mardi 12 octobre 2021

Que sur toi se lamente le Tigre - Emilienne Malfatto

Par Ariane

 

 


Auteur : Emilienne Malfatto

Titre : que sur toi se lamente le Tigre

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : Elyzad

Nombre de pages : 80p

Date de parution : septembre 2020

 

Mon avis :

C’est un premier roman très court, mais d’une intensité rare.

Quelques heures plus tôt, une jeune fille a appris qu’elle attendait un enfant. C’est une condamnation à mort. Parce que cet enfant a été conçu hors mariage, elle va être assassinée par son frère aîné. Elle sait qu’elle va mourir et elle ne peut rien faire, alors elle attend. Sa mère, sa belle-sœur, ses autres frères attendent aussi le retour de l’aîné qui ne sait pas encore qu’il va devoir devenir un assassin.

Cette histoire aurait pu être racontée à travers un long roman, mais l’autrice a fait le choix de la sobriété, du minimalisme même, donnant ainsi à cette histoire des allures de tragédies antiques. L’issue est inéluctable et les personnages ne peuvent échapper à la roue du destin qui s’apprête à les écraser. Ils n’ont aucun choix, aucune échappatoire ne s’offre à eux. Leurs voix se croisent, chacun leur tour ils prennent la parole en une longue tirade. Chaque personnage incarne un rôle : la belle-sœur, enceinte elle aussi, mais dont l’enfant aura le droit de naître parce que légitime, elle est la femme qui respecte les règles et s’y soumet sans discussion ; le frère cadet qui n’approuve pas ce qui va arriver mais n’essaiera pas de s’y opposer, parce qu’il n’a pas le choix, parce qu’il est lâche aussi ; le benjamin qui est encore un enfant et qui peut-être un jour aura la possibilité de vivre une autre vie… et le fleuve Tigre, éternel et immuable spectateur des tragédies humaines, chœur de ce récit.

Quelques dizaines de pages pour dire l’indicible, pour raconter l’histoire terrible, parce que vraie, des centaines de femmes et de jeunes filles, victimes de ce qui porte le nom, si mal porté, de crime d’honneur.

C’est un roman fulgurant, chaque mot parfaitement choisi, rien de trop, rien d’inutile. C’est un roman bouleversant et percutant. Magnifique et révoltant.

 

Extrait :

« Mes eaux sont depuis longtemps empoisonnées. Mon flot est large et lourd, mes berges limoneuses, mais je meurs peu à peu. Je meurs car depuis longtemps les hommes ont cessé de m’aimer et de me respecter. Ils ont pris goût au désastre.
Je ne suis plus source mais ressource, et les hommes de cette terre aride ont oublié qu’ils ne pourront pas vivre sans moi. Ils périront avec moi car nos destins sont liés. »

« Je suis l'assassin. Je vais tuer tout à l'heure et je l'ignore encore. Que ferais-je si je le savais ? Ferais-je demi-tour dans l'allée poussiéreuse ? Je vais tuer tout à l'heure et je penserai que je n'ai pas le choix. Sa vie ou notre honneur à tous. Ce n'est pas moi qui tuerai, mais la rue, le quartier, la ville. Le pays. »

« Les femmes de la famille doivent rester propres. Pures. Intouchées. Au prix du sang. Notre corps ni notre honneur ne nous appartiennent. Ils sont la propriété familiale. La propriété de nos pères et de nos frères. »

« Au fond, quelle importance. Nous tuons, nous sommes tués. Nous sommes un pays de victimes et d'assassins. »

6 commentaires:

  1. C'est horrible ! Et en même temps ce sujet si dur a l'air incroyablement bien traité...

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    1. Exactement, et je pense qu'il pourrait très bien intéresser des lycéens, ça serait une lecture très intéressante.

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  2. Je l'attends depuis des semaines à ma BM....

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