleversant et percutant. Magnifique et révoltant.

 

Extrait :

« Mes eaux sont depuis longtemps empoisonnées. Mon flot est large et lourd, mes berges limoneuses, mais je meurs peu à peu. Je meurs car depuis longtemps les hommes ont cessé de m’aimer et de me respecter. Ils ont pris goût au désastre.
Je ne suis plus source mais ressource, et les hommes de cette terre aride ont oublié qu’ils ne pourront pas vivre sans moi. Ils périront avec moi car nos destins sont liés. »

« Je suis l'assassin. Je vais tuer tout à l'heure et je l'ignore encore. Que ferais-je si je le savais ? Ferais-je demi-tour dans l'allée poussiéreuse ? Je vais tuer tout à l'heure et je penserai que je n'ai pas le choix. Sa vie ou notre honneur à tous. Ce n'est pas moi qui tuerai, mais la rue, le quartier, la ville. Le pays. »

« Les femmes de la famille doivent rester propres. Pures. Intouchées. Au prix du sang. Notre corps ni notre honneur ne nous appartiennent. Ils sont la propriété familiale. La propriété de nos pères et de nos frères. »

« Au fond, quelle importance. Nous tuons, nous sommes tués. Nous sommes un pays de victimes et d'assassins. »

mardi 6 avril 2021

L'accident de chasse - David L. Carlson et Landis Blair

Par Ariane

Auteur : David L. Carlson

Illustrateur : Landis Blair

Titre : L’accident de chasse

Genre : roman graphique

Langue d’origine : anglais (Etats-Unis)

Traductrice : Julie Sibony

Editeur : Sonatine

Nombre de pages : 472p

Date de parution : août 2020

 


Mon avis :

Le Grand Prix des Lectrices de Elle me fait sortir de ma zone de confort en proposant un roman graphique.

Après la mort de sa mère, Charlie Rizzo, douze ans, part vivre à Chicago auprès de son père aveugle. Celui-ci a perdu la vue suite à un accident de chasse pendant son enfance. Entre le garçon et son père, une relation complice se noue, bercée par les mots des poètes, la musique de Bach et le tic-tac de la machine à écrire. Le jeune garçon grandit et commence à avoir des mauvaises fréquentations. Le temps est venu pour Matt de raconter son histoire à son fils.. 

 

Peu adepte des bandes dessinées, j’ai carrément grimacé en voyant débarquer cet énorme pavé. La lourdeur de l’objet, les dessins en noir et blanc,… Impressionnant… Puis j’ai commencé à lire et j’ai été incapable de le reposer, fascinée par l’histoire autant que par les illustrations. 


Ce texte nous parle de l’amour d’un père et d’un fils, d’une amitié improbable, des choix que l’on fait et de leurs conséquences, des monstres qui cachent leur humanité, de la puissance de l’art… De très beaux sujets, forts et bouleversants, magnifiquement mis en valeur par les dessins faussement simples par la sobriété du noir et blanc, mais en fait extraordinairement complexes et détaillés. Un travail incroyable ! 


Je suis sortie de ma zone de confort et ça fait du bien !