mardi 10 janvier 2023

Les mains du miracle - Joseph Kessel

Par Ariane



Auteur : Joseph Kessel

Titre : Les mains du miracle

Genre : roman

Langue d’origine : français

Editeur : Gallimard

Nombre de pages : 416p

Date de parution : avril 2013 (1ère parution 1960)

 

Mon avis :

Depuis septembre, mes lectures sont presque exclusivement consacrées aux parutions de la rentrée littéraire. Et malgré de très belles découvertes, je commençais un peu à me lasser… D’autant plus que lors d’une réunion de mon club de lecture, l’un des participants a longuement parlé d’un auteur qu’il affectionne et que je n’avais pas relu depuis des années : Joseph Kessel. Il a en plus eu la gentillesse de me prêter ce roman, alors j’ai mis de côté les nouveautés pour un classique.

A la fin des années 50, Joseph Kessel a rencontré Felix Kersten. De leurs entretiens, il a publié ce livre, biographie romancée du médecin. Estonien, naturalisé finlandais, Kersten est spécialisé dans les massages thérapeutiques. Installé aux Pays-Bas, il travaille principalement en Allemagne. L’un de ses patients le convainc de soigner Himmler qui souffre de violentes douleurs au ventre. Par ses massages, Kersten soulage Himmler plus qu’aucun autre médecin avant lui. A partir de là, le chef des SS vouera une confiance et une reconnaissance absolues à Kersten. Le médecin n’a aucune sympathie pour les nazis et encore moins pour leurs méthodes, mais c’est par hasard qu’il commence à demander des libérations de prisonniers en échange de ses services. Faisant preuve d’une certaine ruse, il attend que Himmler soit au plus mal pour lui faire signer des listes de prisonniers à libérer. Il n’hésite pas non plus à espionner Himmler et son entourage, transmettant ses observations aux gouvernements suédois et finlandais. Jusqu’à la fin de la guerre, Kersten œuvrera discrètement auprès de Himmler, sauvant la vie de milliers de prisonniers des camps. Si discrètement et si proche d’Himmler, qu’à la fin de la guerre de nombreuses voix s’élèveront pour demander son exécution. Une commission d’enquête révélera son action, lui valant d’être décoré Grand Officier de l’Ordre d’Orange Nassau puis Chevalier de la Légion d’Honneur. Son nom fut même proposé plusieurs fois pour le prix Nobel de la Paix.

Voilà. Quel parcours. Incroyable. Incroyable au sens propre du terme. Comment croire qu’un masseur ait manipulé pendant des années Himmler, le terrible chef de la police allemande, à la tête des SS et de la Gestapo, l’homme le plus craint d’Allemagne ? Et pourtant, le rôle de Kersten était connu à l’époque par les différents gouvernements avec lesquels il était en relation. Peut-être parce qu’elle est si incroyable, peut-être parce qu’il était au plus proche d’un homme si haï, peut-être parce qu’aucun réalisateur n’a fait de film sur lui, son histoire est très peu connue.

Joseph Kessel restitue avec fidélité le rôle de Kersten, la relation trouble qu’il a créée avec Himmler (faite de manipulation et de flatteries d’un côté et d’une dévotion presque absolue de l’autre), les doutes et les craintes qui ont assailli le médecin pendant toutes ces années, la haine que lui vouaient certains dignitaires dont Heydrich, Rauter ou Kaltenbrunner. Sous la plume de Kessel, Himmler apparaît comme un petit homme faible et pleurnichard, éperdu d’admiration pour son maître, mais également prêt à tout pour se concilier les bonnes grâces de celui qui le soulage de ses douleurs et semble lui offrir son amitié. Liberté de l’écrivain ou est-ce ainsi que Kersten percevait son patient ?

Ce roman a été une lecture passionnante et inattendue, j’ai non seulement découvert avec beaucoup d’admiration le parcours de Felix Kersten, mais j’ai également beaucoup aimé l’écriture fluide et élégante de Kessel. 

 

Extrait :

« Himmler n'avait qu'une réponse :
- Le Führer a dit ... »

« À la pensée de soigner l'homme qui devait organiser et diriger la déportation, Kersten eut un mouvement de révolte furieuse.
- Je n'irai pas, cria-t-il. Quoi qu'il puisse arriver, je ne veux plus, je ne peux plus m'occuper de ces gens.
Mais la seule chance, fut-elle infime, qu'avait Kersten de secourir un peuple qui lui tenait tant à cœur, était de rester auprès de Himmler. »

4 commentaires:

  1. Ce livre m'a beaucoup posé question. Je n'ai pas cru une minutes au portrait de Himmler en pleurnichard, ce qui discrédite tout le reste. Le comportement du bourreau de l'humanité est pour le moins étrange... Kersten n'essaie t-il pas de sauver son image par son récit à Kessel et Kessel n'est-il pas trop naïf ?

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    1. Un portrait peut-être un peu exagéré mais pas si contradictoire avec ce que l'on sait du personnage.
      Quant à Kersten, il a probablement enjolivé certaines choses, mais à l'époque où il rencontre Kessel, son image n'a pas besoin d'être sauvée. Une commission d'enquête a déjà reconnu le rôle qu'il a joué, il a reçu de nombreuses distinctions, fait partie des proposés pour le prix Nobel de la Paix...

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  2. Quelle histoire! Kessel est un bon conteur.

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  3. Du même auteur : Le lion m'était tombé des mains à cause du style. je retenterai avec celui-ci.

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