Par Ariane
Auteur : Marie Charrel
Titre : Les mangeurs de nuit
Genre : roman
Langue d’origine : français
Editeur : éditions de l’Observatoire
Nombre de pages : 304p
Date de parution : janvier 2023
Mon avis :
Bien que j'en ai peu de souvenirs précis, je me souviens avoir beaucoup aimé le premier roman de Marie Charrel, Les danseurs de l'aube. J'étais donc curieuse de découvrir ce second roman, d'autant plus qu’il aborde des thématiques qui m'intéressent particulièrement. Elle va en effet aborder l'histoire des nippo-canadiens et celle des populations autochtones, le tout sur fond de légendes amérindiennes ou japonaises et de nature writting.
Au début des années 20, la jeune Aïka quitte son Japon natal pour rejoindre un fiancé qu’elle n’a jamais rencontré. Comme des milliers d’autres jeunes filles, elle est une picture bride, et pour la plupart d’entre elles, la désillusion sera rude. Kuma est un homme bon et rêveur, pas l’époux solide et aisé qu’elle avait espéré. De leur union naîtra Hannah.
La petite fille grandit dans l’indifférence maternelle et la tendresse paternelle. Mais la population canadienne voit d’un mauvais œil ces immigrants accusés de tous les maux. L’entrée en guerre du Japon auprès de l’Allemagne nazie ne fera qu’exacerber le racisme ambiant, jusqu’à l’internement des nippons-canadiens dans des camps.
Jack est Canadien, mais élevé par une Indienne, il a grandi au contact de la nature, bercé par les légendes autochtones. Si son statut de Canadien l’a protégé, ce n’est pas le cas de son demi-frère Mark, arraché très jeune à sa famille pour être christianisé de force. Jack est un creekwalker et vit en quasi autarcie dans la forêt avec pour seule compagnie ses chiens et ses livres.
A travers ces trois personnages et leur histoire personnelle, Marie Charrel aborde trois épisodes passionnants et peu connus de l’histoire (quoique relativement présents depuis quelques années en littérature, je pense notamment à Certaines n’avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka sur les picture bride, Nous étions les ennemis de George Takei sur l’internement des nippons-américains ou Kill the indian in the child de Elise Fontenaille sur l’assimilation forcée des jeunes autochtones). Elle aborde ces histoires lourdes et douloureuses, avec délicatesse et sensibilité. C’est un roman empli d’humanité, en ce qu’elle a de plus beau ou de plus terrifiant.
Adepte de nature writing, j’ai également été très sensible aux très belles descriptions de Marie Charrel, ainsi qu’au message écologique qu’elle porte. Un très joli roman que je recommande !
Extrait :
« Un matin de pluie fine, Jack s’était levé et avait observé le ciel. Des nuages bas formaient une chape grise et opaque. Le vent d’est charriait des effluves d’algues pourrissant sur la batture. Il comprenait, enfin : l’obscurité ne tuait pas la lumière. Elle la révélait. Les souffrances et les deuils, les blessures que lui infligerait la vie, ses propres faiblesses et échecs ne rendraient que plus intense et précieuse encore l’étincelle qui brûlait en lui. Chaque cicatrice que l’existence laisserait sur sa peau lui rappellerait ce qu’il avait été. La profondeur de ce qu’il avait appris. L’importance de l’instant et du pardon. »
« Les histoires ! Elles errent dans le monde comme les akènes du pissenlit charriés par le vent. Elles se cognent à la canopée, brisent leurs petites ailes fragiles, beaucoup se perdent dans le désert où se noient dans l'océan, sauf si quelqu'un les sauve. Il faut les sauver ! Mais comment ? En laissant les histoires entrer en soi. Sais-tu ce qui se passe alors ? Elles te guérissent de l'intérieur, comme un médicament. Leurs ailes chatouillent un peu la première fois, mais on s'habitue. On accueille les histoires puis on les libère en les racontant, de façon à ce qu'elles réparent d'autres que soi. »
« Au lever il vient
toujours ici, à l’avant de l’embarcation, pour humer l’heure matinale et faire
corps avec cet entre-deux fugace, juste avant que l’aube ne jette son feu dans
le ciel. Chaque onde émanant des flots le traverse avec douceur. Chaque murmure
le frôle et l’emplit d’une façon qu’aucun mot ne saurait décrire.
Le soleil perle derrière la crête des montagnes. La forêt s’éveille. Jack
l’écoute. Les bourdonnements des insectes, les craquements des troncs et les
sifflements de feuilles brassées par le vent composent une symphonie dont il
connaît la cohérence et la complexité. Il sait lorsqu’un déséquilibre la
traverse. Il comprend ses mouvements, ses rythmes. Ses humeurs. Il entend
lorsque la forêt saigne. »
J'avais beaucoup aimé le roman de Julie Otsuka, qui m'avait par ailleurs appris un épisode de l'histoire japonaise que j'ignorais totalement.
RépondreSupprimerCe titre a donc tout pour ma plaire, et je me permets, su tu veux bien, de récupérer ton lien pour l'ajouter au récap sur Les minorités ethniques (https://bookin-ingannmic.blogspot.com/2021/12/lire-sur-les-minorites-ethniques-le.html).
Bon week-end !
Tu fais bien de le recommander, je ne le connaissais pas du tout et c'est bien tentant !
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