mardi 4 septembre 2018

Journal des cinq saisons - Rick Bass

Par Ariane


Auteur : Rick Bass

Titre : Journal des cinq saisons

Traducteur : Marc Amfreville

Genre : récit

Langue d’origine : anglais (Etats-Unis)

Editeur : Christian Bourgeois

Nombre de pages : 552p

Date de parution : 2011

Présentation de l’éditeur :

Témoignage le plus abouti et le plus mature que Rick Bass livre de sa vie dans la vallée du Yaak, Le journal des cinq saisons reprend une réalité on ne peut plus tangible de la vie du Montana : entre la rudesse glaciale de l'hiver et l'explosion du printemps se glisse une cinquième saison, la « Saison brune » où les glaces ont déjà fondu pour se transformer en boue mais où la végétation n'a pas encore repris ses droits.
Journal de bord quotidien et hommage à un écosystème incomparable, cet ouvrage est surtout le récit d'un lieu. On y comprend les mécanismes d'une disparition programmée, la chaîne des événements qui mènent de la rapacité aveugle à la destruction d'un des derniers fiefs de la nature sauvage aux États-Unis.
Tel un Thoreau contemporain, il nous donne à voir ce que nous risquons de perdre, entre mélancolie discrète et révolte passionnée



Mon avis :

Ah enfin ! Enfin j’ai terminé un livre après une panne de lecture de plusieurs mois ! Je ne crie pas encore victoire, mais quel plaisir de me replonger dans la lecture, de m’évader par les mots, de rêver…

Dans son Journal des cinq saisons, Rick Bass nous livre en vrac réflexions, anecdotes, souvenirs et observations. Ce journal se déroule sur une année, on commence donc avec l’hiver glacial du Montana et les tempêtes de neige, puis vient le lent dégel et le réveil de la nature, plantes et animaux réapparaissant au grand jour, plus tard arrive l’été chaud et sec au point que les feux de forêt, naturels souvent, mais malheureusement aussi accidentels ou criminels se multiplient, puis l’automne arrive et avec lui la saison de la chasse, enfin la neige fait son retour et tout s’endort à nouveau pour quelques mois. Rick Bass nous raconte donc le rythme des saisons, les changements qu’il observe, mêlant à cela son inquiétude concernant l’avenir de son cher marais, de la forêt et à plus grande échelle de toute notre planète.

Mais c’est aussi le récit très personnel d’un père qui s’émerveille de l’enfance de ses filles et se remémore les grands moments de leur enfance, d’un homme épris de sa femme, un fils qui malgré les années souffre toujours de la disparition précoce de sa mère, un frère, un ami.

Rick Bass est un militant écologiste à mille lieues de l’image caricaturale du hippie écolo. Car s’il est un amoureux de la nature et des animaux, c’est aussi un chasseur, quoique maladroit de son propre aveu. Et il nous fait le récit de plusieurs parties de chasse, souvent infructueuses, mais qu’importe il aime surtout passer des heures en forêt avec ses chiens.

Le rythme du récit et la construction sont déconcertants au départ, c’est lent, parfois répétitif, mais cette lenteur est parfaitement adaptée au sujet, à ce déroulement immuable du cycle des saisons. Il faut apprendre à prendre son temps, à observer, à écouter, en silence.

Première rencontre avec cet auteur mais assurément pas la dernière, j’ai d’ores et déjà réservé deux autres livres. Je vous recommande chaudement ce récit intimiste et contemplatif que j’ai littéralement transformé en livres hérisson tant j’ai mis de post it !



Extraits (impossible de n’en choisir qu’un !) :


« Mais comme chaque saison révèle la mise en place d’une nouvelle vague de coupes claires – deux cent et quelques années de tout un univers de beauté et de grâce soudain réduit à néant –, je me demande quelle espère d’individus prédateurs et ineptes peut permettre qu’on fasse pareille violence non seulement à leur terre, ou à tout autre terre, sans songer aux paysages qui vont par la suite envahir notre champ de vision en découvrant jour après jour ces versants dénudés, toujours plus dépouillés. Ces paysages empliront désormais la vie de leurs enfants, jusqu’à ce qu’un jour advienne une génération qui n’aura rien connu d’autre et qui acceptera ce spectacle comme normal et juste, alors que chaque année le dégel montrera l’avancée de l’érosion et que les montagnes peu à peu disparaîtront, le mystère cédant la place aux escarres. »


« Depuis l’enfance, on nous a toujours dit, et nous avons toujours cru, que les quatre saisons présentaient une symétrie parfaite. Je ne sais pas pourquoi la cinquième, la saison qui s’ »tend entre l’hiver et le printemps, n’est jamais désignée comme telle. Elle est pourtant tout aussi réelle et apparemment aussi longue que les autres. S’il faut trouver un nom à ce laps de temps qui commence après la fonte des neiges et où le sol demeure immuablement marron pendant plusieurs semaines, je propose tout simplement de l’appeler la saison brune, ou la saison de la boue. »


« Les animaux jettent des ponts au travers de nos cœurs : pendant toutes ces années, le pont avait été façonné comme une construction vivante et particulière, comme un chemin, un mouvement. Et aujourd’hui qu’elle est partie, le pont demeure, aussi beau et ouvragé que toujours, mais il ne vit plus, il a renoncé au mystère labile de la vie, et à la place, il a entamé le processus durable de calcification du mythe et du souvenir. Il est le vestige du lieu où se trouvait notre amour, le résidu même de l’amour que nous lui portions, le reste de douceur, de loyauté, la dépouille d’une chienne merveilleuse qui partageait autrefois notre existence. »

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