vendredi 12 octobre 2018

L'art de perdre - Alice Zeniter

Par Daphné





























Auteur : Alice Zeniter
Titre : L’art de perdre
Genre : roman
Langue d’origine : français
Editeur : Flammarion
Nombre de pages : 512
Date de parution : 2017

Présentation de l’éditeur :


L’Algérie dont est originaire sa famille n’a longtemps été pour Naïma qu’une toile de fond sans grand intérêt. Pourtant, dans une société française traversée par les questions identitaires, tout semble vouloir la renvoyer à ses origines. Mais quel lien pourrait-elle avoir avec une histoire familiale qui jamais ne lui a été racontée ? Son grand-père Ali, un montagnard kabyle, est mort avant qu’elle ait pu lui demander pourquoi l’Histoire avait fait de lui un « harki ». Yema, sa grand-mère, pourrait peut-être répondre mais pas dans une langue que Naïma comprenne. Quant à Hamid, son père, arrivé en France à l’été 1962 dans les camps de transit hâtivement mis en place, il ne parle plus de l’Algérie de son enfance. Comment faire ressurgir un pays du silence ? Dans une fresque romanesque puissante et audacieuse, Alice Zeniter raconte le destin, entre la France et l’Algérie, des générations successives d’une famille prisonnière d’un passé tenace. Mais ce livre est aussi un grand roman sur la liberté d’être soi, au-delà des héritages et des injonctions intimes ou sociales.

Mon avis :

Eh bien, quel livre ! Que d'émotion en le refermant, que de révolte aussi...

Ce livre nous conte l'histoire de trois personnages, de trois générations : Ali, rejeté et considéré comme un traître après les accords d'Evian, devenu harki sans réellement s'en rendre compte, qui est contraint de fuir avec sa famille dans une France qui en lui réserve pas le meilleur des accueils ; son fils, Hamid, arrivé en France à dix ans qui a  bien du mal à supporter que ses parents dépendent de lui car il a appris très vite le français et la lecture et qui, au fil des ans, se murera dans le silence, rejenant au plus profond de lui-même les souvenirs de son pays d'origine; et enfin, Naïma, la fille de Hamid qui tente de percer les secrets de ses origines et de l'histoire familiale qu'on ne lui a jamais raconté. 

A travers ses trois personnages, Alice Zeniter nous parle du sort réservé au harkis, rejetés et méprisés en Algérie, qui pensaient trouver en France une meilleure vie et se sont retrouvés pris au piège d'un autre mépris, d'un autre rejet. C'est une véritable réflexion que nous offre là Alice Zeniter, une reconnexion sur l'identité, sur l'exil, sur la difficulté de concilier une double culture, une double histoire, sur le silence et la douleur des uns qui pèse des uns qui pèse sur les générations suivantes, sur les difficultés de deux générations qui ne se comprennent pas... 

Quelle beauté dans ce livre, quelle douleur aussi. Sans jugement et avec une grande subtilité, l'auteure nous parle d'une période de l'histoire trop souvent passée sous silence, nous fait également réfléchir à l'actualité. 

Il y aurait tant de choses à dire sur ce livre si profond que je ne sais vraiment comment en parler et ne peut qu'en recommander fortement la lecture. 

Un grand livre qui mérite véritablement le prix Goncourt des lycéens qui lui a été attribué.


Extrait :

"Ils veulent une vie entière, pas une survie. Et plus que tout, ils ne veulent plus avoir à dire merci pour les miettes qui leur sont données. Voilà, c'est ça qu'ils ont eu jusqu'ici : une vie de miettes. Il n'a pas réussi à offrir mieux à sa famille."

"Ils rient de pouvoir rire. Ils rient de constater que la guerre a reculé dans leur esprit, comme les flots à marée basse et que sur la plage qu'elle a découverte, ils peuvent employer le vocabulaire de l'affreux sans céder à la panique."

"Choisir son camp n'est pas l'affaire d'un moment et d'une décision unique, précise. Peut-être, d'ailleurs, que l'on ne choisit jamais, ou bien moins que ce que l'on voudrait. Choisir son camp passe par beaucoup de petites choses, des détails. On croit n'être pas en train de s'engager et pourtant, c'est ce qui arrive."

"Tu peux venir d'un pays sans lui appartenir, suppose Ifren. Il y a des choses qui se perdent... On peut perdre un pays."

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