jeudi 16 juillet 2015

Un faux pas dans la vie d'Emma Picard - Mathieu Belezi

Par Ariane



Auteur : Mathieu Belezi

Titre : Un faux pas dans la vie d’Emma Picard

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : Flammarion

Nombre de pages : 256p

Date de parution : janvier 2015

Présentation de l’éditeur :

Emma Picard et ses quatre enfants se sont installés entre Sidi Bel Abbes et Mascara à la fin des années 1860. Le gouvernement tentait de peupler l'Algérie récalcitrante et offrait aux colons des terres agricoles. L'auteur fait revivre cette période effroyable pour les colons pauvres confrontés à une avalanche de catastrophes naturelles.



Mon avis :

Dans ce long monologue Emma Picard raconte sa vie de colon en Algérie dans les années 1860. Un monologue qu’elle interrompt régulièrement pour s’adresser directement à son dernier fils malade. Elle raconte l’espoir d’une vie meilleure et la désillusion, elle raconte le travail harassant, la misère, la famine, la maladie, la nature hostile. Emma est une femme au bord de l’abîme qui a tout perdu. Raconter lui permet d’exorciser ces années de malheur, car l’Algérie ne lui aura offert que cela. C’est un texte bouleversant. L’alternance du discours d’Emma et ces interpellations à son fils donnent un texte rythmé. 

Emma est une mère avant tout. Elle est coupable selon elle. Coupable d'avoir cru en l'avenir, coupable d'avoir cru en une vie meilleure, coupable d'avoir provoqué le destin. Elle nous livre sa confession sans fard. 


J’ai tout de même un souci avec ce texte : les phrases se succèdent sans ponctuation (en tout cas sans point) ni majuscules. D’un côté je comprends que cela donne le rythme d’une litanie au texte. Mais tout de même, je n’en ai pas compris l’intérêt. C’est une mode ou quoi ? Au cours des derniers mois je crois en avoir lu au moins quatre. Si parfois cela semble en adéquation avec le narrateur (La couleur du lait de Leyshon Nell où la narratrice est une jeune domestique sachant à peine lire et écrire et qui écrit son histoire) dans d’autre cas comme dans Charlotte je n’en vois pas du tout l’intérêt.


J’ai par ailleurs aimé découvrir l’histoire de ces colons arrivés en Algérie un peu par hasard au cours du 19ème siècle. Des paysans, des travailleurs dans la misère à qui l’on faisait miroiter un avenir meilleur et qui sont partis des rêves pleins la tête pour se retrouver confrontés à une réalité bien différente de ce qu’ils avaient imaginé. A cette époque, l’Algérie est une terre française et on le ressent bien dans le texte de Mathieu Belezi, Emma ne côtoie que des colons et les Algériens sont au mieux employés par les Français et le plus souvent écartés dans la montagne et condamnés à une vie misérable. 


Un texte puissant et émouvant que je recommande.  



Extrait :

« j’espère que tu as fini par t’endormir, et que tu ne m’entends pas te raconter tout ça, mon pauvre fils, j’espère même que tu dors sur tes deux oreilles et que tu ne m’entends pas te déballer dans le détail l’histoire de notre aventure coloniale, comme si c’était vital pour moi de forcer ma nature et d’accepter le grand déballage de mes fautes, car fautes il y a

les grillons ont beau chercher à m’entortiller la mémoire en répétant la note têtue de leur rengaine nocturne au seuil de la porte qui marque la frontière entre eux et moi, ils ne sauraient me convaincre du contraire

oui fautes il y a, dans la mesure où je n’ai pas su comprendre que je n’avais rien à faire sur ces terres africaines, rien à conquérir, rien à construire, rien à espérer, surtout pas une vie meilleure, car l’Algérie était bien incapable de m’offrir quoi que ce soit

Léon, si je ne m’étais pas laissée berner par la France, vous seriez tous encore en vie et tous autour de moi, alors ne m’en veux pas de te raconter ce qui se raconte et ce qui ne se raconte pas dans la vie d’une femme, c’est l’heure de mon grand déballage

l’heure de forcer ma nature, de ravaler mes pudeurs, et de ne pas avoir peur d’être grossière si c’est nécessaire

mais j’espère quand même que tu ne m’entends pas te raconter tout ça, mon pauvre fils »

D'autres avis chez Clara,

4 commentaires:

  1. Il est dans ma pal et je suis certain qu'il va me plaire.

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  2. je n'ai pas été gênée par la la narration, une découverte forte pour moi !

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    1. Cela ne m'a pas vraiment dérangée mais je n'en ai pas compris l'intérêt. Mais c'est également pour moi une lecture forte et marquante.
      Ariane

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