samedi 5 novembre 2016

Chanson douce - Leïla Slimani

Par Ariane



Prix Goncourt 2016
Auteur : Leïla Slimani

Titre : Chanson douce

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : Gallimard

Nombre de pages : 240p

Date de parution : août 2016

Présentation de l’éditeur :

Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d'un cabinet d'avocats, le couple se met à la recherche d'une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l'affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu'au drame.
À travers la description précise du jeune couple et celle du personnage fascinant et mystérieux de la nounou, c'est notre époque qui se révèle, avec sa conception de l'amour et de l'éducation, des rapports de domination et d'argent, des préjugés de classe ou de culture. Le style sec et tranchant de Leïla Slimani, où percent des éclats de poésie ténébreuse, instaure dès les premières pages un suspense envoûtant



Mon avis :

Si c’est une chanson douce, alors ce n’est pas la berceuse que l’on chante le soir à l’enfant qui s’endort, ni ce petit air que l’on fredonne un matin de printemps, c’est plutôt la mélodie angoissante qui accompagne certains films d’horreur.

Myriam et Paul Massé sont un couple de trentenaires parisiens parents de Mila et Adam. Diplômée en droit, Myriam a préféré consacrer son temps à ses enfants à la naissance de son aînée. Mais très vite elle s’est sentie enfermée dans cette maternité, frustrée d’une vie professionnelle et sociale, envieuse de son mari qui a une carrière et une vie en dehors du foyer. Alors lorsqu’un ancien camarade d’université lui propose un emploi elle saute sur l’occasion malgré ses réticences à confier ses enfants à une nounou. Après avoir rencontré plusieurs candidates, Paul et Myriam tombent sur Louise qui leur semble parfaite. Et parfaite elle l’est. Toujours ponctuelle, disponible, elle établit une vraie complicité avec les enfants et les parents retrouvent tous les soirs des enfants sages, une maison propre et rangée, et un bon petit plat sur la table. Pourtant, on sait bien que tout ne peut pas être aussi parfait.

Dès les premiers mots du roman, le drame est là. Les enfants sont morts. Assassinés par la nounou. Et la suite du roman va remonter le temps depuis l’arrivée de la nounou dans la famille jusqu’au terrible dénouement. Et assez vite les rapports entre le couple et la nounou mettent mal à l’aise. Les parents se reposent de plus en plus sur cette femme qui progressivement devient indispensable. Si au départ, les corvées domestiques ne sont pas dans les attributions de Louise, ils prennent vite l’habitude qu’elle prenne en charge le quotidien de la maisonnée. Une relation de dépendance s’installe. Mais la nounou est tout aussi dépendante de cette famille qu’eux le sont d’elle. Louise n’a rien d’autre, personne d’autre que les Massé. Sa vie tourne autour d’eux et elle s’immisce de plus en plus dans l’intimité familiale.

Et plus on en apprend sur Louise, plus ce personnage inquiète. Veuve d’un homme qu’elle n’aimait pas et qui ne l’aimait pas, mère d’une fille qui n’a jamais trouvé sa place auprès d’elle et qui ne l’a jamais autant intéressée que les petits dont elle avait la charge, vivant dans un studio de banlieue sordide, criblée de dettes, Louise apparaît sous un jour de plus en plus inquiétant. Et certaines scènes donnent froid dans le dos, comme par exemple le jeu de cache-cache avec les enfants. Louise se cache et laisse les enfants chercher, elle les observe silencieusement pendant leurs recherches, ne faisant pas un geste ni un bruit alors que les enfants ne rient plus du tout, et finissent paniqués par s’écrouler en pleurs.

Les parents ne voient en elle qu’une nounou idéale sans vraiment se poser de questions sur la femme, sans chercher à en savoir plus. Pourtant certains détails interpellent, mais à chaque fois ils passent outre. Par moments une lutte de pouvoir s’instaure entre la mère et la nounou. La tension monte dans l’appartement des Massé, l’atmosphère devient oppressante mais ils continuent de faire comme si de rien n’était, la confiance initiale n'est plus là mais n'osant pas changer leur quotidien ni s'opposer réellement à celle qui a pris une place si centrale dans la vie de la famille, ils continuent à lui confier chaque jour ce qu'ils ont de plus précieux au monde.

Se pose finalement la question de la responsabilité de chacun dans le drame final. Louise est coupable sans l’ombre d’un doute, son état psychologique n’a fait que se dégrader pendant l’année passée auprès de la famille Massé. Mais ceux-ci ont confié leurs enfants à une inconnue, qu’ils ont exploité sans vraiment s’en rendre compte, ils n’ont rien remarqué ou ont fait semblant de ne pas remarquer la dégradation de la situation. 
En filigrane de la relation de Louise et des Massé, on s'interroge sur la difficulté à concilier vie professionnelle et vie familiale. Myriam est l'incarnation parfaite des sentiments de nombre de mères, tiraillées entre carrière et materni. On s'interroge aussi sur la confiance que l'on accorde à ces personnes à qui l'on confie nos enfants. Un entretien d'une trentaine de minutes et c'est parti ! On ne sait pas réellement à qui l'on à affaire et la plupart des parents, comme les Massé, s'intéressent peu à la personne, ne voyant que l'employée.  

C’est un roman qui se lit comme un thriller, les pages défilent sans que l’on s’en aperçoive, sa chanson douce et empoisonnée vous tourne dans la tête et son ambiance vous glace petit à petit. 

Une excellente lecture qui laisse une impression de malaise



Extrait :

« Louise s'agite en coulisses, discrète et puissante. C'est elle qui tient les fils transparents sans lesquels la magie ne peut pas advenir. Elle est Vishnou, divinité nourricière, jalouse et protectrice. Elle est la louve à la mamelle de qui ils viennent boire, la source infaillible de leur bonheur familial. »

« Ce n’est jamais clairement dit, ils n’en parlent pas, mais Louise construit patiemment son nid au milieu de l’appartement. »


http://ennalit.canalblog.com/archives/2016/01/01/33098969.html

8 commentaires:

  1. Un roman qui se dévore. La mère est débordée, mais le père aussi ...

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    1. Il y a tout de même une grande différence entre le père et la mère, la nounou prend auprès des enfants une place qui était jusqu'alors celle de la mère. Le quotidien du père ne se trouve pas aussi profondément modifié.
      Ariane

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  2. J'hésite toujours devant cette lecture, le thème ne m'emballe pas, même si je ne doute pas qu'il est percutant.

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    1. Le thème est très difficile, je comprends qu'il n'attire pas particulièrement.
      Ariane

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  3. Je le lirai mais j'attends un peu.

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  4. C'est vrai qu'on s'interroge sur cette difficulté de concilier le professionnel et le familial, et c'est bien fait. Ravie de voir que tu as également beaucoup aimé ce livre :-)

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    1. Je crois que c'est une question que se posent tous les parents.
      Ariane

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