mardi 10 mai 2022

Avant que le monde ne se ferme - Alain Mascaro

Par Ariane

 


Auteur : Alain Mascaro

Titre : Avant que le monde ne se ferme

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : Autrement

Nombre de pages : 256p

Date de parution : août 2021

 

Mon avis :

Anton est un fils du vent, un Tzigane du clan des Torvath. Avec sa famille, il parcourt les routes d’Oulan-Bator à Vienne pour présenter un spectacle. Les Torvath sont des dresseurs de chevaux, mais il y a aussi des acrobates, un jongleur, des clowns, … Ils vivent libres et insouciants, un peu à l’écart du monde, au rythme des chevaux et au son des violons. Peut-être aurait-il fallu suivre les conseils du grand-père, qui avant de mourir prévoyait l’arrivée de démons et recommandait aux siens de partir loin, de l’autre côté du monde. Car les nazis ont pris le pouvoir et envahi la Pologne. Les Torvath et des milliers d’autres Tziganes sont raflés et enfermés. Anton va connaître l’enfer, la perte de tous ceux qu’il aime et les camps de concentration, avant de, peut-être, pouvoir de nouveau vivre libre.

Impossible de ne pas s’attacher aux personnages de ce roman et notamment à Anton, esprit libre, sensible et intelligent. Anton a retenu les noms de centaines de personnes qu’il a vu mourir, dans le ghetto ou dans le camp. Il est devenu tombeau et espère pouvoir un jour les libérer loin de l’horreur. Ces passages sont d’une beauté exceptionnelle…

Alain Mascaro réussit le tour de force, a priori impossible, d’écrire un roman lumineux, malgré l’horreur des événements racontés, malgré l’intensité des émotions, tristesse, colère et désespoir mêlés que le lecteur ressent en empathie avec les personnages. Même si l’espoir en l’avenir n’est pas totalement serein. L’insouciance et la liberté qu’ont connue les Tziganes semble définitivement révolue…

 

Extraits :

« Tout commença dans la steppe, dans le cercle des regards qui crépitaient avec le feu de camp. La voix du violon de Jag planait par-dessus l'hiver immobile qui parfois arrêtait le cœur des hommes. »

« Dans la kumpania, on se méfiait beaucoup de ceux qui savaient lire. Les livres étaient des prisons pour les mots, des prisons pour les hommes. Les premiers comme les seconds n’étaient libres qu’à virevolter dans l’air ; ils dépérissaient sitôt qu’on les fixait sur une page blanche ou un lopin de terre. »

« Oui, Anton eut le temps de s’imprégner de la beauté. Il la recueillait en lui au fil des chemins, il s’en nourrissait, il l’espérait sans cesse et sans cesse elle venait. Pourtant il savait qu’un jour elle lui serait retirée. Johann l’avait dit, son père le disait, Jag et les livres aussi. C’était dit, c’était écrit. L’histoire des hommes était ainsi faite qu’on ne pouvait pas faire un pas sans s’embourber dans un charnier. »

« Si tu veux obtenir quelque chose d’un animal domestique, parle à ce qui en lui est encore sauvage et tu verras que tu obtiendras bien plus que tu n’aurais obtenu en t’adressant à la part domestique. Il en va de même des hommes. Les gadjé sont des animaux domestiques, et nous aussi un peu, je crois, même si on s’en défend. Quoi qu'il en soit si tu veux obtenir quelque chose d'un homme, parle au Fils du vent qui est encore en lui, et non pas à tout ce qui l'entrave. Enlève la selle et le mors à ton cheval ; enlève aux hommes leurs oripeaux sociaux, leurs chaînes et tout ce qui les entrave : considère les nus et tu sauras qui ils sont... »

« Certains jours, quand le vent soufflait vers la Buna, l'air apportait ces âcres cendres, cette odeur charnue, insoutenable. On respirait la mort. "Inspire ! Inspire ! Disait encore Katok. Garde cet air-là au fond de tes poumons. Garde cette poussière d'âmes. Un jour, bientôt, tu iras les libérer ailleurs, tu leur donneras une vraie sépulture : le vent des steppes, le foehn ou le simoun, que sais-je ? Mais respire ! Respire les morts ! Ils t'en sauront gré!" »

« « Nous ne sommes que de passage, comprends-tu ? Nous sommes comme le chat de Kipling : tous les lieux se valent pour nous. C’est pour cela que les Fils du vent sont capables de prédire l’avenir, eux qui ne connaissent que le présent, parce qu’ils ne sont pas enracinés comme des arbres ou fichés en terre comme les pieux des clôtures, mais qu’ils ont gardé un lien primordial avec l’univers, avec la terre, avec le vent ! »


4 commentaires:

  1. Merci à vous pour ce très beau retour.🙏🌞

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  2. Ma libraire me l'avait conseillé, mais j'avais peur qu'il soit trop sombre.

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  3. ha ha ce roman est à la bibli (table des coups de coeur)

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